Une expérience collaborateur, c’est quoi ? Depuis la crise sanitaire, l’expérience collaborateur s’est axée autour de deux enjeux principaux : préserver le lien social et maintenir la performance de l’entreprise. Elle a nécessité un investissement considérable sur les plans financier et humain. Et il semblerait que la tendance se poursuive : les collaborateurs se sont tournés vers leur employeur en quête de soutien face aux bouleversements multiples emmenés par la crise sanitaire. Si les entreprises sensibles à la transformation ont engagé des budgets et une stratégie pour répondre à un contexte tourné vers la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT), d’autres pourraient ne pas encore être encore convaincues de la nécessité d’améliorer cette expérience collaborateur, laquelle est étroitement liée au pilotage des processus RH d’une entreprise.
Quels sont les principaux enjeux d’une expérience collaborateur ? Comment l’optimiser ?
Qu’est-ce que l’expérience collaborateur ?
Expérience collaborateur : définition
Notion de management propre aux professionnels des ressources humaines, une expérience collaborateur représente la vision et les ressentis d’un individu concernant tout son parcours au sein de son entreprise, de sa phase d’arrivée (onboarding) à sa phase de départ (offboarding). D’autant plus que cette dernière est trop souvent négligée au sein des entreprises. Selon Mathilde Le Coz, DRH chez Mazars, on a tendance à minimiser l’impact du traitement du départ du collaborateur. Or, les offboardés contribuent au rayonnement – ou l’inverse – de la marque employeur. Mathilde Le Coz pense notamment aux alumnis. « Je recrute aujourd’hui des candidats qui ont été conseillés par ceux qui sont partis il y a des années », a-t-elle déclaré au salon HR & Learning Technologies France 2023 à Paris.
Tout comme l’expérience client dont elle s’inspire, l’expérience collaborateur vise à améliorer le vécu et les interactions entre l’entreprise et le salarié. Les clients, tout comme les employés, attendent une relation personnalisée avec l’entreprise. Chaque client souhaite que l’humain se place au cœur du processus. Enfin, les clients attendent de ressentir des émotions positives enrichissantes avant, pendant et après l’achat. Du côté des employés, la qualité de leurs expériences doit se faire ressentir avant leur recrutement, pendant et après.
Véritable enjeu RH, l’amélioration de cette expérience collaborateur permet d’attirer les talents, de les engager et de les fidéliser. Mais une expérience collaborateur réussie permet aussi d’améliorer la culture d’entreprise et la valeur de votre marque. Ainsi, elle est non seulement au service de la performance de l’entreprise mais aussi de celle du collaborateur.
Qu’attend un salarié de l’expérience collaborateur ?
Quelles propositions mettre en œuvre en ce sens ? Inspirée de l’expérience client, ladite expérience collaborateur a pour objectif de créer et pérenniser une relation personnalisée et stable entre l’entreprise et le salarié. Au moment du recrutement, le salarié attend un processus reflétant les valeurs et la culture d’entreprise. Lors de son intégration, c’est pareil. Cette étape décisive donne le la sur l’investissement et la fidélisation à long terme.
Néanmoins, les entreprises ne peuvent pas concentrer leurs efforts sur ce moment pour ensuite, oublier les nouvelles recrues. Un top onboarding doit être suivi par un cycle de feedback récurrent au service de la satisfaction employé. Au quotidien, les employés attendent de la considération, de la reconnaissance, de l’écoute et de l’autonomie. Leur environnement doit être sain, de qualité et à la hauteur de leurs attentes. Les employés souhaitent des conditions de travail optimales, au service de leur progression, de leur développement. Et dorénavant, ils souhaitent avoir une flexibilité liée à leurs modes de travail (télétravail, mode hybride, choix des horaires, semaine de 4 jours, etc.) Ils souhaitent notamment être équipés d’outils numériques adaptés permettant le développement de leurs compétences.
Expérience collaborateur : comment l’améliorer ?
Les talents attendent de vivre une expérience unique et personnalisée au sein de l’entreprise. Pour cela, les professionnels des ressources humaines doivent impérativement tenir compte des besoins et attentes de chaque employé sur le long terme.
