L’OCDE et le Conseil Supérieur de l’Emploi, considèrent les soft skills comme des compétences comportementales clés pour appréhender les défis de transformation des tâches et des emplois. Très recherchées au sein des organisations en France, elles font cependant débat quant à la capacité ou non des individus à les apprendre. Pourtant, les développer en entreprise est un enjeu de taille au regard de leur impact sur la performance individuelle et collective.
Dans un environnement professionnel devenu complexe et incertain, elles apparaissent comme des compétences douces indispensables pour relever le défi de la transformation numérique. De fait, il semble important pour les managers RH de les développer en interne afin de maintenir leur compétitivité. Cependant, leur développement se heurte à la méconnaissance de notre société sur le sujet. Ces qualités peuvent-elles s’acquérir ? Si oui, comment les développer ?
De plus, les récents bouleversements organisationnels que la crise sanitaire a engendré transforment également le monde du travail ainsi que le recrutement en profondeur (rédaction des offres, organisation de l’entretien en visioconférence…).
Désormais, les organisations ont besoin de collaborateurs en poste et de candidats capables de s’adapter à un environnement de travail changeant et dynamique. S’adapter suppose d’avoir de solides soft skills tels que l’esprit critique, l’intelligence relationnelle et émotionnelle, le sens de l’écoute et du leadership. La liste est longue. Si les hard skills (purement techniques) restent des facteurs de performance indispensables, les gestionnaires RH ont pris conscience de l’avantage concurrentiel incontournable des compétences dite “soft” pour faire face aux mutations des tâches et des emplois. Ainsi, candidats comme recruteurs savent que la question s’invitera dans les entretiens de recrutement et au sein des offres d’emploi. Et mêmes si certaines l’objet d’un regard critique, elles ont bien souvent intégré les processus de recrutement et de management des organisations.
Définition des soft skills
Soft Skill, une notion floue en dépit de son attractivité
Résolution de problèmes, intelligence émotionnelle, la communication, la gestion du temps, la gestion du stress, l’esprit d’équipe, critique, le leadership, l’audace, la créativité, la motivation travail, le sens de l’écoute… Si la liste de skill est longue, les termes pour en français sont aussi nombreux : savoir-être, compétences comportementales, humaines, transversales… De plus, en plus, ces termes inondent les caractéristiques présentées au sein des offres d’emploi face aux compétences techniques. Et les définitions d’une skill comportementale sont tout aussi nombreuses. La définition de Sandra Bellier (2004), Docteure en sciences de gestion, illustre la difficulté de circonscrire la notion à une seule signification.
Selon elle, elles se définissent à la fois comme :
- les caractéristiques personnelles d’un candidat ou collaborateur en poste qui lui permettent d’être reconnu comme adapté à son contexte professionnel ;
- les caractéristiques personnelles profondes et stables de l’individu qui lui permettent de réussir ;
- les caractéristiques personnelles d’un candidat ou talent qui ne relèvent pas du savoir ou du savoir-faire.
Si les contours de cette notion polysémique sont difficiles à déterminer, la méconnaissance de notre société pour cette notion est d’autant mieux illustrée qu’aucun diplôme ne vient rétribuer ces qualités qui ne font l’objet d’aucun apprentissage. Alors comment expliquer l’intérêt des sociétés pour ces qualités ? Comment les développer ?
Top 10 des soft skills recherchées chez les candidats
- La résolution de problèmes,
- L’intelligence émotionnelle,
- La communication,
- La gestion du temps,
- Le sens du collectif
- L’audace,
- La motivation
- La créativité
- La gestion du stress,
- L’empathie
Voici la liste de celles qui sont les plus recherchées par les recruteurs. En dépit de la prise de conscience de leur importance dans le monde de l’emploi, elles ne peuvent être reconnues par aucun diplôme, à l’inverse des hard skills (basées sur la technique). Pour les développer, les talents doivent s’entraîner en permanence pour les acquérir.
Les soft skills peuvent s’apprendre
Favorisez la capacité réflexive
Ce terme peut désigner des compétences comportementales humaines ou le savoir-être d’un candidat. Le plus souvent acquises en dehors de la sphère scolaire ou universitaire, elles se définissent par opposition aux hard skills qui sont des compétences techniques diplômantes et acquises via la formation. Alors pour les développer, les talents et candidats doivent apprendre à les apprendre par eux-même.
Vos salariés doivent apprendre à apprendre
La capacité réflexive serait une condition sine qua non dans l’apprentissage des soft skills, d’après une enquête menée en 2017 auprès de 23 professionnels RH. Pour qu’il soit efficace, les apprenants et candidats doivent être dans une démarche volontaire de progression, être en capable d’identifier leurs propres compétences comportementales et les façons d’en acquérir de nouvelles.
- Le candidat ou le collaborateur doit trouver un intérêt à cette expérience d’apprentissage
- Elles ne s’apprennent pas par transmission. L’individu doit donc être dans une démarche personnelle. C’est-à-dire, tirer partie des apprentissages de chaque expérience pour adapter son comportement et améliorer chaque skill visée. (Theurelle-Stein & Barth, 2017).
