La rédaction était présente à Disrupt HR, organisé pour la 3ème année à Paris par Golden Bees.
L’événement a réuni une dizaine de speakers, parmi lesquels Pia Hernandez, DRH chez Safran, Elisabetta Marigliano, Responsable de la communication RH et des relations publiques de Disneyland Paris ou encore Lobna Calleja Ben Hassine, DRH chez Ogilvy.
Les 10 speakers qui se sont exprimés avaient pour objectif de provoquer, d’informer, d’inspirer les acteurs des ressources humaines et de la transformation des entreprises. En effet, le thème de la disruption – le fait d’apporter des changements à la fonction RH et de bousculer ses standards de fonctionnement – était au cœur des interventions.
La confiance règne
Fuera de lugar, signifie en français “être à côté de la plaque”. Pia Hernandez, DRH chez Safran, explique que ce sentiment peut nous faire douter de ce que nous sommes capables de faire.
Pourtant, ces différences qui provoquent ces remises en question peuvent également nous redonner confiance en nous. Car à partir de celles-ci, nous pouvons tous trouver la force de développer d’autres idées et de trouver notre singularité.
En tant que RH, si nous trouvons nos singularités, nous avons déjà beaucoup gagné.
La recette pour y parvenir ? Selon la DRH, elle repose sur 3 ingrédients :
#1 Travailler avec soi-même : Pia explique qu’en tant que psychologue travaillant chez Safran, elle est entourée d’ingénieurs. Elle peut donc se sentir différente à certains moments, mais l’important réside dans le fait de s’assumer.
#2 Se connecter aux autres : En tant que professionnel RH, il est indispensable de comprendre le monde et la réalité des autres. Il faut s’efforcer de mettre le doigt sur ce qui motive les collaborateurs afin de les accompagner au mieux. “Développer une grande écoute est essentiel car il y a toujours des choses qui nous rassemblent” précise-t-elle.
#3 Trouver sa place : une fois connecté à soi et aux autres, il suffit de prendre du recul et de trouver sa place. C’est-à-dire, trouver ce qu’on peut apporter de différent, donner le meilleur de soi-même pour rendre son environnement plus agréable et bienveillant.
Une fois que vous avez trouvé votre place, vous pouvez faire une différence et laisser votre trace.
Le secret le mieux gardé des grands leaders… et de ChatGPT
Laurent Choain, Chief Leadership, Education, Culture chez Mazars explique que la disruption correspond au fait de proposer un angle original sur un sujet conventionnel.
Quel est le sujet conventionnel par excellence dans les RH ? La reconnaissance.
Une des plus grandes expériences de ma vie professionnelle a été de travailler dans l’hôtellerie de luxe. Le vrai luxe, c’est le service inattendu : ce qui va me plaire, me toucher. Pour moi, le leadership consiste à comprendre que l’addition et le pourboire sont deux choses totalement différentes.
En effet, il affirme qu’on ne peut pas structurer l’humain et l’inattendu.
Tout se joue dans le pourboire émotionnel, tous ces gestes et ces mots créent de l’amitié professionnelle, c’est-à-dire une relation qui vous permet de progresser dans votre vie professionnelle.
Par exemple, en entreprise, personne ne sort jamais enthousiaste d’un entretien annuel, ni les salariés, ni les interviewers. L’important réside dans l’aspect relationnel.
Il résume sa routine en 3 actes distincts : savoir remercier, savoir féliciter quelqu’un d’avoir accompli une mission et parler des autres positivement.
5 choses à faire pour rater son recrutement
Quelles sont les 5 erreurs à éviter lorsqu’on recrute, notamment un manager ou un dirigeant ?
Selon Antoine Freysz, CEO de Kerala, l’erreur numéro 1 est de foncer. Lorsqu’il faut recruter pour un poste clé, l’erreur est de penser qu’on sait directement de quel type de profil on a besoin.
Le plus souvent, l’échec ne vient pas du candidat mais du fait qu’on ne sait pas qui ou quoi rechercher.