Une expérience collaborateur se travaille durant les différentes étapes clés du parcours professionnel du talent : publication de l’offre d’emploi, entretiens d’embauche, onboarding et intégration, gestion du quotidien, évolution de carrière (nouvelles compétences, satisfaction…) jusqu’à l’offboarding, le départ éventuel.
L’entreprise doit donc mettre tous les moyens en œuvre pour construire une stratégie globale visant à faire de l’expérience quotidienne de l’individu une expérience positive et enrichissante, au service des performances et de la satisfaction globale. Les leviers d’action des salariés concernent l’organisationnel, le relationnel, le matériel et le fonctionnel.
L’optimisation de l’expérience collaborateur est l’occasion de prendre la température et de faire le point sur les modes de travail mis en place au sein de l’entreprise. Et c’est possible en demandant des feedback aux salariés lors des différentes étapes de leur parcours professionnel. Pourquoi ? Les salariés sont nombreux à souhaiter bénéficier du mode hybride pour favoriser leur équilibre vie professionnelle et personnelle (ou work-life balance). La flexibilité fait partie des éléments clés de l’expérience collaborateur. Mais le développement des compétences et de l’employabilité fait également partie des aspirations clés des collaborateurs.
Les avantages d’une expérience collaborateur réussie
En permettant la satisfaction des aspirations de chacun, l’entreprise pérennise le recrutement et l’intégration des nouvelles recrues. Un cadre et un environnement professionnel épanouissant, un modèle managérial sain, des conditions de travail optimales et un projet qui a du sens : tout cela participe au renfort de leur engagement personnel. Car donner du sens au travail est primordial.
Puis, une expérience employee centric permet également d’améliorer les performances individuelles et globales. Car une culture d’entreprise au service du développement des compétences de chacun développe l’enthousiasme et la satisfaction globale. Les valeurs de votre société doivent être le miroir de votre identité, de vos valeurs, il faut être authentique, pour véritablement toucher le plus grand nombre.
Tout cela a un impact direct sur l’attractivité et l’image de la société ! Des collaborateurs satisfaits deviendront naturellement des ambassadeurs de votre marque dans leur vie professionnelle au quotidien, notamment sur les réseaux sociaux s’ils ont envie de partager leur quotidien ou même de faire du personal branding via LinkedIn par exemple qui servirait les intérêts de l’entreprise. Et dans le même temps, elle est au service de la réduction de l’absentéisme au travail et du taux de turnover.
Enfin, le dernier avantage est évidemment la rétention des talents. En effet, l’amélioration de l’expérience collaborateur permet de répondre à leurs besoins et à leurs envies, en renforçant leur attachement à la société et donc en les motivant à rester et à s’y impliquer dans une logique d’engagement collaborateur.
Expérience collaborateur : le management comme vecteur de bien-être
Naguère contraints d’évoluer, les modes managériaux ont dû se mettre à l’heure de la distanciation sociale tout en contribuant à maintenir le cap au niveau de l’activité. Les chefs d’équipe occupent un rôle clé dans l’entreprise et ils devront poursuivre leurs efforts et actions pour continuer la transformation accélérée de leur société.
La communication au centre de l’expérience collaborateur
Face aux changements rapides et successifs, les entreprises gagneront à privilégier la clarté de leurs messages. Il s’agit d’aligner le discours promu et la ligne managériale, cette dernière jouant un rôle capital dans le relais des informations. La communication à distance s’effectue différemment de celle en présentiel. Il est nécessaire de s’assurer de sa maîtrise par les encadrants. Il faut aussi les rendre conscients de leur rôle crucial de messager, en particulier dans un contexte post-crise où certains collaborateurs se sont vus imposer le télétravail du jour au lendemain.
“On a fait beaucoup de communication en réunissant tous les managers beaucoup plus souvent pour diffuser les messages, par exemple toutes les deux semaines. On ne le faisait pas à cette fréquence auparavant. On s’est effectivement beaucoup reposé sur les équipes RH,” raconte Audrey Richard, DRH Groupe et engagement des salariés chez Up & Présidente ANDRH lors de notre webinar dédié à la QVT, l’environnement de travail et à l’expérience collaborateur.
