Nadia Védrunes, Directrice de la Marque Employeur et du Recrutement pour l’Europe et l’Afrique, mène une stratégie ambitieuse pour positionner le Club Med comme un employeur de référence.
Entre concurrence exacerbée à l’échelle mondiale et saisonnalité du secteur, elle s’attache notamment à moderniser l’image employeur de l’entreprise, renforcer sa visibilité internationale et répondre aux attentes des nouvelles générations de candidats.
Dans cet entretien, elle dévoile les axes clés de cette stratégie de marque employeur, de la valorisation de l’Esprit Club Med à l’adaptation culturelle et géographique des pratiques de recrutement, en passant par le développement de canaux innovants pour attirer et fidéliser les talents.
Quelle est la vision « Marque Employeur » du Club Med ?
Quand je suis arrivée au Club Med il y a six mois, mon poste était vacant depuis un certain temps. Contrairement à ses habitudes (95 % des collaborateurs du service Talent Acquisition sont issus de la mobilité interne, lire l’entretien avec Caroline Basset nldr.), l’entreprise souhaitait recruter une personne externe capable d’apporter une vision renouvelée de la marque employeur pour :
- professionnaliser les approches ;
- développer les compétences internes ;
- réaligner la stratégie globale sur les attentes des nouvelles générations.
En effet, la marque employeur était gérée de manière ponctuelle et souvent réactive. Les campagnes étaient adaptées au cas par cas selon les besoins immédiats des recruteurs, mais il manquait une vision d’ensemble. Ainsi, nous étions très réactifs face aux pénuries sur certains viviers critiques, comme les métiers de la cuisine ou de la petite enfance, mais nous n’anticipions pas suffisamment.
Désormais, l’objectif est d’être proactifs et de créer des viviers de talents solides que nous pourrons activer au bon moment.
Pour cela, le Club Med s’appuie sur ce qui fait sa particularité : ce que nous appelons l’Esprit Club Med. Ce sont des moments de convivialité, de partage, que vivent nos clients (les GM) et nos équipes (les GOs).
Pourtant, cet élément-clé de notre ADN n’est pas forcément connu de tous les candidats. Beaucoup d’entre eux, en particulier parmi les jeunes générations, ne pensent pas spontanément au Club Med comme à un employeur attractif. Il est donc essentiel de moderniser notre image, notamment auprès des digital natives.
Une nouvelle stratégie marque employeur du Club Med qui repose sur 2 axes
D’abord, renforcer notre visibilité en tant qu’employeur international de référence. Que l’on soit à Maurice, en France ou aux Seychelles, chacun doit savoir que le Club Med recrute et propose des carrières passionnantes.
Ensuite, nous devons structurer notre calendrier de recrutement pour mieux anticiper les saisons d’hiver et d’été. Cela implique de comprendre les spécificités locales. Par exemple, à Maurice, beaucoup de candidats utilisent WhatsApp ou Facebook pour postuler, alors qu’en France, ils préfèrent LinkedIn ou notre site internet. Nous devons donc nous adapter à ces différences.
De même, nous avons décidé d’investir davantage sur LinkedIn, puisque 40 % des professionnels de l’hôtellerie utilisent cette plateforme pour chercher un emploi. Nous ciblons à la fois des jeunes actifs et des professionnels plus expérimentés. L’ambition est vraiment que chacun voie le Club Med comme un lieu où il peut débuter sa carrière mais aussi progresser rapidement, voire changer de vie en partant à l’international.
Quels sont les principaux défis auxquels le Club Med est confronté à court/moyen terme pour renforcer la visibilité de sa marque employeur, notamment à l’ère du tout digital ?
L’un des premiers axes stratégiques que nous allons déployer concerne LinkedIn. Nous prévoyons de développer notre compte Club Med Jobs de manière significative. Cela passera par une communication renforcée : plus de vidéos, plus de contenus immersifs. À l’image de ce que nous faisons déjà sur les réseaux sociaux, mais avec une approche plus ciblée sur LinkedIn.