Il est indispensable de réfléchir entre décisionnaires aux compétences requises chez le candidat et de prévoir une stratégie de recrutement à 2 – 3 ans.
L’erreur numéro 2 : sous-traiter le recrutement pour un manager ou un dirigeant. Le DRH doit accompagner le dirigeant pour qu’il devienne un recruteur exceptionnel : “le chasseur miracle n’existe pas”. La priorité numéro 1 du dirigeant est de parvenir à recruter la meilleure équipe possible.
L’erreur numéro 3 : se faire endormir, par le nom des grandes entreprises sur le CV des candidats.
Les parcours et les performances individuelles sont difficiles à cerner et un grand logo sur un CV n’est pas suffisant. Antoine conseille de rester intransigeant sur les process de vérification des compétences et sur la nécessité de driver les entretiens.
L’erreur numéro 4 s’illustre par le fait de ne pas mettre les pieds dans le plat concernant les défauts du candidat. Selon lui, bien que cela puisse paraître bateau, il est nécessaire de comprendre et de parler de ces sujets. La manière dont un candidat va aborder ces questions en dira déjà beaucoup sur lui. Le recruteur peut par exemple lui demander comment son ancien manager parlait de lui. Antoine précise également qu’en tant que dirigeant, il est important de parler de ses propres limites.
La dernière erreur consiste à prendre les références pour argent comptant. Pourquoi ? L’ancien supérieur hiérarchique du candidat n’a aucun intérêt à vous dire entièrement la vérité. Pour être efficace, le manager doit effectuer lui-même la prise de référence et prendre le temps d’écouter, de décoder les signaux faibles.
Peut-on vraiment faire plus avec moins ?
Lors de ce talk, Lobna Calleja Ben Hassine, DRH chez Ogilvy nous a parlé d’innovation frugale dans les RH.
Nous avons tous des rêves, des projets, des envies qui peuvent être difficiles à concrétiser, car nos moyens ne sont pas extensibles et que nous sommes confrontés à plusieurs contraintes. Pourtant, ces obstacles peuvent justement nous pousser à innover.
Selon la DRH d’Ogilvy, on ne parle jamais de créativité au sein de la fonction RH. Les entreprises recherchent des DRH innovants mais pas vraiment créatifs. Pourtant, cette compétence fait partie des 10 soft skills les plus recherchées.
La fonction RH est une fonction créative. Nous sommes les champions de l’innovation frugale, car nous devons innover avec le minimum de moyens et de ressources à notre disposition. La créativité nous permet de contourner les contraintes auxquelles nous sommes confrontés.
Pour parvenir à innover dans la fonction RH, il faut donc selon elle capitaliser sur l’existant et changer de regard, c’est-à-dire, accepter de faire différemment.
Elle raconte qu’en 2010, elle était DRH dans un contexte post fusion. Elle a dû trouver comment faire travailler des managers qui ne se connaissaient pas ,ensemble, et avec frugalité. Elle a alors eu l’idée de leur distribuer à chacun une enveloppe avec 20 euros. Leur mission ? Ils avaient 2 heures pour faire fructifier l’argent, puis devaient raconter comment ils avaient procédé. Ces deux heures passées ensemble à faire quelque chose d’improbable leur ont permis de construire la première pierre d’un collectif.
Elle ajoute pour conclure : “Je voudrais qu’on assume notre créativité et qu’on se dise que c’est elle qui offre la meilleure expérience collaborateur à nos équipes.“
Cours de dissection pour les recruteurs
Elise Moron, cofondatrice de Blendy, nous a ensuite présenté un cours de dissection destiné aux recruteurs. Elle a présenté les causes de décès de mails restés sans réponse.
- 1ère cause de décès : un objet qui se noie dans la masse de messages que reçoit le candidat.
D’après elle, pour susciter la curiosité du candidat, le recruteur doit l’émoustiller grâce à l’objet de son mail. Il faut donc oublier les objets de type “Une opportunité professionnelle…”.
- 2nde cause de décès : la phrase d’accroche.
