La rupture du contrat de travail est un moment important et délicat dans les relations employeurs/salariés. Les obligations sont en effet nombreuses pour l’entreprise : formalités déclaratives, remise des documents légaux mais également paiement du dernier salaire avec les différentes primes et autres indemnités dues au collaborateur. Pour éviter toute contestation ou litige ultérieur, il est donc important de porter une attention particulière au solde de tout compte du salarié et notamment au paiement de son indemnité compensatrice de congés payés. Quand est-elle due ? Comment calculer son montant ? Quel régime social et fiscal appliquer ? Tour d’horizon des différentes règles à connaître.
L’indemnité compensatrice de congés payés : de quoi s’agit-il ?
L’indemnité compensatrice de congés payés (ICCP) est due lors de la rupture du contrat de travail si le salarié n’a pas soldé ses congés payés à cette date (c.trav.art.L3141-28). Elle ne doit donc pas être confondue avec l’indemnité de congés payés, versée au travailleur au cours du contrat de travail pour rémunérer ses absences pendant ses CP.
Le versement de l’indemnité compensatrice de congés payés est ainsi soumis à deux conditions :
- Une rupture du contrat de travail. Toutes les formes de rupture sont concernées qu’elles soient à l’initiative du salarié ou de l’employeur : démission, fin de période d’essai, licenciement, rupture conventionnelle, fin de CDD (à son terme ou de manière anticipée), départ à la retraite, etc. (c.trav.art.L3141-28). L’indemnité compensatrice est également versée aux ayants droits du salarié en cas de décès avant la prise de ses congés.
- Des CP acquis non pris par le salarié. Peu importe les motifs pour lesquels les CP n’ont pas été soldés. Ainsi, l’ICCP est due même si l’employé avait refusé de prendre ses congés avant son départ (Cass. soc. 30-4-2003 no 01-40.853).
Bon à savoir. Jusqu’en 2016, la faute lourde privait le salarié de ses indemnités compensatrices de congés payés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui depuis une décision du Conseil constitutionnel : “ Les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 3141-26 du code du travail sont contraires à la Constitution”(Cons. Constit. 02.03.2016 : n°2015-523).
Le paiement de l’indemnité compensatrice concerne la période de référence en cours ainsi que celle antérieure si la période de prise de CP est encore ouverte à la date de rupture du contrat.
La période de référence antérieure n’est donc pas prise en compte si la période de prise des CP est finie, sauf si l’employeur est responsable de la non prise de ses CP par l’employé (cass. soc. 20-2-1990 no 87-40.498 P).
Comment calculer l’indemnité compensatrice de congés payés ?
Mode de calcul : 1/10° ou maintien de salaire ?
L’indemnité compensatrice de CP se calcule de la même manière que pour l’indemnité de congés payés. Il est ainsi nécessaire de procéder en plusieurs temps : calcul par les méthodes du 1/10e et du maintien de salaire, puis comparaison des deux résultats afin de choisir la solution la plus favorable pour le salarié.
Règle du 1/10°
L’indemnité compensatrice est égale au 1/10° de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence (art.L3141-24).
Le calcul doit en particulier inclure les éléments de rémunérations suivants :
- Salaires et assimilés : salaire brut, heures supplémentaires, majorations pour travail le dimanche ou de nuit, pourboires
- Primes dues en contrepartie du travail à condition qu’elles ne soient pas également versées pendant le congé :
-
- Prime annuelle calculée sur les périodes de travail hors CP
- Prime de nuit, de soirée, d’assiduité…
- Prime de résultat
- Commissions des commerciaux
- Prime d’ancienneté si elle est versée sur la présence réelle du collaborateur, sans inclure ses périodes de CP
- Indemnités liées à des contraintes particulières du poste : indemnité d’expatriation, de détachement, d’astreinte….
- Indemnité de non-concurrence (cass. soc. 28-11-2001 no 99-46.032)
- Avantages en nature
- Indemnités de fin de contrat des CDD (prime de précarité)
- Périodes non travaillées assimilées à du temps de travail effectif (art.L3141-5) :
-
- Indemnité de congés payés de l’année précédente
- Indemnités liées à la contrepartie obligatoire sous forme de repos pour les heures supplémentaires
- Congés maternité, d’adoption, de paternité et d’accueil de l’enfant
- Accident du travail et maladie professionnelle (dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an).
À l’inverse, il convient d’exclure du calcul les éléments suivants : les remboursements de frais, les primes annuelles, semestrielles ou trimestrielles versées de manière globale (y compris pendant les CP du salarié), les primes d’intéressement et de participation.
Quid du rappel de salaire ? Le montant du rappel de salaire se rapportant à la période de référence doit être pris en compte dans le calcul de l’ICCP (cass. soc. 30-4-2003 no 00-44.789).
