La fonction RH est aujourd’hui en transformation. Mais quels sont les enjeux métiers d’un tel changement ? Face aux nouveaux modes de travail ou encore à l’attractivité et la gestion des talents, en quoi le rôle des DRH est-il central en matière de transformation ?
Pour répondre à ces questions, le salon Solutions Ressources Humaines 2023 a invité 4 conférenciers : Vanessa Morales, conférencière et athlète, Stéphane Lefebvre-Mazurel, Directeur Général Adjoint chez OpinionWay, Tiphaine Brisou Debeze, People Director chez Sage et Sabine Ducrot-Ciss, Product Marketing Director pour Sage.
Transformation RH : le parcours inspirant de Vanessa Morales
Résilience, adaptabilité et agilité
Vanessa Morales est l’exemple même de l’agilité nécessaire à une (bonne) transformation RH. Cette athlète de haut niveau, alpiniste, a vécu un syndrome des loges nécessitant une opération et son arrachement au patinage artistique – sa passion. Lorsqu’à 16 ans, son projet de vie professionnelle est bouleversé, elle s’est perdue. Lorsqu’elle finit par courir en montagne, le syndrome revient. Elle est à nouveau opérée. Aujourd’hui, cette alpiniste vise la haute altitude et possède plusieurs ascensions du Kilimandjaro à son actif. Sa force ? Elle la puise dans un engagement qui lui tient particulièrement à cœur : la lutte contre la sclérose en plaques.
Durant ce salon SRH, Vanessa nous fait part d’un épisode qui a marqué sa vie : alors qu’elle était censée arriver au sommet d’une montagne, les personnes qui accompagnaient Vanessa lors de son périple ont vu leur vie menacée avec l’apparition d’un œdème cérébral, ce qui la contraint à redescendre, non sans accrocs. Tant bien que mal, elle est parvenue à accompagner son équipe qui se trouvait alors en grande difficulté. Alors qu’elle pense que “tout est fini”, elle se dit assez rapidement que cette expérience doit lui servir pour rebondir. Elle se met alors à écrire tout ce qui a dysfonctionné durant ce périple.
Mais en quoi le parcours de Vanessa Morales est-il lié à la transformation RH ?
Le parcours de Vanessa témoigne précisément de la capacité d’adaptation et d’agilité dont il s’agit de faire preuve dans le monde professionnel lorsque des bouleversements le perturbent. Il s’agit notamment de la capacité à s’adapter au changement. Elle s’est précisément nourrit de la culture de l’échec pour (mieux) rebondir.
Transformation RH : l’importance de la collaboration
Sur la montagne, il y a cette notion de collaboration. Il s’agit d’accompagner ceux qui se trouvent plus dans la faiblesse par rapport à d’autres. On est hyper proches de tout ce qui concerne la fonction RH.
Vanessa Morales considère chacun des membres de son équipe dans sa singularité et c’est précisément comme cela que l’on mène à bien un projet d’équipe.
Mais collaborer ne s’impose pas. Comme le rappelle Sabine Ducrot-Ciss, Product Marketing Director pour Sage, collaborer nécessite certaines compétences comportementales, certaines soft skills – autant d’éléments nécessaires pour faciliter la transformation :
Collaborer fait appel à des compétences, à certains tempéraments. Certains ont des facilités à extérioriser alors que d’autres n’en donnent pas forcément l’impression mais en ont peut-être profondément besoin.
Selon Tiphaine Brisou Debeze, People Director chez Sage, “Il faut accompagner les managers pour amener les collaborateurs à collaborer et être engagés. Une bonne collaboration est un élément clé pour la performance d’une équipe.”
D’autant plus que selon Stéphane Lefebvre-Mazurel, Directeur Général Adjoint chez OpinionWay, avant la crise sanitaire, on se trouvait peut-être davantage dans une organisation taylorienne, alors qu’aujourd’hui, on serait dans une organisation où le manager a – d’autant plus – un rôle clé, déterminant dans la performance et la réussite de la transformation RH.
Les enjeux métiers de la transformation RH
Le métier de DRH en changement
Il n’y a pas d’engagement dans une entreprise s’il n’y a pas de manager de proximité qui soit engagé également. L’engagement collaborateur tient un rôle clé dans la transformation RH – à tous les niveaux.
Selon Stéphane Lefebvre-Mazurel, Directeur Général Adjoint chez OpinionWay, le rôle de la Direction des Ressources Humaines est de plus en plus stratégique aujourd’hui, alors qu’il y a 20 ans elle n’était pas considéré comme très noble.
La façon dont je travaillais il y a 23 ans n’est pas la même qu’aujourd’hui. Avant, il n’existait quasiment pas de filière dédiée aux Ressources Humaines. C’est un métier qui se professionnalise, se spécialise (rémunération, paie, RSE, etc.) C’est aussi grâce à cela qu’on s’enrichit et qu’on devient vu et considéré comme un réel partenaire stratégique des dirigeants.
“Il y a une transformation du métier de DRH en tant que tel”, renchérit Tiphaine. Avant, on avait des missions très polyvalentes. Aujourd’hui, on a un RH, un DRH, un responsable recrutement, et même des responsables RSE, etc. “On a une professionnalisation du métier qui est profitable”, soutient-elle.
