Rémunération : au moment de l’embauche, l’employeur est libre de fixer son montant ses éventuels avantages annexes. Ce principe de liberté de fixation du salaire est le socle de la politique de rémunération de l’entreprise. Il permet notamment aux entreprises de s’adapter à la conjoncture et à l’activité, de rester compétitives, d’attirer des talents…
Cette liberté s’exerce toutefois dans un cadre précis pour éviter tout abus. Égalité de traitement, non-discrimination…quelles sont les règles à respecter ? Comment les concilier avec le besoin de l’employeur d’individualiser les salaires ?
Les grands principes à respecter en matière de fixation du salaire
Respect du salaire minimum
Toute rémunération doit obligatoirement être au moins égale au SMIC quelle que soit la profession du collaborateur, l’activité ou la taille de l’entreprise. Les règles relatives au SMIC sont des dispositions d’ordre public : les entreprises ne peuvent pas y déroger que ce soit par accord avec le salarié, convention collective ou accord collectif.
Son montant est revalorisé au 1er janvier de chaque année en fonction de l’évolution de l’indice des prix. Le gouvernement peut également prévoir une augmentation pour d’autres motifs, à tout moment dans l’année.
Au 1er janvier 2022, le SMIC horaire est fixé à 10,57 € brut, soit 1 603,12 € brut mensuel.
Spécificités pour les moins de 18 ans et les contrats d’alternance :
- Le SMIC est minoré de 20% pour les jeunes travailleurs de 16 ans (et moins) et de 10% pour ceux de 17 ans. Toutefois, cet abattement est supprimé lorsque le jeune atteint 6 mois de pratique professionnelle dans sa branche d’activité.
- Le salaire minimum est également minoré pour les contrats de professionnalisation et d’apprentissage, en fonction de l’âge du salarié et son niveau d’étude.
Respect des minimas conventionnels
Outre le SMIC, l’employeur doit également respecter les salaires minimas établis par la branche et retranscrits dans la convention collective. Il est possible d’y déroger par accord d’entreprise mais uniquement dans un sens plus favorable ou avec des dispositions au moins équivalentes.
Point de vigilance. Les salaires minimas conventionnels peuvent parfois être inférieurs au SMIC. C’est notamment le cas lorsqu’ils ne sont pas revalorisés alors que le SMIC augmente régulièrement chaque année. Il faut donc être particulièrement vigilant et ajuster si besoin ces montants au niveau du SMIC sur la fiche de paie du salarié.
Principe de non-discrimination
Il s’agit d’un pilier majeur du droit du travail français. L’employeur ne peut pas appuyer et motiver une décision sur un motif discriminatoire, que ce soit pour fixer une rémunération ou pour prendre toute autre mesure affectant le salarié (sanction, licenciement, affectation, recrutement …).
Sont principalement visés les motifs suivants (art.L1132-1) :
- Origine
- Sexe
- Mœurs, orientation sexuelle et identité de genre
- Âge
- Situation de famille
- Grossesse
- Caractéristiques génétiques
- Particulière vulnérabilité résultant de la situation économique de l’intéressé apparente ou connue de l’auteur de la discrimination
- Appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race
- Opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes
- Convictions religieuses
- Apparence physique
- Nom de famille
- Lieu de résidence
- Domiciliation bancaire
- État de santé, perte d’autonomie, handicap
- Capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français
- Salarié ayant témoigné ou rapporté des faits de harcèlement moral et sexuel
Exemples : une entreprise ne peut pas exclure de l’augmentation générale de salaire les employés ayant été en arrêt maladie plus de 20 jours . Constitue également un motif discriminatoire le fait de ne verser qu’à un seul conjoint (couple marié travaillant ensemble dans l’entreprise) une prime « achat vacances » destinée à tout salarié en activité.
Égalité de rémunération entre les salariés
Il s’agit du principe « à travail égal, salaire égal », dégagé par la jurisprudence et qui englobe également l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.
Les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale doivent bénéficier d’une égalité de rémunération.
Quelques précisions sur ces conditions :
- Les salariés sont dans une situation identique lorsqu’ils appartiennent à la même entreprise et que leur rémunération est fixée par une source commune (convention collective…)
- Le travail effectué est de valeur égale quand il demande des connaissances, des capacités, des responsabilités et une charge de travail comparable.
Exemple : Refuser l’attribution d’une prime de 13e mois à un salarié absent alors qu’elle avait été versée à d’autres salariés dans la même situation est contraire au principe d’égalité.
Cependant, même dans ces conditions, fixer des rétributions différentes entre les salariés reste possible à condition que l’employeur puisse justifier cette disparité. Voyons comment.
Comment individualiser les salaires ?
Obligation de justifier la différence de traitement
Le principe d’égalité de traitement n’empêche pas l’entreprise de prévoir des rémunérations différentes entre ses salariés.