Aidez vos salariés dans leur développement
Certains outils favorisent la réflexivité : l’évaluation par les pairs via le 360° permet de prendre du recul sur la perception de soi. La mise en situation professionnelle, les jeux de rôle filmés, l’utilisation de la PNL, l’analyse transactionnelle et le coaching sont également des outils qui permettent de travailler sur les justes comportements.
Si leur apprentissage doit faire l’objet d’une démarche réflexive à l’initiative du collaborateur ou du candidat, les managers et les dirigeants doivent être les premiers à les acquérir dans un souci d’exemplarité. De cette façon seulement, ils seront capables de créer des conditions propices à ce développement (Theurelle-Stein & Barth, 2017). L’implication du management dans ce développement est donc indispensable. Le manager peut proposer un entretien ou même un test psychométrique tel qu’un test de personnalité au salarié en poste pour identifier ses axes d’amélioration et ses points forts.
Formez vos managers
L’exemple du CJD
L’importance de l’exemplarité du dirigeant et du management dans l’apprentissage n’est pas une idée nouvelle. Cette prise de conscience puisait déjà ses sources en 1938 lorsque Jean Mersch créa le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprises (CJD), un mouvement d’entrepreneurs.
Pour Jean Mersch, l’humain doit être au cœur de l’entreprise. Un manager bien dans sa peau, ce sont des talents bien dans leur peau. C’est pourquoi les dirigeants de son mouvement s’engagent à se former avec leurs collaborateurs. Pour cela, 4 forums formations par an ont lieu à un niveau régional pour permettre aux dirigeants accompagnés de leurs salariés de se former. L’objectif de ces forums est de remettre l’humain au cœur des intérêts de la société.
Si la volonté de s’améliorer doit venir du collaborateur, le manager doit avant tout montrer l’exemple en manifestant sa motivation à se former afin d’encourager la capacité réflexive des talents. C’est un cercle vertueux.
Mais comment les développer en entreprise ? Quelles sont les solutions envisagées ?
Développez les grâce au collectif
Axées sur la transmission, les solutions de formation traditionnelles ne conviennent pas au développement de ces qualités. Elles s’acquièrent sans diplôme et se développent dans des contextes divers, surtout informels. C’est pourquoi, il est important que les apprenants vivent les situations et qu’ils les expérimentent réellement.
Les développer nécessite donc des moments de formation spécifiques grâce à des mises en situation réelles, des expérimentations et des retours collectifs sur la mise en pratique. L’approche collective et les retours sont importants dans la construction de la compétence du savoir-être car ils permettent de prendre du recul.
Parmi les solutions existantes, Theurelle-Stein et Barth ont développé un outil pour “gamifier” leur apprentissage. Il s’agit d’une plateforme collaborative dont les contenus s’enrichissent grâce aux contributions des utilisateurs. Chaque parcours est conçu pour les évaluer et les développer. Le but de l’utilisateur est d’atteindre l’objectif fixé via la collaboration, l’entraide, des échanges d’items, et l’opportunité de comparer ses résultats.
Développer les soft skills reste compliqué
Une notion polysémique qui divise
Compétences comportementales, humaines, relationnelles, émotionnelles transversales, savoir-être… Si les termes sont nombreux, les définitions sont également plurielles. La définition de Tate (1995) semble toutefois couvrir toutes les acceptions du terme. Selon lui ces dernières représentent “un éventail de comportements qu’une personne doit avoir et doit être capable de mettre en œuvre pour réussir les tâches et les missions d’un métier avec compétence”
Difficile à définir, la notion divise les théoriciens et les conseils sont nombreux. À la question, “peuvent-elles s’apprendre ou pas ?”, le débat reste ouvert. Certains estiment que les soft skills sont innées. En effet, selon Sandra Bellier (2004), Docteure en sciences de gestion, elles sont « des caractéristiques profondes et stables de l’individu », elles relèvent de la personnalité des individus et donc ne s’apprennent pas.
Pour d’autres comme Bobot (2008), elles peuvent être exercées et améliorées dans des situations apprenantes spécifiques. Et la question divise également les professionnels de la fonction RH, selon une étude réalisée auprès de 23 professionnels RH (Theurelle-Stein & Barth, 2017).
La méconnaissance des soft skills entraîne des risques de dérives et de méprises
Leur évaluation en milieu professionnel peut entraîner un jugement sur la personnalité, ce qui pose des problèmes éthiques (Le Boterf, 2008).
À considérer qu’elles s’apprennent, il est nécessaire de les distinguer des traits de personnalités innés tels que l’introversion. Ainsi, l’introversion d’un salarié le suivra toute sa vie mais il peut s’entrainer à développer sa communication avec ses clients ou avec ses collaborateurs.
Les méthodes actuelles de gestion des compétences ne sont pas adaptées
Des méthodes d’évaluation inadaptées
Si la question de leur développement divise les professionnels, ils s’accordent néanmoins à penser qu’il est difficile de les évaluer. La polysémie de sens rend ce concept flou ce qui rend leur identification ainsi que leur processus d’évaluation subjectif. Par ailleurs leurs usages dépendent de contextes précis et donc aléatoires. Une évaluation adaptée devrait ainsi reposer sur des cas professionnels concrets.