Maintien de salaire
Le seul calcul du 1/10° n’est pas suffisant. Le code du travail précise en effet que l’indemnité de congés payés ne peut pas être inférieure à la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si l’employé avait continué de travailler (art.L3141-24 II).
Dans le cas d’une indemnité compensatrice de CP, et donc d’une rupture de contrat, le salarié ne prend pas effectivement ses congés. Pour calculer le maintien de salaire, l’entreprise peut donc prendre en compte le salaire du mois de départ de son collaborateur.
S’agissant des éléments à prendre en compte ou non dans la rémunération, ils sont identiques à ceux prévus pour le calcul du 1/10°.
Concernant le calcul lui même, l’employeur peut utiliser l’une des méthodes suivantes de son choix :
- Horaire réel du mois (cette méthode présente l’intérêt d’être précise et elle a la faveur de la jurisprudence)
- Nombre moyen de jours ouvrables ou ouvrés
- Nombre réels de jours ouvrables ou ouvrés
Exemple de calcul de l’indemnité compensatrice
Un salarié a perçu une rémunération de 27 600 euros pendant la période de référence, soit 2 300 euros brut mensuel. Au moment de sa rupture de contrat il reste sur son compteur 5 jours ouvrés de congés payés non pris.
Méthode du 1/10° :
27 600 / 10 = 2 760 euros pour 25 jours ouvrés de congés payés
Soit pour 5 jours de CP :
2 760 x (5/25) = 552 €
Méthode du maintien de salaire :
Hypothèse où l’horaire réel dans l’entreprise est de 7 heures par jour pour 21 jours ouvrés travaillés dans le mois, soit 147 heures.
Pour 5 jours de CP, soit 35 heures (5 x 7 heures) :
2 300 x (35/147) = 547,62 €
L’indemnité compensatrice de congés payés sera de 552 €.
Incidence du préavis non effectué
Il convient de distinguer deux situations :
- Préavis non effectué à l’initiative du salarié : la durée du préavis n’est pas prise en compte dans le calcul de l’ICCP.
- Dispense de l’employeur d’effectuer le préavis : la période de travail non réalisée est prise en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice (L1234-5).
Bon à savoir. Dans le cadre d’une faute grave, le salarié est licencié sans préavis. Si le juge écarte cette faute grave, le salarié peut donc réclamer une indemnité compensatrice de congés payés incluant la période de préavis (cass. soc. 13-6-1991 no 89-45.798).
Modalités de paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés
L’indemnité compensatrice de congés payés doit figurer sur le dernier bulletin de paie du salarié.
L’entreprise ne peut pas différer son paiement ni la verser par anticipation. Dans ce dernier cas, l’employé serait en effet empêché de prendre ses congés s’il le désire ou serait lésé en cas d’augmentation de salaire postérieure.
L’indemnité compensatrice se cumule avec les autres sommes dues lors de la rupture du contrat, notamment l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis.
Quel est le régime social et fiscal de l’indemnité compensatrice de congés payés ?
Un régime identique au salaire : cotisations de sécurité sociale et impôt sur le revenu
L’ICCP est assujettie aux mêmes cotisations et contributions sociales que pour les salaires :
- Cotisations de sécurité sociale
- Contributions chômage et AGS
- Cotisations Agirc-Arrco
- FNAL, solidarité autonomie et dialogue social
- Contribution à la formation professionnelle
- Participation de l’employeur à l’effort de construction
- Versement mobilité
- Taxe sur les salaires
- CSG et CRDS
Elle est également imposable en totalité au titre de l’impôt sur le revenu.
En cas de saisie sur salaire, elle est incluse dans la rémunération saisissable.
D’un point de vue pratique, l’indemnité compensatrice est déclarée par le biais de la DSN de signalement de fin de contrat.
Quid de l’assiette forfaitaire de cotisations ?
Certaines activités sont assujetties à des assiettes spécifiques de cotisations reposant sur une base forfaitaire et non sur la rémunération brute réellement versée. C’est le cas par exemple des vendeurs à domicile, sportifs et entraîneurs, animateurs et directeurs d’accueil collectifs de mineurs, salariés des hôtels cafés restaurants rémunérés au pourboire…
La cour de cassation considère que cette base forfaitaire inclut l’indemnité de congés payés et qu’il n’est donc pas nécessaire d’y ajouter le montant de l’ICCP versée (cass. soc. 19-3-1998 no 96-17.837).
Cas des indemnités versées par les caisses de congés payés
Les indemnités compensatrices de congés payés versées aux salariés par les caisses de CP sont soumises aux mêmes règles que les indemnités de CP elles-mêmes : taux applicable, formalités déclaratives, date de versement, etc.
L’entreprise n’est pas tenue de mentionner l’ICCP sur les bulletins de salaire.
Céline Le Friant