Dans une chronique dédiée à la communication, Gaël Chatelain-Berry, l’instigateur du concept du management bienveillant, a noté le besoin de communiquer de manière plus multidimensionnelle. En effet, nous oublions souvent que la communication s’effectue à deux niveaux : nous cherchons à nous exprimer et nous souhaitons être bien compris. Vos managers pratiquent-ils ces deux actions ou se limitent-ils à la première ?
Et quid du dialogue social ? Communiquez-vous votre approche et les motivations de la démarche QVCT à l’ensemble des effectifs ? C’est également le rôle des chefs d’équipe – et des structures syndicales dans certains cas – que d’adapter l’information au niveau de leurs collaborateurs.
La prévention des risques psychosociaux dans les pratiques managériales
Les bouleversements des dernières années et la reconnaissance accrue des risques psychosociaux (RPS), notamment du burn-out, ont refocalisé l’attention sur l’expérience collaborateur.
L’équilibre entre vie professionnelle et personnelle a dû intégrer des situations d’isolement ou au contraire de partage d’espace, que ce soit en coworking ou au sein d’un logement avec des enfants. Le droit à la déconnexion a dû être rappelé pour ménager l’énergie des collaborateurs et leur sommeil. Ces développements ont rappelé l’importance des soft skills comme l’empathie et le relationnel dans le management.
Aujourd’hui, ce sont les RH qui sont formés à la prévention des risques psychosociaux.
Désormais, les responsables qui sauront détecter les signaux faibles d’un burn-out ou d’une grande anxiété apporteront une plus grande réactivité pour modifier le quotidien de ces collaborateurs concernés et les aider à surmonter ces moments difficiles en respectant leurs limites.
Quelles sont les priorités QVCT pour les employeurs ?
L’étude Gartner les encourageait d’ailleurs à adopter ces trois angles d’attaque :
- S’engager à aider les salariés souffrant de stress et oeuvrer à la prévention des risques psychosociaux.
- Personnaliser le soutien apporté. Invitez à suggérer des modifications pour adapter l’expérience collaborateur à leurs situations professionnelles et personnelles (isolement, garde d’enfants et autres enjeux liés à la parentalité en entreprise, convalescence, etc).
- Favoriser le dialogue, même sur des sujets sensibles. Plus vous aurez de retours d’expérience et d’avis des collaborateurs, plus vous comprendrez leurs besoins. Organisez des séances de restitutions suite à des initiatives QVCT ou effectuez un sondage interne pour recueillir les ressentis et propositions de solutions qui pourront déboucher sur des actions concrètes.
- Sortir de la relation de manager et managé : “Le collaborateur est acteur de son quotidien et va venir proposer des éléments concrets et utiles pour l’entreprise,” affirme Thomas Cornet, expert en problématiques d’organisation du travail chez Wittyfit, interrogé lors de notre webinar sur la qualité de vie au travail et l’expérience collaborateur.
Le lien social en priorité
Le maintien du lien collectif est une priorité, surtout avec la démocratisation des nouveaux modes hybrides. Certains se trouvent (et resteront) en télétravail depuis plus d’un an, d’autres en mode hybride. Leur retour en présentiel (total ou partiel) nécessite un accompagnement. Quelles actions pouvez-vous proposer pour répondre à des sollicitations collectives ? Quel accompagnement proposez-vous à votre équipe récemment affectée à une nouvelle unité de travail ? Quid des jeunes en début de carrière qui ont dû débuter leur contrat en télétravail ? Une multitude de solutions s’offre à vous : des cours sportifs, des challenges interactifs ou encore l’animation de comptes réseaux sociaux dédiés aux collaborateurs ou à une thématique fédératrice. Surtout, pensez à impliquer les collaborateurs !
En outre, saviez-vous que 75 % des salariés sont heureux de revenir au bureau selon le baromètre 2022 CSA pour Parella sur l’évolution des modes et espaces de travail ?
