Depuis la crise sanitaire, l’expérience collaborateur s’est axée autour de deux enjeux principaux : préserver le lien social et maintenir la performance de l’entreprise. Elle a nécessité un investissement considérable sur les plans financiers et humains. Il y a de fortes chances que cette tendance se poursuive si l’on en croit les résultats de l’étude Gartner : presque la moitié des collaborateurs se sont tournés vers leur employeur en quête de soutien face aux bouleversements multiples emmenés par la crise sanitaire. Si les entreprises sensibles à la transformation ont d’ores et déjà engagé des budgets et une stratégie pour répondre à un contexte tourné vers la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT), d’autres ne sont pas encore convaincues qu’il faille améliorer-pivoter l’expérience collaborateur.
Quels sont les principaux enjeux ? Comment l’optimiser ?
Qu’est-ce que l’expérience collaborateur ?
Définition, expérience collaborateur
Quelle est la définition de ce terme ? Notion de management propre aux professionnels des ressources humaines, ce concept représente la vision et les ressentis d’un individu concernant tout son parcours au sein de son entreprise, de son arrivée (onboarding) jusqu’à son départ. Tout comme l’expérience client dont elle s’inspire, l’expérience collaborateur vise à améliorer le vécu et les interactions entre l’entreprise et le salarié. Les clients, tout comme les employés, attendent une relation personnalisée avec l’entreprise. Chaque client souhaite que l’humain se place au coeur du processus. Enfin, les clients attendent de ressentir des émotions positives enrichissantes avant, pendant et après l’achat. Du côté des employés, la qualité de leurs expériences doit se faire ressentir avant leur recrutement, pendant et après.
Véritable enjeu RH, son amélioration permet d’attirer, fidéliser et engager les talents. Mais une expérience collaborateur réussie permet aussi d’améliorer la culture d’entreprise et de la marque employeur. Ainsi, elle est au service de la performance de l’entreprise mais aussi de celle du collaborateur.
Qu’attend un salarié de l’expérience collaborateur ?
Quelles actions mettre en œuvre ? Inspirée de l’expérience client, ce concept a pour objectif de créer et pérenniser une relation personnalisée et stable entre l’entreprise et le salarié. Au moment du recrutement, le salarié attend un processus reflétant les valeurs et la culture d’entreprise. Lors de son intégration, c’est pareil. Cette étape décisive donne le la sur l’investissement et la fidélisation à long terme. Néanmoins, les entreprises ne peuvent pas concentrer leurs efforts sur ce moment pour ensuite, oublier les nouvelles recrues. Un top onboarding doit être suivi par un cycle de feedback récurrent au service de la satisfaction employé. Au quotidien, les employés attendent de la considération, de la reconnaissance, de l’écoute et de l’autonomie. Leur environnement doit être sain, de qualité et à la hauteur de leurs attentes. Les employés souhaitent des conditions de travail optimales, au service de leur progression. Et dorénavant, de la flexibilité dans leur organisations et leurs modes de travail (télétravail, mode hybride, choix des horaires, semaine de 4 jours…) ainsi que les outils numériques adaptés permettant le développement de leurs compétences.
Comment améliorer l’expérience collaborateur ?
Les talents attendent de vivre une expérience unique et personnalisée au sein de l’entreprise. Pour cela, les professionnels des ressources humaines doivent impérativement prendre en compte les attentes et les besoins de chaque employé sur le long terme. Ce concept se travaille durant les différentes étapes clés du parcours professionnel du talent : publication de l’offre d’emploi, entretiens d’embauche, onboarding et intégration, gestion du quotidien, évolution de carrière (nouvelles compétences, satisfaction…) jusqu’à l’offboarding, le départ éventuel. L’entreprise doit donc mettre tous les moyens en oeuvre pour construire une stratégie globale visant à faire de l’expérience quotidienne de l’individu une expérience positive et enrichissante, au service des performances et de la satisfaction globale. Les leviers d’action des collaborateurs concernent l’organisationnel, le relationnel, le matériel et le fonctionnel.
Son optimisation est l’occasion de prendre la température et de faire le point sur les modes de travail mis en place au sein de l’entreprise. Et c’est possible en demandant des feedback aux salarié lors des différentes étapes de leur parcours professionnel. Pourquoi ? Les salariés sont nombreux à souhaiter bénéficier du mode hybride pour favoriser leur équilibre vie professionnelle et personnelle. La flexibilité fait partie des éléments clés de l’expérience collaborateur. Mais l’amélioration des compétences et de l’employabilité fait également partie des aspirations clés des salariés.
