À l’heure de la Grande démission, 43% des employés s’estiment susceptibles de changer d’entreprise, selon l’étude Microsoft Great Expectations 2022, soit deux points de plus qu’en 2021. L’enquête menée par Microsoft en mars 2021 dans 31 pays révélait que 41 % des collaborateurs interrogés envisageaient de démissionner. Alors, comment attirer et fidéliser les talents dans un tel contexte ? Zwi Segal, Co-fondateur de Motiva, ex Président de la HR Academy, Docteur en Psychologie du Travail (Université Paris Descartes), Professeur en Ressources Humaines et Co-auteur du livre La motivation, une compétence qui se développe, nous apporte son regard d’expert international sur le sujet.
La Grande démission, c’est quoi ?
État des lieux de la Grande démission
La Grande démission, ou “Great Resignation”, est un terme inventé en mai 2021 par le professeur de management au UCL (University College London), Anthony Klotz. Ce phénomène est né aux Etats-Unis. Au début, la Grande démission a particulièrement touché les jeunes générations ainsi que quatre secteurs précis, à savoir le secteur hospitalier, celui de la santé, de la distribution et de l’industrie de service.
Face à la précarité de la vie, aux bouleversements qui peuvent survenir du jour au lendemain, de nombreuses personnes ont réalisé qu’elles ne souhaitaient plus faire un métier qu’elles n’aimaient pas et qui ne leur apportait ni considération, ni sens, ni motivation. C’est pourquoi les secteurs les plus affectés par la Grande démission sont aussi les plus précaires, où le taux de burn-out est le plus élevé (tourisme, restauration…).
Dans une certaine mesure, la Grande démission possède une dimension sociale. Le phénomène d’imitation conduit beaucoup d’employés à remettre en question leur pérennité au sein de leur organisation. La banalisation du phénomène de Grande démission motive beaucoup de salariés à franchir le pas, notamment sur les réseaux sociaux. Sur Tiktok par exemple, le hashtag #QuitMyJob a été vu 294,4 millions de fois au 15 septembre 2022.
Néanmoins, en France, le phénomène de Grande Démission est à relativiser. Selon les chiffres de la DARES, le taux de démission atteint 2,7% en France au premier trimestre 2022, mais il atteignait 2,9% au début de l’année 2008, avant la crise financière mondiale. Alors, en France, les causes de ces départs sont-elles différentes ? L’économiste français Olivier Favereau affirme au sein d’une tribune du journal Le Monde que la Grande démission est plus importante dans les pays où les entreprises ne prévoient aucun espace institutionnel de décision partagée sur le “consentement au travail”. Le phénomène de la Grande démission est moindre en France grâce au système organisationnel qui permet aux salariés de participer aux choix stratégiques de production de l’entreprise.
Depuis quelques mois, une nouvelle tendance se dessine. La Grande démission touche davantage les salariés de la génération Y (30-45 ans) avec un niveau de responsabilité plus élevé (cadres supérieurs…). En raison de la récession, les salariés les plus précaires, eux, ressentent davantage de peur à quitter leur emploi et leur rémunération fixe. Ce qui transforme la Grande démission en un phénomène différent : le quiet quitting.
Quiet quitting, une mutation de la Grande démission ?
Cette nouvelle forme de Grande démission concerne les salariés qui se désengagent peu à peu en choisissant de prioriser leur work-life balance, mais qui ne quittent pas pour autant leur travail. Selon Zwi Segal, les causes principales menant au quiet quitting incluent le manque de considération, la surcharge de travail ainsi que les difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Cette tendance prend de plus en plus d’ampleur en Europe, surtout en Allemagne et en Angleterre. Elle serait inspirée du phénomène Tang Ping en Chine popularisé sur TikTok, où les travailleurs luttent contre le rythme de travail appelé “996”. Ces trois chiffres illustrent la grande et intense cadence de nombre d’employés chinois, qui travaillent de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine.
Avant la crise sanitaire, la plupart des travailleurs en France et ailleurs étaient prêts à faire des compromis en échange d’un salaire décent. Cependant, les nouvelles générations qui intègrent le marché du travail ne sont pas prêtes à sacrifier leur vie personnelle au profit de leur carrière. La pandémie a donc provoqué une prise de conscience massive de l’importance du work-life balance et de sa faisabilité, notamment grâce au télétravail et travail hybride.