Pour cela, ces disparités doivent être justifiées par des critères objectifs, pertinents, vérifiables et non discriminatoires. Une exception toutefois pour celles prévues par convention ou accord collectif qui bénéficient d’une présomption de justification, nous y reviendrons.
En outre, les règles d’individualisation du salaire doivent être préalablement définies, contrôlables et portées à la connaissance du salarié.
À noter que la différence de statut juridique des collaborateurs ne peut pas justifier une inégalité de rémunération. Par exemple entre salariés en CDI et CDD ou entre salariés élus au CSE et non élus.
Les principaux critères permettant d’individualiser les salaires
Situation personnelle du salarié
L’entreprise peut adapter la rémunération au profil du salarié, en s’appuyant notamment sur les critères suivants :
- Ancienneté
- Expérience
- Formation et qualification
- Détention d’un diplôme de niveau supérieur ou attestant de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction
Qu’en est-il de la rémunération des professionnels des ressources humaines ? Découvrez notre article sur le salaire RH en France .
Motifs conjoncturels
L’entreprise peut déroger à l’égalité de rémunération des salariés en raison de la conjoncture économique ou des contraintes imposées à certains employés.
Par exemple :
- Pénurie de candidats (en apportant la preuve de la difficulté de recrutement)
- Recrutement en urgence d’un directeur en CDD à un salaire plus élevé pour éviter la fermeture de l’établissement
Bon à savoir. Les difficultés financières de l’entreprise ne sont pas un motif recevable pour justifier une différence de traitement entre les membres du personnel.
Différences de rémunération prévues par voie conventionnelle
Certaines différences de traitement prévues par convention collective ou accord collectif sont présumées être justifiées. Sont concernées celles liées à la catégorie professionnelle du salarié (ou appartenant à une même catégorie mais exerçant des fonctions distinctes) et en cas d’établissements distincts.
Principale conséquence de cette présomption, l’employeur n’a pas à prouver que l’inégalité repose sur une raison objective et pertinente. C’est à la personne qui la conteste de démontrer que cette différence est étrangère à toute considération de nature professionnelle.
Quelques exemples :
- Prime d’ancienneté pour les ouvriers et employés
- Indemnité de licenciement plus favorable pour les cadres
- Indemnité de repas plus élevée pour les cadres de direction par rapport aux autres cadres
Bon à savoir. En dehors du cadre conventionnel, la catégorie professionnelle ne peut justifier une différence de traitement que si elle repose sur une raison objective et pertinente.
Protection sociale complémentaire
Dans ce domaine, les disparités entre catégories professionnelles n’ont pas besoin d’être justifiées. Il est donc possible de mettre en place un régime de prévoyance pour une seule partie du personnel ou des différences de prestation et/ou de coût selon les catégories professionnelles.
Le principe d’égalité de traitement reste néanmoins applicable au sein d’une même catégorie professionnelle : toute différence de traitement doit être justifiée par des éléments objectifs et pertinents.
Modification du salaire et retenues : quelle est la marge de manœuvre de l’employeur pendant le contrat ?
Modification de la rémunération
Employeur et salarié peuvent librement modifier le salaire par commun accord dans le respect des principes développés précédemment.
Si la modification est à l’initiative de l’employeur, par exemple en cas de difficultés économiques, il s’agit d’une modification du contrat de travail que le collaborateur est en droit de refuser. Ce refus n’est pas une faute et ne peut pas justifier une procédure disciplinaire, ni a fortiori un licenciement pour faute grave. Toutefois, un licenciement non disciplinaire reste possible.
L’employeur doit informer chaque salarié concerné de la modification envisagée par lettre recommandée avec accusé de réception.
Le ou les employés disposent d’un délai d’un mois pour accepter ou refuser (ce délai est de 15 jours si l’entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire). L’absence de réponse du collaborateur vaut acceptation de la modification de salaire.
À défaut pour l’entreprise de respecter ce délai d’un mois, le licenciement motivé par le refus du salarié est sans cause réelle et sérieuse.
Retenues sur salaire : c’est possible ?
Le salaire étant la contrepartie du travail, l’employeur peut déduire les périodes non travaillées de la rémunération brute perçue : absence pour grève, maladie, congé sans solde…
Un accord d’entreprise ou des dispositions conventionnelles peuvent toutefois prévoir des dispositions plus favorables.
Le salaire net peut également faire l’objet de retenues selon des conditions strictes et précises. C’est le cas notamment en cas de saisies sur salaire, de remboursement d’avance ou d’acompte.
Point de vigilance. Les sanctions pécuniaires sont rigoureusement interdites et punies pénalement (amende de 3 750 euros). Il s’agit d’une disposition d’ordre public, sans dérogation possible (art.L1331-2).
Par exemple, c’est le cas des retenues motivées par :
- La baisse volontaire de la production par un employé non rémunéré au rendement
- Le dépassement du forfait téléphonique attaché au téléphone professionnel du salarié
- Les frais de réparation d’un véhicule de fonction suite d’un accident de la route
Céline Le Friant et Laurène Boussé