En 2020, certaines écoles agréées centre de formation (CFA) se sont récemment lancées dans l’apprentissage de masse, notait la Ministre du Travail en décembre. Élan pédagogique pour voler au secours des étudiants ou effet d’aubaine ? L’affaire est actuellement placée sous enquête par la Direccte.
Le stagiaire à la formation professionnelle est-il une aubaine ?
L’affaire se centre autour d’un dispositif pour relancer l’apprentissage lancé lors du premier confinement. Dans le cadre du décret numéro 2020-1086 du 24 août 2020, tout jeune de 16 à 29 ans peut s’engager auprès d’un centre de formation d’apprentis (CFA) pour 6 mois sans avoir un contrat employeur. Il s’agit de l’extension d’un délai auparavant limité à 3 mois. Dans ce contexte, le centre de formation touche 500 euros d’aide par jeune inscrit. Une soutien financier envers les entreprises octroient une enveloppe par embauche en contrat d’apprentissage à hauteur de 5 000 euros pour un mineur et 8 000 euros pour un apprenti majeur. Ce coup de pouce devrait prendre fin à la fin de ce mois-ci.
Selon une enquête France Compétences, trois centres de formation d’apprentis (CFA) sur quatre ont vu leur nombre de candidats à l’apprentissage augmenter par rapport à 2019, pour une hausse totale de 11 % en moyenne.
Sont accusées de fraude à l’apprentissage les écoles qualifiées en tant que centres de formation qui présentent une inscription en masse de candidats à l’apprentissage. En inscrivant ces derniers en tant qu’étudiant, et non comme stagiaire à la formation professionnelle, ces établissements facturent des frais de scolarité sur une partie ou l’année entière dans le cas où le jeune ne trouve pas de contrat d’apprentissage. Pendant ce temps, le centre de formation empoche l’aide du gouvernement.
Pourtant si le CFA connaît bien son métier, la situation d’avoir une quantité de jeunes sans contrats n’a pas de sens. Il n’est pas dans l’intérêt des centres de formation de garder des jeunes sans contrats, qui face aux difficultés ne vont certainement pas tarder à décrocher. Si le dommage financier reste modéré, c’est l’image de la formation en apprentissage qui en prend un coup. Une voie de formation qui a peiné pendant des années, l’apprentissage s’est révélé pertinent dans le marché du travail moderne. Aurélien Cadiou, Président de l’Anaf, rappelle que cette attitude de la part des établissements fautifs « ne respecte pas la philosophie de l’apprentissage qui veut que l’employeur paie la formation et que le coût-contrat couvre les frais du centre de formation ».
Divers établissements inspectés pour fraude à l’apprentissage
Nommé dans la liste des établissements dans le viseur du ministère du Travail, le groupe Galileo, dont fait partie l’ESG, a répondu à nos questions. Comptant 65 000 étudiants en France, les écoles de commerce du groupe comptent 8 600 alternants sur un total de 17 000 étudiants cette année.
« Dans ces écoles, l’alternance représentait 40% de nos effectifs en 2018, elle en représente 50% aujourd’hui. En cette année exceptionnelle, nous avons renforcé notre équipe de mise en relation entre apprentis et entreprises. Trente personnes se mobilisent pour placer les étudiants en entreprise. Si le nombre d’apprentis en contrat augmente cette année, il semble que les PME/TPE aient plus de difficultés à recruter que les plus grands groupes, » explique Julien BLANC – Directeur Affaires Publiques de Galileo Global Education – France.
Selon lui, 99% des candidats à l’apprentissage inscrits sous l’égide du groupe Galileo ont trouvé une entreprise, il resterait une centaine en recherches de contrat dans le cadre du dispositif mis en place par le gouvernement. Pour ce qui est de la transparence des chiffres, le groupe transmet régulièrement ses données au ministère du Travail et à l’OPCO EP en charge de ce dispositif exceptionnel. Si l’enquête corrobore la fraude à l’apprentissage, l’établissement fautif perdra son numéro UAI (Unité administrative immatriculée) et sera soumis à des indemnités.
Contactés lors de la préparation de cet article, Studi spécialisé dans les formations en ligne, et L’ENSMI, école spécialisée dans le management immobilier, n’ont pas répondu à nos questions. L’organisme de formation Adaforss qui figure également parmi les établissements cités dans le cadre de l’enquête du gouvernement est actuellement soumis à un contrôle de la DIRECCTE.
Comment prévenir la fraude à l’apprentissage ?
Dans un communiqué en date du 23 janvier 2021, l’ANAF réclame la mise en place d’un processus de contrôle (Qualiopi). Les aspects à surveiller incluent :
- les conditions sous lesquelles sont émis les frais d’inscription et de scolarité,
- les clauses comprises dans les contrats entre les CFA et les jeunes,
- le détail de l’assistance fournie les CFA pour soutenir les candidats à la formation professionnelle dans leurs recherches d’un employeur,
- l’obtention du statut de stagiaire à la formation professionnelle,
- l’interdiction des contrats engageant les apprentis sans employeur à rester au sein de l’établissement et de financer une partie ou la globalité de l’année de formation.
Le 18 janvier 2021, l’Opco des entreprises de proximité « EP » en charge du dispositif déclarait que sur 51 000 jeunes, 9 700 avaient trouvé un contrat d’apprentissage. Chiffre aussi important : 4 300 jeunes ont opté pour une autre formation, abandonnant l’apprentissage. Selon le ministère du Travail, 38 000 jeunes n’avaient pas trouvé de contrat d’apprentissage fin janvier.
Plusieurs solutions éventuelles sont envisagées par le gouvernement :
- transmettre les dossiers de ces jeunes aux Direccte et aux Medef territoriaux,
- cartographier ces candidats à l’apprentissage selon leur CFA, leur niveau et domaine de formation avant de soumettre ces informations au site « 1 jeune 1 solution » et Pôle Emploi, parmi d’autres acteurs de l’emploi,
- aider les jeunes à trouver une nouvelle orientation,
- intégrer une formation proposée par les Programmes régionaux de formation (PRF).
Maï TREBUIL
Découvrez aussi l’article de la rédaction sur la rupture du contrat d’alternance.