“ Le premier paragraphe doit être dédié au candidat. Vous devez le flatter, lui parler de lui, de son parcours, de ses recommandations. Et pourquoi pas, y ajouter une touche d’humour. “
- 3ème cause de décès : le choix des mots employés.
Les mots possèdent un super pouvoir, celui de créer des émotions positives. Le copywriting est donc essentiel pour donner envie au candidat et provoquer des émotions chez lui. Alors, attention à ne pas vendre un job sans saveur !
Personnaliser au maximum votre mail, le candidat n’en sera que plus touché.
- 4ème cause : le manque d’objectifs concrets.
Le candidat, a priori, connaît son métier. Il a donc besoin de connaître les objectifs précis et chiffrés du poste afin de pouvoir s’y projeter.
- 5ème cause : l’absence de CTA.
Terminé le “tenez-moi au courant” à la fin d’un mail, le candidat a besoin d’un call-to-action engageant et efficace pour passer à l’action !
Il était une fois… le storytelling dans les RH
Elisabetta Marigliano est responsable de la communication RH et des relations publiques de Disneyland Paris.
Elle a été confrontée à un défi de taille : comment créer une communication accessible aux employés de différentes nationalités, tout en respectant la culture d’entreprise ?
Pour relever le défi, elle a créé un journal télévisé afin de faire passer des messages clairs et transparents aux équipes. En effet, les informations sont toujours mieux comprises quand elles sont mises en contexte. Le storytelling est utilisé depuis toujours pour transmettre des idées et les partager, à travers les contes, les dessins animés etc. Les clés du succès selon elle sont l’authenticité et la simplicité des propos.
Les RH doivent parler vrai auprès des collaborateurs, faire passer des messages sans langue de bois.
Disneyland a créé, entre autres, plusieurs émissions, une nouvelle chaîne YouTube et un podcast pour faire passer ses messages et rendre sa marque employeur plus impactante.
Actuellement, plus de 200 émissions ont été tournées et ont généré 500 000 vues au total.
Travailler moins pour travailler mieux
Antoine-Benjamin Lequertier, Chief Marketing Officer chez Welcome to the Jungle a fait un constat : nous travaillons de moins en moins en France.
L’importance du travail recule également. Alors qu’en 1990, 60% des Français considéraient le travail comme “très important” dans leur vie, ils sont aujourd’hui 21% à le penser selon une étude Ifop parue cette année.
En 2019, Welcome to the Jungle est passée à la semaine de 4 jours à salaire équivalent, pour tous. Alors que de plus en plus de talents sont en proie à une quête de sens, l’entreprise a voulu proposer un modèle permettant de trouver un équilibre faisant sens.
Une agence les a accompagnés pour mesurer l’impact de cette mesure sur leur performance et leur rentabilité. Des neuroscientifiques, eux, ont étudié l’impact humain de cette transformation.
Les résultats sont sans appel : augmentation de la productivité, amélioration du bien-être des salariés et hausse de l’attractivité de l’entreprise.
Ce ne sont pas les seuls puisque Microsoft a testé ce nouveau rythme de travail pour ses salariés au Japon et a constaté une augmentation de la productivité de 40%.
De plus, en Islande, un test sans diminution de salaire a été réalisé à grande échelle entre 2015 et 2021. Les résultats démontrent un effet positif sur le bien-être des salariés (réduction du stress et du burn-out), ainsi qu’une augmentation de la productivité.
Donner pour mieux recevoir ?
Clément Alteresco, fondateur et CEO de Morning Capital, a partagé une initiative en place dans son entreprise : et si les salariés devenaient associés de leur entreprise ?
Aujourd’hui, parmi les 300 collaborateurs chez Morning Capital, 150 sont associés. Les 150 restants le seront d’ici 24 mois. Selon Clément, le partage du capital crée chez le salarié un sentiment d’appartenance envers l’entreprise et fait naître chez lui un nouveau rapport à celle-ci.
Les salariés associés sont davantage investis, leur niveau de fidélisation croit. Et pour Clément Alteresco, il ne s’agit pas de travailler plus, mais de travailler mieux.