Nous allons également travailler avec des influenceurs comme Tonton Karim, spécialiste du recrutement, pour créer des contenus qui résonnent avec les attentes de nos audiences.
Comme je le disais, l’enjeu est de rendre la marque Club Med beaucoup plus visible et, à terme, incontournable. Cela implique de communiquer davantage sur ce que nous offrons, en ce qui concerne le développement de carrière par exemple. Car il faut savoir que le Club Med est une entreprise apprenante qui propose de nombreuses formations et opportunités de progression. Nous avons des moments clés, comme l’onboarding, qui permettent aux saisonniers de se sentir accompagnés et de repartir avec des compétences concrètes.
Cependant, notre challenge ne s’arrête pas au digital. Nous devons aussi recréer du lien avec nos candidats en présentiel. Le contexte a changé, notamment avec la génération Z qui a vécu des événements marquants comme la pandémie. Beaucoup de jeunes ressentent aujourd’hui une certaine appréhension à l’idée de partir travailler loin de chez eux.
Des rencontres avec les candidats qui restent essentielles
Pour y répondre, nous allons donc organiser des rencontres physiques, comme des job datings, dans plusieurs régions de France. Mais aussi en Italie, au Portugal, en Espagne et en Belgique.
Ces rencontres seront l’occasion d’échanger, de rassurer et d’évaluer le potentiel des candidats. C’est un aspect essentiel : détecter des qualités (soft skills) qui vont au-delà des compétences techniques. Comme la capacité à s’adapter et à s’épanouir dans l’environnement unique du Club Med. Notre ambition est de faire comprendre que nous sommes une porte d’entrée pour des carrières dans le tourisme et l’hospitalité.
À brève échéance, il s’agit donc pour nous de réinventer notre approche pour faire connaître et reconnaître la marque Club Med. Ceci tout en créant des opportunités concrètes et enrichissantes pour nos candidats et futurs collaborateurs.
Le Club Med est présent dans de nombreuses régions du monde. Comment adaptez-vous votre stratégie de marque employeur pour répondre aux spécificités culturelles et aux attentes locales des candidats ?
L’adaptation locale est essentielle dans notre stratégie de marque employeur. En France, nous sommes bien implantés et reconnus, mais dans d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal, nous devons encore construire notre notoriété en tant qu’employeur. Cela implique un travail de terrain approfondi. Pour cela, nous organisons des campagnes de présentation dans les villes et les campus locaux tout au long de l’année.
Nous installons nos stands dans des écoles, lors de salons professionnels ou d’événements spécialisés pour aller à la rencontre des candidats et leur présenter les opportunités du Club Med.
En Afrique et au Moyen-Orient, le travail est encore au stade initial. Nous venons tout juste de dédier une personne à cette région, qui a commencé par un audit des différents pays comme le Maroc, le Sénégal ou la Tunisie. Les infrastructures, comme les réseaux internet, sont différentes. Ce qui complique les communications.
Par exemple, au Sénégal, nous devons organiser des événements ciblés pour éviter d’attirer un public trop large et inadapté à nos besoins spécifiques. Au Maroc, Facebook fonctionne très bien comme outil de communication, contrairement à la France où ce réseau social a perdu de son impact. Nous devons donc comprendre les usages locaux et ajuster nos stratégies pour être efficaces.
Au-delà des usages, l’idée, c’est vraiment d’être capable de véhiculer le fait que nous ne sommes pas simplement un employeur français. Le Club Med, c’est un environnement unique qui promeut la multiculturalité et la convivialité. Dans certaines régions où la concurrence est très forte, il est essentiel de faire comprendre aux candidats locaux cette dimension de notre ADN. Cela fait partie des challenges, mais aussi des opportunités que nous avons pour nous différencier.
Le Club Med compte de nombreux collaborateurs dans le monde entier. Comment mobilisez-vous ces équipes pour en faire des communautés d’ambassadeurs de votre marque employeur ?
Effectivement, nous avons beaucoup de collaborateurs répartis à travers le monde, mais ils sont souvent très engagés sur le terrain. Il est donc difficile de mobiliser tout le potentiel de ce réseau quand bien même, nous le savons, nos équipes constituent un levier essentiel puisqu’elles connaissent mieux que quiconque notre culture d’entreprise.
