Avez-vous entendu parler du plan de développement des compétences ? Depuis le 1er janvier 2019, la loi « Avenir professionnel » a remplacé le plan de formation. Désormais, les entreprises disposent d’un nouvel outil dédié aux ressources humaines pour piloter la gestion de la formation interne : la construction d’un plan de développement des compétences destiné aux collaborateurs.
Son but est de définir, prioriser et organiser les actions de formation à déployer dans l’entreprise. De ce fait, il s’agit d’un dispositif conçu sur mesure par chaque organisation en fonction de ses objectifs stratégiques. De son côté, le collaborateur peut devenir demandeur et obtenir une certification.
Toutefois, si l’utilisation du plan de développement des compétences est conseillée, elle n’est pas obligatoire. Il n’y a donc aucun formalisme imposé pour l’établir. Alors quelle est sa place dans la gestion de la formation ? De quelle façon faut-il s’y prendre pour l’élaborer ? Quelle modalité choisir ? Comment construire un plan de développement des compétences efficace ? Voici nos conseils.
Qu’est-ce que le plan de développement des compétences ?
Les différentes actions du plan de développement des compétences
L’employeur est soumis à deux obligations en termes de formation professionnelle, l’adaptation au poste de travail ainsi que le maintien dans l’emploi de chaque salarié. Depuis le 1er janvier 2019, la loi Avenir professionnel remplace l’ancien plan de formation par le plan de développement des compétences. Ce qui permet au collaborateur de suivre des formations relevant de l’initiative émanant du niveau de l’employeur, et non à son niveau, en utilisant son Compte Personnel de Formation CPF (voir notre article sur la loi CPF).
Il a pour vocation d’engager l’employeur dans une démarche de formation du salarié en poste. Pour cela, il prend la forme d’un document recensant chaque action de formation mise en œuvre au sein de l’entreprise.
Établi annuellement selon les orientations stratégiques de l’entreprise, cet outil se définit comme :
- un moyen d’organiser l’apprentissage et la montée en compétence des employés, en réponse aux obligations légales de l’entreprise en matière de formations professionnelles ;
- une voie d’accès à la formation continue pour le salarié, conformément à l’article L6312-1 du Code du travail.
L’action de formation est définie comme « parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. Il est désormais possible pour les collaborateurs de réaliser des formations en situation de travail (Afest), en plus du présentiel ou en tout ou partie à distance ».
Ainsi, les actions de formation peuvent être de deux natures.
Dans le premier niveau, on parle d’actions obligatoires. Celles-ci sont indispensables à l’exercice d’une activité. Elles répondent donc aux obligations prévues par les conventions ou dispositions réglementaires inhérentes à la branche professionnelle.
Dans l’autre cas, ce sont des actions d’apprentissage non obligatoires. C’est-à-dire qu’elles sont facultatives et ne conditionnent pas l’exercice de l’activité. Il s’agit par exemple du bilan de compétences ou de la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Véritable outil stratégique, cet apprentissage permet à l’organisation de rester compétitive, performante et de maintenir l’employabilité des salariés (obtention d’une certification reconnue par le Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP), diplôme etc.).
Quels sont les objectifs ?
Selon l’article L6313-3 du Code du travail, une action de formation a pour objectif de :
- permettre à toute personne sans qualification professionnelle (ou sans contrat de travail) d’accéder dans les meilleures conditions à un emploi ;
- favoriser l’adaptation des travailleurs à leur poste de travail, à l’évolution des emplois ainsi que leur maintien en place dans l’emploi et de participer au développement de leurs compétences en lien ou non avec leur poste de travail. Ces ressources peuvent permettre à des travailleurs d’acquérir une qualification plus élevée ;
- réduire, pour les travailleurs dont l’emploi est menacé, les risques résultant d’une qualification inadaptée à l’évolution des techniques et des structures des entreprises, en les préparant à une mutation d’activité soit dans le cadre, soit en dehors de leur entreprise. Elles peuvent permettre à des salariés dont le contrat de travail est rompu d’accéder à des emplois exigeant une qualification différente, ou à des non-salariés d’accéder à de nouvelles activités professionnelles ;
- favoriser la place et le recours à la mobilité professionnelle.
Qui est concerné ?
Pour information, l’employeur est soumis à deux obligations sur cette thématique : l’adaptation au poste de travail ainsi que le maintien dans l’emploi du salarié.
Toutes les entreprises, peu importe leur taille, peuvent mettre en œuvre ce plan. Sa mise en œuvre dépend de la “décision pleine et entière de l’employeur, après consultation des représentants du personnel” (Ministère du Travail). Au centre du projet : répondre aux obligations légales de l’employeur, améliorer sa performance et développer les compétences des équipes.