Mais alors, dans un contexte de Grande démission, quelles sont les attentes des collaborateurs ? Ils souhaitent désormais donner du sens à leur travail, bénéficier de plus de flexibilité et développer leur motivation au travail. En effet, la quête de sens et la recherche d’équilibre reviennent en tête parmi les motifs de démission cités.
La motivation, le secret pour attirer et fidéliser les talents
Découvrez les leviers motivationnels des talents
La pénurie de talents est une conséquence directe de la Grande démission au sein des entreprises. Selon Zwi Segal, pour pallier ce manque, le processus de recrutement des entreprises doit être transformé en profondeur. Les professionnels des ressources humaines et les employeurs ne peuvent plus s’appuyer uniquement sur les compétences techniques des candidats. Comment faire ? Désormais les véritables leviers motivationnels et les centres d’intérêt professionnels des talents doivent être pris en compte.
De plus, les organisations doivent renforcer leur marque employeur, afin de susciter de l’attachement et de l’engagement auprès des collaborateurs.
Enfin, ce qui constitue sûrement une des tâches les plus difficiles est que les entreprises doivent amorcer un changement profond de leur culture ainsi que de leur modèle managérial. La Grande démission a prouvé que le modèle top down devait basculer vers un modèle bottom up, où les ressentis des collaborateurs sont écoutés.
Un grand changement se profile. Ce ne sont plus aux collaborateurs de s’adapter à leur entreprise, mais l’inverse. Les organisations doivent faire évoluer leur paradigme et leur état d’esprit. La motivation est une condition sine qua non à la performance. Pourquoi ? Ce que les salariés veulent, c’est réaliser des missions intéressantes et utiles à leurs yeux, voire même des rêves d’enfants.
Selon Zwi Segal, la motivation et la quête de sens incarnent ainsi les deux enjeux clés dont les entreprises doivent se saisir pour appréhender les problématiques liées à la Grande démission. D’autant plus dans un climat d’incertitude et d’inquiétude concernant les dimensions à la fois sanitaire, écologique ou sociale. Ce qui peut être illustré par le phénomène des slashers. Car le propre des slashers, justement, réside dans le fait de combiner deux carrières en parallèle. Généralement, ces carrières ne sont pas liées. On remarque même une différence majeure entre les deux professions. L’une représente la source de salaire et la sécurité, et l’autre ce qu’ils aiment, ce qui les motive et ce qui donne du sens à leurs vies.
Comment évaluer les motivations et centres d’intérêts professionnels ?
Une des problématiques actuelles majeures des organisations est le fait que les managers connaissent les formations, les parcours universitaires et les compétences techniques des membres de leurs équipes, mais rarement – voire jamais – leurs facteurs motivationnels.
Pourtant, chacun de nous possède un ADN motivationnel unique. Celui-ci est composé de 12 à 18 motivations clés. Le rôle de cet outil est d’étudier à quel point elles sont satisfaites dans le quotidien professionnel des salariés.
Mais quel est l’intérêt ? L’engagement des collaborateurs doit être mesuré par le biais de leur motivation, facteur clé de succès et de performance.
L’outil MOTIVA Individual, édité par Pearson TalentLens et lancé en 2012 a été conçu pour évaluer les motivations et les intérêts professionnels des individus, en quête d’un métier qui fasse sens pour eux. Il permet aux entreprises d’analyser le profil motivationnel de leurs collaborateurs. En somme, elles apprennent à mieux les connaître pour découvrir comment satisfaire leurs besoins motivationnels.
En vingt minutes, le questionnaire dresse un bilan de compétences au collaborateur ainsi qu’une planification de carrière. La base métier MOTIVA est composée de 2 440 métiers codifiés (dont 315 nouveaux métiers) et est liée à 15 000 fiches de métier et 2 000 vidéos explicatives. Tout l’intérêt réside dans le fait de pouvoir identifier quelles sont les perspectives d’évolution carrières qui correspondent le mieux à chaque profil.
Pour résumer, cette plateforme digitale innovante et flexible s’adapte au monde du travail et aux changements motivationnels des individus liés à la Grande démission. Son système est en perpétuel évolution par rapport à la situation sur le marché, grâce à l’ajout régulier de nouveaux métiers.
Laurène BOUSSÉ