Ainsi, même si nous disposons aujourd’hui d’une politique de cooptation, celle-ci demande encore à être perfectionnée. Nous proposons déjà l’attribution de bonus (entre 150 et 700 €) liés à la difficulté de recruter certains profils.
Cela dit, le principal défi reste de toucher un maximum de nos collaborateurs, quel que soit leur poste ou leur localisation. Les communications papier ont montré leurs limites : il faut cibler avec plus d’efficience, et multiplier les campagnes en ligne. Raison pour laquelle nous allons prochainement lier un partenariat avec une entreprise spécialisée dans la cooptation digitale qui constitue un axe majeur.
Par ailleurs, le Club Med mise aussi sur le contenu immersif. À ce titre, nous produisons des vidéos et interviews de nos collaborateurs pour mettre en avant leur quotidien, avec leurs propres mots. Par exemple, nous avons récemment réalisé un contenu sur les métiers de la petite enfance, un vivier stratégique pour nous. Montrer à quoi ressemble concrètement ce travail aide les candidats à mieux se projeter.
Cette approche s’étend également aux événements physiques. Lors des job datings ou des forums école, nous faisons intervenir des collaborateurs spécialisés pour partager leur expérience en direct. Cela permet aux candidats de comprendre nos métiers, par rapport à une crèche classique ou un poste traditionnel dans l’hôtellerie. Cette authenticité est très appréciée.
L’expérience candidat est souvent perçue comme un facteur clé de la marque employeur. Comment le Club Med s’assure-t-il que chaque candidat, qu’il soit retenu ou non, garde une image positive de l’entreprise ?
Que le candidat soit retenu ou non, il est impératif qu’il garde une image positive du Club Med et qu’il puisse devenir un promoteur de l’entreprise. C’est vrai pour notre organisation, mais aussi pour toutes les entreprises : nous n’avons pas le luxe de négliger l’expérience candidat. Surtout à une époque où les réseaux sociaux amplifient rapidement les retours négatifs.
Pour garantir une expérience positive, le Club Med mise d’abord sur la formation des recruteurs. À ce titre, nous avons initié une montée en compétences au sein de l’équipe de recrutement. Depuis janvier, des formations de deux jours sont dispensées avec des experts externes pour s’assurer que chaque recruteur adopte les meilleurs pratiques. Ceci afin d’offrir une interaction de qualité à chaque candidat.
En parallèle, des règles vont aussi être mises en place pour encadrer le processus de recrutement. Par exemple, nous nous engagerons à ne jamais laisser un candidat sans réponse pendant plus de 48 heures. Car c’est très important pour nous de maintenir un lien constant avec les candidats. Et ce, qu’ils soient en attente d’une décision ou déjà engagés dans le processus.
Entre enjeux du préboarding et feedback candidat
C’est d’ailleurs une autre priorité de maintenir le contact avec les candidats tout au long des périodes de latence. Je pense par exemple au temps de battement entre la validation de la candidature et l’affectation au poste. Sur l’ensemble du marché du travail, l’on observe une volatilité accrue des candidats. Mais c’est encore plus vrai dans notre secteur marqué par la saisonnalité. En effet, certains acceptent un poste en juin, mais reçoivent d’autres offres en juillet et disparaissent. Pour éviter cela, nous travaillons sur des moyens pour initier de l’engagement et, d’une certaine manière, cultiver leur sentiment d’appartenance avant même leur arrivée.
Bien entendu, la collecte et l’analyse des retours candidats occupent également une place importante. En ce sens, nous utilisons des outils comme le NPS (Net Promoter Score) pour évaluer la perception des candidats et identifier des axes d’amélioration. De fait, il ne s’agit pas d’évaluer les recruteurs, mais aussi d’affiner l’expérience globale proposée par l’entreprise. Ce n’est que dans ces conditions que nous pouvons mettre en œuvre un cercle vertueux au profit de la marque employeur.
Crédit photo : Club Med