Le départ en formation est alors assimilé à l’exécution normale de son contrat de travail. Il ne peut pas s’y opposer (sauf cas particuliers) : la demande de l’employeur relève de son pouvoir de direction, ne pas s’y soumettre peut être qualifié de faute professionnelle pouvant justifier, le cas échéant, un licenciement.
Alors, qui est le public concerné ? Tout salarié peut prendre l’initiative et devenir demandeur afin de suivre une ou plusieurs formations prévues par le plan de développement des compétences. L’objectif pour le demandeur est d’obtenir une certification ou un diplôme. La loi ne prévoit pas comment la demande et la réponse doivent être formulées (via le digital, une lettre écrite…). Ainsi, il convient de respecter les pratiques et les usages conventionnels existants dans l’entreprise. De son côté, l’employeur est libre d’accepter ou de refuser la requête du demandeur. Si l’employeur accepte, le départ en formation du salarié reste assimilé à l’exécution normale du contrat de travail.
Toutes ces questions peuvent être abordées au moment de l’entretien annuel d’évaluation.
Pour rappel : durant toute la durée de formation, l’employé continue d’être rémunéré et conserve sa protection sociale.
Quels sont ses avantages ?
Ce plan s’inscrit dans une démarche de GEPP, anciennement GPEC. Celle-ci vise à appréhender les enjeux du marché de l’emploi et ses mutations. Chaque salarié peut être concerné par un projet de GEPP. Les entreprises concernées par son obligation légale sont celles de plus de 300 salariés ainsi que les groupes ou structures de dimension communautaire de 150 salariés au minimum.
Quels sont les avantages du côté du salarié ? Les ressources et l’apprentissage procurés lui permettent d’acquérir des compétences et de se sentir plus performant et à l’aise dans son quotidien professionnel. Par ailleurs, grâce aux actions d’apprentissage proposées, le collaborateur peut obtenir une partie d’une certification professionnelle comme un diplôme, un titre professionnel ou un certificat de qualification professionnelle (CQP) reconnu par le RNCP. En plus d’améliorer ses capacités, cela lui permet donc de maintenir son employabilité sur un marché du travail de plus en plus exigeant et en constante mutation. Notamment avec l’avènement du web et du digital au centre de certaines préoccupations dans certains cœurs de métier. Son développement professionnel participe donc à la satisfaction générale et à la QVCT.
Pour l’employeur, les avantages sont multiples. En effet, le plan de développement des compétences s’apparente à la fois à un tableau de bord et à une source d’information précieuse pour gérer les carrières des salariés et anticiper les évolutions à venir (technologiques, organisationnelles, démographiques…). L’entreprise peut ainsi identifier ses besoins en termes de compétences tout en prenant en compte ses objectifs. De plus, en mettant en place un bilan, elle analyse les salariés qui nécessitent une formation et peut donc tenter de concilier leurs attentes avec ses propres besoins. La politique de gestion de la formation s’assimile aujourd’hui à un facteur de motivation au travail (ou de démotivation) non négligeable. Répondre aux attentes des talents est indispensable pour éviter le risque de turnover, d’absentéisme et de désengagement. Établir un tel plan est garant de la performance et de la compétitivité de l’organisation. Dans le même temps, il vous permet de développer votre marque employeur.
Qu’en est-il du financement et des coûts de formation ?
La formation dans le cadre du plan de développement des compétences s’assimile à l’exécution normale du contrat de travail. Ainsi, le collaborateur n’a pas la possibilité de s’opposer à la décision de l’employeur. Si ce dernier décide de le réintégrer à son poste avant la fin de la formation, il ne peut pas non plus contester cette décision.
En principe, elle a lieu durant le temps de travail. Cependant, certaines actions peuvent, dans certaines limites, se dérouler hors du temps de travail effectif. Dans quels contextes ?
- en cas d’accord collectif d’entreprise ou de branche prévoyant la possibilité d’actions se déroulant en tout ou partie hors temps de travail. Auquel cas, l’accord fixe la limite horaire, ou en pourcentage de forfait, de suivi de la formation hors temps de travail et peut prévoir des contreparties pour compenser les frais de garde d’enfant.
- en l’absence d’accord collectif d’entreprise ou de branche, avec l’accord de l’employé. La limite de la durée est fixée à 30 heures par an, ou à 2 % du forfait, par salarié.
L’accord du salarié doit être formalisé et peut être dénoncé dans les 8 jours suivants.
Pour information : le salarié peut émettre un refus de participer à une action de formation en dehors du temps de travail. Ce refus ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Tout comme la dénonciation de son accord dans les 8 jours.