Selon Julie Gaillot, Directrice du pôle Society de l’institut CSA, il apparaît à travers de cette étude que l’entreprise est « beaucoup plus qu’un lieu de productivité. C’est un lieu de sociabilité, où les salariés viennent pour se retrouver, échanger, partager. Cela pose clairement la question du lien social dans un contexte où le travail hybride semble devenir une nouvelle manière de travailler avec la normalisation du télétravail. »
La formation dynamise l’expérience collaborateur
La notion d’expérience collaborateur s’est vue malmenée par les confinements successifs et changements de processus ou même de stratégie. Si la digitalisation des entreprises et de certains métiers a pu être menée au pas de course, voici venu le temps de vous assurer que les bases sont bel et bien acquises. La gestion des compétences par les RH est aujourd’hui revue à l’aune de la transformation numérique (digital learning, blended learning, etc.) Quel cycle de formation en entreprise pouvez-vous proposer à vos salariés pour accompagner les objectifs de performance de votre entreprise ? Si la formation à la gestion des talents en entreprise à distance reste pertinente pour les managers, d’autres thématiques peuvent se révéler utiles comme la gestion du temps, une introduction aux méthodologies agiles ou encore apprendre à collaborer de manière asynchrone. Comme mentionné plus tôt, un cycle de formation à la prévention des risques psychosociaux dédié aux managers est un investissement essentiel.
La transformation digitale trouve son sens
Grâce à l’accélération de la transformation numérique imposée par le télétravail, les collaborateurs ont pu gagner en maturité digitale. Malgré ces progrès, l’investissement dans des outils digitaux collaboratifs, si intuitifs qu’ils soient, doit impérativement inclure un volet de cycle de formation afin d’en tirer le meilleur parti.
Les prises de décisions sont peut-être plus rapides et certains processus maîtrisés, mais les employés ont-ils bien assimilé la logique inhérente aux processus mis en place ou les effectuent-ils par automatisme ? Une restitution menée sur un outil de captation numérique pourrait faire émerger des réponses, essentielles pour améliorer l’expérience collaborateur.
Expérience collaborateur : un enjeu RH global
Expérience collaborateur et fonction RH
La fonction RH peut certainement bénéficier des outils digitaux pensés pour faciliter l’optimisation de la QVCT. En revanche, si puissante qu’elle soit, la technologie ne peut remplacer l’humain, le soutien des décideurs à la fonction RH dans le cas d’une organisation top-down. L’engagement viendra renseigner des initiatives en réponse aux tendances qui perdurent comme la cohésion d’équipe, la fluidification du travail à distance et la gestion du stress. En somme, il faut mettre à la fois l’accent sur les initiatives collectives et sur la résolution de problèmes au cas par cas.
La fonction RH reste décidément au centre de l’animation et l’optimisation de l’expérience collaborateur. Cela dit, cette dernière constitue un enjeu collectif pour l’entreprise. Avant tout, la stratégie globale d’entreprise doit s’accentuer sur l’humain si elle veut s’inscrire dans le temps et agir en profondeur. Les RH peuvent l’animer de manière stratégique, mais sans un engagement global, celle-ci reste fragile et à la merci de facteurs externes comme un nouveau bouleversement interne à l’entreprise. Après tout, ce sont les collaborateurs qui œuvrent au bon fonctionnement de l’entreprise au quotidien, leur bien-être y est directement corrélé.
Expérience collaborateur et image de marque
Selon Mathilde Le Coz, DRH de Mazars :
L’expérience collaborateur est le prolongement de l’expérience candidat. Même sans être un candidat actif, on peut développer notre marque employeur. Dès la première rencontre, qu’elle soit physique ou digitale, les candidats vont par exemple se demander : cette entreprise va-t-elle accorder une attention particulière à ma santé mentale ? Chaque collaborateur est ambassadeur de la marque de l’entreprise avec tous les moments de vie au sein de l’organisation.
Selon Séverine Loureiro, Auteure, conférencière et psychologue du travail, il faut construire son image de marque sur l’alignement avec la marque commerciale : vos clients d’aujourd’hui peuvent en effet être vos collaborateurs de demain. Si l’expérience client est mauvaise, cela aura un impact négatif car ils n’auront pas de vous rejoindre et vice versa (le candidat aura aussi une vision client !).
La marque employeur doit être différenciante auprès des candidats : les entreprises ne doivent pas communiquer toutes sur les mêmes choses. Une entreprise peut faire un benchmark, s’inspirer – mais il faut être différenciant auprès de la cible. De même, on ne peut pas calquer une organisation de sourcing ou de recrutement sur une autre car « chacun a ses spécificités », rappelle l’intervenante.
Mai Trebuil et Angèle Linares