Cet inversement de la pyramide hiérarchique permet d’aplatir les relations. Une telle initiative modifie en profondeur le collectif et le sublime.
Il précise que cette initiative est également bénéfique à la marque employeur et permet d’attirer de nouveaux candidats.
Anatomie d’un incendie
Jusqu’où l’entreprise doit-elle s’impliquer dans la vie des collaborateurs ? C’est la question posée par Marine Deffrennes, co-fondatrice chez Les Louves.
Le burn-out est un incendie qui ravage le corps et l’esprit. Ce feu peut se déclarer sur des terrains variés : burn-out professionnel, burn-out parental…
Le mécanisme insidieux est souvent le même : épuisement physique, émotionnel, détresse psychologique, perte d’empathie, décrochage puis démission.
Le burn-out résulte d’un mauvais équilibre entre les dépenses d’énergie et nos propres ressources. Marine explique que nous avons tous besoin de nourrir nos besoins profonds : se sentir utile, écouté, en confiance, reconnu et appartenir à une communauté.
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Nos sphères se nourrissent les unes les autres. Nous ne pouvons dissocier le travail de notre vie personnelle. Un déséquilibre important dans l’une de ces sphères absorbe toute notre énergie restante et impacte notre vie globale.
D’après elle, l’entreprise peut pénétrer la sphère de l’intime en étant attentive aux signaux faibles envoyés par les collaborateurs et collaboratrices. Par exemple, dans de trop nombreuses sociétés encore, les mères qui reviennent d’un congé maternité ne bénéficient pas d’un entretien professionnel de retour.
Pourtant, les périodes sensibles traversées par les salarié.es (naissance, procédure de PMA, reprise avec une longue période d’absence…) peuvent être propices au développement de nouvelles compétences.
Alors, comment accompagner les collaborateurs et collaboratrices ? L’entreprise peut accompagner et montrer son soutien lors de ces périodes sensibles. Elle peut également valoriser ces moments, dans le but de ne laisser personne sur le bord de la route. Le meilleur combustible d’une créativité collective selon elle : le ralentissement.
Cet investissement à long terme offre plusieurs avantages à l’organisation : développement de l’engagement collaborateur, de la fidélisation, lutte contre l’absentéisme, le turnover, le quiet quitting, etc.
Retour vers le futur du travail
Dans le futur du travail imaginé par Jérémy Lamri, CEO chez Tomorrow Theory et co-fondateur du Lab RH, il est monnaie courante que les entreprises investissent dans les soft skills.
La technologie est devenue un outil permettant de libérer le potentiel humain, pas le remplacer.
Dans son futur du travail, les entreprises valorisent toutes formes d’intelligence et font des erreurs humaines, des moments d’apprentissage.
À l’issue de ces talks, une table ronde était organisée avec Guillaume Da Cunha (Vice-président RH, Disneyland Paris), Caroline Dupré (Fondation Culture & Diversité), Alexandre Stourbe (Le Lab RH) et Selim Zarouri (Golden Bees).
Guillaume Da Cunha a notamment réaffirmé que le meilleur moyen de créer chez les salariés de l’envie, c’était de leur donner du sens. Disneyland Paris souhaitait engager ses équipes sur la réouverture prochaine de leurs hôtels. Le service RH a donc mis en place plusieurs initiatives pour impliquer et donner du sens à ce projet.
Par exemple, un compte à rebours a été lancé, avec la possibilité d’offrir à certains salariés une nuit dans l’hôtel avant les visiteurs. Une soirée thématique a également été prévue afin de créer de l’engouement, de faire comprendre le storytelling et de donner envie aux salariés de participer à ce projet.
Le futur des RH n’est pas que technologique. L’innovation à venir vise à replacer l’humain au centre des RH.
Guillaume Da Cunha a corroboré cette idée en affirmant que le tout digital ne fonctionnait pas avec tous les publics. Effectivement, il explique avoir organisé un événement en présentiel au Dôme de Disneyland autour du recrutement des métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Résultat : 200 candidats étaient présents.