Le salarié continue à être rémunéré normalement et conserve sa protection sociale durant la formation. Tout accident survenu au cours de cette période sera considéré comme un accident du travail. Le coût demeure à la charge de l’employeur. Les frais de restauration et d’hébergement sont remboursés ou pris en charge directement.
Modalité
Quelles sont les modalités ? Les actions de formation peuvent être dispensées par un organisme externe disposant d’un numéro de déclaration d‘activité et certifié Qaliopi pour garantir une prise en charge de l’Opco. L’entreprise devra signer une convention de formation avec l’organisme. Ou bien, en interne, avec les formateurs et les moyens pédagogiques à disposition. Enfin, concernant la modalité, l’actions peut être en tout ou partie à distance, ainsi qu’en situation de travail.
Et après ?
À l’issue de la formation, l’employé réintègre son poste ou un poste équivalent à rémunération et qualifications égales.
L’employeur n’a pas d’obligation légale de reconnaître les compétences acquises. Une augmentation de la rémunération n’est donc en aucun cas obligatoire. Néanmoins, il peut y être obligé s’il s’y est engagé, si le contrat de travail ou bien la convention collective le prévoit.
Le contrat de travail du salarié peut comporter une clause de dédit formation qui l’oblige à rester un certain temps au service de l’entreprise sous peine de rembourser les frais de formation.
Construire un plan de développement des compétences en 3 étapes
La construction d’un plan de développement des compétences peut s’avérer fastidieuse pour les services des ressources humaines (RH) et la direction. Car si la loi du 5 septembre 2018 a défini les ambitions de ce « nouveau plan de formation », elle n’a en revanche rien prévu en ce qui concerne la manière de le formaliser.
C’est pourquoi nous vous proposons 3 étapes à suivre pour mener à bien cette démarche d’actualité RH et analyser le bilan et les retombées des actions de formation.
#1 Réaliser le diagnostic des besoins en compétences
La première étape est de faire un état des lieux complet de l’entreprise. Ainsi, vous devez commencer par dresser l’inventaire des compétences existantes. Pour, dans un second temps, cibler les nouvelles compétences à acquérir afin de :
- soutenir le projet de l’entreprise ;
- anticiper les transformations à venir sur le marché ;
- préparer d’éventuels départs — temporaires ou définitifs — de collaborateurs etc.
Ce diagnostic préalable est très important. Car il permet de s’appuyer sur les objectifs de l’entreprise en vue d’identifier de manière précise les compétences nécessaires pour les atteindre.
#2 Élaborer le plan de développement des compétences et définir le budget
Ensuite, vous devez établir toute la stratégie de formation avec comme point de départ les besoins identifiés. Cela implique alors de réaliser un cahier des charges en prenant en compte deux aspects.
Les actions :
Lesquelles sont à mettre en œuvre en priorité ? Qui sont les salariés concernés ? Quels sont les objectifs à atteindre ? Quel est le délai prévu ? Quelles sont les modalités pédagogiques envisagées ?
Le budget alloué au développement des compétences :
Quels seront les coûts pédagogiques ? Les frais annexes ? La rémunération des apprenants ? Quels sont les moyens de financement disponibles ? Etc.
Vous l’avez compris, à cette étape il vous faut détailler le plan de développement des compétences point par point. Ceci afin de disposer d’une vue d’ensemble sur les projets à déployer, leur organisation, gestion et les coûts pour l’entreprise.
#3 Présenter le projet de formation professionnelle au comité social et économique (CSE) et à la direction
La présentation au comité social et économique est la dernière étape avant sa mise en œuvre.
En effet, le CSE dispose d’un droit de regard sur les orientations de la formation professionnelle et le plan de développement des compétences (article L2312-24 du Code du travail). La consultation du CSE est donc obligatoire. À ce titre, il peut d’ailleurs valider le contenu proposé ou suggérer des ajustements du parcours pédagogique.
Une fois accepté par le CSE et la direction, le plan pourra alors être diffusé aux collaborateurs et les formations pourront démarrer.
Dans un environnement professionnel en constante évolution, il vise à rendre les entreprises plus agiles. De la même manière, il vient soutenir les collaborateurs dans leurs projets d’évolution professionnelle.
Construire un plan de développement des compétences peut encore paraître complexe. Alors qu’en réalité une méthodologie efficace suffit à l’élaborer. Une fois réalisé, vous disposerez alors d’un précieux outil de performance. Pourquoi s’en priver ?
Pour découvrir plus de ressources et de retour d’expérience sur le sujet :
- Livre blanc : comment construire une GPEC durable en entreprise ?
- Devenir une entreprise apprenante
- L’apprentissage et l’alternance : bilan de l’aide financière alternance
- Au centre de la problématique de la formation : l’expérience collaborateur et l’engagement des salariés
- Information : audiolearning
Jessica Biot