Des formations inadaptées
L’intérêt croissant pour les profils dotés de ces qualités se heurte cependant à la difficulté de réformer les politiques de gestion des compétences, notamment en raison de la méconnaissance et de formations inadaptées.
En effet, l’expérience de formation traditionnelle pensée en termes de transmission des connaissances n’est pas adaptée. Celles-ci s’acquièrent sans diplôme et se développent dans des contextes divers, surtout informels. C’est pourquoi, il est important que les apprenants vivent les mises en situation et qu’ils les expérimentent réellement.
La solution : les organisations apprenantes
La dernière complication qui rend difficile la formation dans le milieu professionnel réside dans le contexte mouvant de la transition numérique. Elle se heurte effectivement à la constante évolution des métiers existants. La transformation des tâches et des emplois oblige les organisations à revoir leur stratégie de gestion des compétences. En se positionnant comme des organisations apprenantes, agiles et propices au développement, les sociétés sont ainsi capables de pérenniser leurs activités au sein d’un marché mondialisé et hyperconcurrentiel (Brichau, 2019).
Soft skills : indispensable pour les entreprises
Comment expliquer l’intérêt des entreprises pour les soft skills ?
L’intérêt des gestionnaires RH pour le sujet peut s’expliquer par trois phénomènes qui se répondent (Bailly & Léné, 2015).
- D’une part, la digitalisation et la robotisation de tâches répétitives et standardisées impliquent une transformation massive des emplois.
- D’autre part, l’évolution rapide des activités due à un environnement hyperconcurrentiel requiert le besoin de s’adapter.
- Enfin, le développement des Technologies de l’Information et de la Communication a complexifié les relations professionnelles : le client est désormais omniprésent dans les processus de production, d’où l’importance pour les sociétés de s’appuyer sur son savoir-être.
Dans une économie marquée par les rapides évolutions technologiques et digitales, être doué en communication, savoir s’adapter et l’aptitude à développer ses propres compétences, est indispensable pour accroître sa compétitivité. Elles sont ainsi des facteurs de croissance, d’employabilité, de performance, et de rétention des talents. Identifier ces qualités représente une véritable aide à la prise de décision.
Un avantage concurrentiel pour accroître votre compétitivité
Les Soft Skills favorisent l’employabilité
67% des RH préféreraient embaucher un collaborateur avec de solides soft skills même s’il présente de faibles hard skills, selon une étude de Skill Survey. La raison ? Ce qui relève de la technique pure est généralement applicable à un seul et unique métier. À l’inverse, les soft skills sont transférables d’un métier à l’autre car elles permettent l’adaptabilité des collaborateurs à des situations nouvelles. Ainsi, avec l’avènement des services en ligne, le secteur bancaire cherche plutôt à axer ses processus de recrutement plutôt vers des personnes accueillantes et à l’écoute que des techniciens. «Une grande banque a même décidé de recruter dans le monde de la restauration» expliquait Christophe Catoir, président France de The Adecco Group (2017).
Augmentez la performance de votre organisation
Avec la transition numérique, la compétitivité des organisations est menacée : l’environnement professionnel devient de plus en plus complexe et incertain notamment en raison de la rapide transformation des métiers. Pour maintenir leur avantage concurrentiel sur le marché, celles-ci s’entourent de collaborateurs :
- capables de modifier leurs comportements pour s’adapter à un environnement donné afin d’améliorer la performance adaptative des salariés (Johnson 2001).
- sachant faire preuve de “comportements de citoyenneté organisationnelle” – expression forgée par Organ et ses collaborateurs (1983-1988) – c’est-à-dire des comportements exemplaires tels que l’altruisme qui développent la performance contextuelle des salariés.
Ainsi, une équipe composée de personnes dotées d’un bon esprit d’équipe, d’une capacité d’adaptabilité, sens de l’écoute, sera d’autant plus efficace, productive et compétitive.
Au service de la QVT
Avec son projet Oxygen, Google a montré que la performance des équipes est liée à la sécurité relationnelle de ses membres. Deux facteurs liés au mode de fonctionnement des équipes expliquent le lien entre performance collective et sécurité relationnelle : ‘‘equality in distribution of conversational turn-taking,’’ c’est-à-dire la capacité de chacun des membres de l’équipe à s’exprimer à parts égales (quel que soit le moment et le sujet) et ‘‘average social sensitivity, ’’ qui désigne leur aptitude à percevoir les émotions de leurs collègues, en analysant notamment leur langage non verbal. En assurant la sécurité relationnelle des équipes, la confiance, la bienveillance et le respect mutuels améliorent la qualité de vie au travail, désormais QVCT.
Bien que la notion reste floue, la transformation numérique qui bouleverse le paysage professionnel fait des soft skills un avantage concurrentiel incontournable pour chaque organisation. Les développer en interne apparaît dès lors une nécessité plus qu’un conseil.
Par Laurène Boussé & Caroline Béguin