Les avantages d’une expérience collaborateur réussie
En permettant la satisfaction des aspirations de chacun, l’entreprise pérennise le recrutement et l’intégration des nouvelles recrues. Un cadre et un environnement professionnel épanouissant, un modèle managérial sain, des conditions de travail optimales et un projet qui a du sens : tout ça participe à renforcer leur engagement.
Puis, une expérience “employee centric” permet également d’améliorer les performances individuelles et globales. Car une culture d’entreprise au service du développement des compétences de chacun développe leur enthousiasme et leur satisfaction globale. Les valeurs de votre organisation doivent être le miroir de votre identité, de vos valeurs et être authentique pour véritablement toucher le plus grand nombre.
Ce qui participe directement à impacter positivement l’attractivité et l’image de la société ! Des équipes satisfaites deviendront naturellement des ambassadeurs de votre marque employeur. Et dans le même temps, elle est au service de la réduction de l’absentéisme et du taux de turnover.
Enfin, le dernier avantage est évidemment la rétention des talents. En effet, elle permet de répondre à leurs besoins et à leurs envies, en renforçant leur attachement à la société et donc en les motivant à rester et à s’y impliquer.
Le management comme vecteur de bien-être
Contraints d’évoluer, les modes de management ont dû se mettre à l’heure de la distanciation sociale tout en contribuant à maintenir le cap de leur activité. Les managers occupent un rôle clé dans l’organisation et ils devront poursuivre leurs efforts et actions pour continuer la transformation accélérée de l’entreprise.
La communication au centre de expérience collaborateur
Face aux changements rapides et successifs, les entreprises gagneront à privilégier la clarté de leurs messages. Il s’agit d’aligner le discours promu et la ligne managériale, cette dernière jouant un rôle capital dans le relais des informations. La communication à distance s’effectue différemment de celle en présentiel. Il est nécessaire de s’assurer de sa maîtrise par les managers. Il faut aussi les rendre conscients de leur rôle crucial de messager, en particulier dans le sillage d’une crise où certains collaborateurs se sont vu imposer le télétravail du jour au lendemain.
“On a fait beaucoup de communication en réunissant tous les managers beaucoup plus souvent pour diffuser les messages, par exemple toutes les deux semaines. On ne le faisait pas à cette fréquence auparavant. On s’est effectivement beaucoup reposé sur les équipes RH,” raconte Audrey RICHARD, DRH Groupe et engagement des salariés chez Up & Présidente ANDRH lors de notre webinaire dédié à la QVT, l’environnement de travail et à l’expérience collaborateur.
Dans une récente chronique dédiée à la communication, Gaël Chatelain-Berry, l’instigateur du concept du management bienveillant, a noté le besoin de communiquer de manière plus multidimensionnelle. En effet, nous oublions souvent que la communication s’effectue à deux niveaux : nous cherchons à nous exprimer et nous souhaitons être bien compris. Vos managers pratiquent- ils ces deux actions ou se limitent-ils à la première ?
Quid du dialogue social ? Communiquez-vous votre approche et les raisons derrière votre démarche QVCT à l’ensemble des effectifs ? C’est également le rôle des managers, et des organisations syndicales dans certains cas, d’adapter l’information au niveau de leurs équipes.
La prévention des risques psychosociaux dans les pratiques managériales
Les bouleversements de l’année passée et la reconnaissance accrue des risques psychosociaux, notamment du burn-out, ont refocalisé l’attention sur l’expérience collaborateur.
L’équilibre entre vie professionnelle et personnelle a dû intégrer des situations d’isolement ou au contraire de partage d’espace, que ce soit en coworking ou au sein d’un logement comportant des enfants. Le droit à la déconnexion a dû être rappelé pour ménager l’énergie des collaborateurs et leur sommeil. Ces développements ont rappelé l’importance des soft skills comme l’empathie et du relationnel dans le management. Aujourd’hui, ce sont les RH qui sont formés à la prévention des risques psychosociaux. Demain, les managers qui savent détecter les signaux faibles d’un burn-out ou d’une grande anxiété apporteront une plus grande réactivité pour modifier le quotidien de ces collaborateurs concernés et les aider à surmonter ces moments difficiles.
Quelles sont les priorités QVCT pour les employeurs ?
L’étude Gartner enjoint les employeurs à adopter ces trois angles d’attaque :
- S’engager à aider les salariés souffrant de stress et travailler à la prévention des risques psychosociaux.
- Personnaliser le soutien apporté. Invitez à suggérer des modifications pour adapter l’expérience collaborateur à leurs situations professionnelles et personnelles (isolement, garde d’enfants, convalescence, etc).
- Favoriser le dialogue, même sur des sujets sensibles. Plus vous aurez de retours d’expériences et d’avis des collaborateurs, plus vous comprendrez leurs besoins. Organisez des séances de restitutions suite à des initiatives QVCT ou effectuez un sondage interne pour récolter les ressentis et proposition de solutions qui pourront se faire source d’actions concrètes.
- Sortir de la relation de manager et managé : “Le collaborateur est acteur de son quotidien et va venir proposer des éléments concrets et utiles pour l’entreprise,” affirme Thomas Cornet, expert en problématiques d’organisation du travail chez Wittyfit, interrogé lors de notre webinaire sur l’expérience collaborateur.
Le lien social reste une priorité
Le maintien du lien collectif est une priorité, surtout avec la démocratisation des nouveaux modes hybrides. Certains se trouvent (et resteront) en télétravail depuis plus d’un an, d’autres en mode hybride. Leur retour en présentiel (total ou partiel) nécessite un accompagnement. Quelles actions pouvez-vous proposer pour répondre à des sollicitations collectives ? Quel accompagnement proposez-vous aux collaborateurs récemment affectés à une nouvelle unité de travail ? Quid des jeunes en début de carrière qui ont dû débuter leur contrat par télétravail ? Une multitude de solutions s’offre à vous : des cours sportifs, des challenges interactifs ou encore l’animation de compte réseaux sociaux dédiés aux talents ou à une thématique fédératrice. Surtout, pensez à impliquer les collaborateurs !
La formation dynamise l’expérience collaborateur
Le concept d’expérience collaborateur s’est vu malmené par les confinements successifs et changements de processus ou même de stratégie. Si la digitalisation de certains métiers a pu être menée au pas de course, voici venu le temps de vous assurer que les bases sont bel et bien acquises. La gestion des compétences par les RH est aujourd’hui revue à l’aune de la transformation numérique. Quelle cycle de formation pouvez-vous proposer à vos collaborateurs pour accompagner les objectifs de performance de votre entreprise ? Si la formation à la gestion des talents à distance reste pertinente pour les managers, d’autres thématiques peuvent se révéler utiles comme la gestion du temps, une introduction aux méthodologies agiles ou encore apprendre à collaborer de manière asynchrone. Comme mentionné plus tôt, un cycle de formation à la prévention des risques psychosociaux dédiée aux managers présente un investissement essentiel, surtout en amont d’une reprise d’activité imminente.
La transformation digitale trouve son sens
Grâce à l’accélération de la transformation numérique imposée par le télétravail, les collaborateurs ont pu gagner en maturité digitale. Malgré ces progrès, l’investissement dans des outils digitaux collaboratifs, si intuitifs qu’ils soient, doit impérativement inclure un volet de cycle de formation afin d’en tirer le meilleur parti.
Les prises de décisions sont peut-être plus rapides et certains processus maîtrisés, mais quid de la façon de réfléchir liée à une activité numérique accrue ? Les collaborateurs ont-ils bien assimilé la logique derrière les processus mis en place ou les effectuent-ils par automatisme ? Une restitution menée sur un outil de captation numérique pourrait faire émerger des réponses, essentielles pour améliorer l’expérience collaborateur.
Un enjeu RH global
La fonction RH peut certainement bénéficier des outils digitaux pensés pour faciliter l’optimisation de la QVCT. En revanche, si puissante qu’elle soit, la technologie ne peut remplacer le soutien des décideurs à la fonction RH dans le cas d’une organisation top-down. L’engagement viendra renseigner des initiatives en réponse aux tendances qui perdurent comme la cohésion d’équipe, la fluidification du travail à distance et la gestion du stress. En somme, il faut mettre à la fois l’accent sur des initiatives collectives que sur la résolution de problèmes au cas par cas.
La fonction RH reste décidément au centre de l’animation et l’optimisation de l’expérience collaborateur. Cela dit, cette dernière constitue un enjeu collectif pour l’organisation. Avant tout, la stratégie globale d’entreprise doit s’accentuer sur l’humain si elle veut s’inscrire dans le temps et agir en profondeur. Les RH peuvent l’animer de manière stratégique, mais sans un engagement global, celle-ci reste fragile et à la merci de facteurs externes comme un nouveau confinement imposé ou un bouleversement interne à l’entreprise. Après tout, ce sont les équipes qui œuvrent au bon fonctionnement de l’entreprise au quotidien, leur bien-être y est directement corrélé.
Mai Trebuil