La mise en place d’outils collaboratifs
Sabine Ducrot-Ciss se dit un peu agacée par les deux notions “transformation” et “digitalisation”, que l’on a tendance à galvauder selon elle.
Dans les faits, ce qu’on nous demande, c’est de s’adapter à des populations (millenials, génération X/Y, génération Z) mais on se dit qu’en regardant les caractéristiques de tous on se dit qu’on va pas réussir à les faire collaborer et pourtant c’est précisément l’objectif ultime.
Parmi les enjeux métiers autour de la fonction Ressources Humaines, s’équiper de solutions qui fluidifient la collaboration est essentiel.
“C’est le rôle de ma boite et de la DRH de mettre des outils à disposition pour faire grandir les équipes. Comment je permets à mes collaborateurs d’aujourd’hui de se mettre en valeur et d’identifier des professions qu’ils ne connaissent pas (…) les faire envisager un avenir ?”, exprime-t-elle. Selon elle, on est là pour animer le quotidien et le bien-être des salariés pour qu’ils puissent se projeter dans le futur du travail.
Quand j’ai commencé chez Sage on était encore sur Excel alors qu’aujourd’hui on a un outil qui est mis à jour en temps réel et qui change beaucoup la vie. On peut analyser, utiliser la data pour aiguiller les managers, les collaborateurs dans la stratégie de l’entreprise.
4 enjeux majeurs
Aujourd’hui, les enjeux métiers autour de la transformation RH sont liés à ces 4 éléments :
- L’organisation du travail : s’il y a bien une chose que la crise sanitaire a mis en lumière, c’est cette accélération du changement de l’organisation du travail avec toutes les questions relatives à la flexibilité du travail à travers des modes de travail bouleversés, la semaine de 4 jours, le work-life balance…
- L’attraction et la rétention des talents dans l’entreprise : on a beaucoup de talents en interne et on souffre d’une pénurie de talents. Ce n’est plus l’entreprise qui choisit un candidat, c’est le candidat qui choisit l’entreprise. Les enjeux métiers autour de la fonction RH et de la transformation sont donc liés à la capacité à innover, à proposer des actions de fidélisation.
- La RSE (où le E de RSE devient de plus en plus important). Le volet environnemental de la RSE prend de plus en plus de place aujourd’hui.
- L’accompagnement des fins de carrière : il va falloir travailler plus longtemps et le report de l’âge légal de départ à la retraite a un impact sur la fonction Ressources Humaines et ajoute au bouleversement de l’organisation du travail.
Le rôle clé de la digitalisation dans la transformation RH
Les avantages des solutions digitales
La digitalisation RH est au cœur de la transformation de la fonction RH.
Selon Tiphaine, l’utilisation de Teams, par exemple, aide à gagner du temps et à être plus performant avec les personnes que l’on accompagne.
Mais l’utilisation du digital joue aussi un rôle dans la valorisation de la marque employeur, rappelle Sabine : “Lorsqu’on nous demande comment on est organisé en interne, ça joue aussi sur l’attractivité. Les outils digitaux ont la vertu de faciliter le quotidien de travail des salariés.”
Les outils tels que Sage sont vraiment des outils d’aide à la décision (entrées, sorties, masse salariale, etc.) Les indicateurs sont très importants pour nous pour piloter notre activité et aider les managers à piloter la leur, à être en projection, à travailler sur les budgets, etc. On est beaucoup dans la proaction, la prévision, là où avant on était plus dans la réaction. C’est un outil prédictif qui nous facilite la vie.
La transformation digitale encore difficile à intégrer chez les RH ?
Dans une étude menée par OpinionWay pour Sage auprès de 300 décisionnaires RH (2022), la transformation digitale a été déployée ou en cours pour 47 % d’entre eux (en 2019, nous étions à 29 %). Pour 49 % des décisionnaires en ressources humaines en revanche, ce n’est pas un projet actuellement (le pourcentage atteignait 61 % en 2019).
Du côté de l’ensemble des salariés interrogés, elle est déployée ou en cours de déploiement pour 60 % d’entre eux. Elle n’est pas déployée pour seulement 23 % d’entre eux.
Le bénéfice majeur de l’utilisation de solutions digitales réside bien-sûr dans le gain de temps pour les professionnels des ressources humaines et pour les salariés dans un monde post confinement où on nous demande d’être de plus en plus agile – voire même de développer davantage de soft skills.
Les collaborateurs indiquent d’ailleurs plus de bénéfices que les décisionnaires RH. La génération Z s’est saisit de cette ressource qui requiert l’autonomie des salariés grâce à l’outil RH et est très à l’aise avec cela.
Un frein à la transition digitale ? Une crainte concernant la sécurité des données (60 % pour les décisionnaires RH, 54 % côté employés).
Les décisionnaires des ressources humaines sont peu nombreux à percevoir l’intérêt de la digitalisation. Selon OpinionWay, seulement 38 % des interrogés estiment que le digital améliore les relations avec les collaborateurs. Mais près de la moitié des décisionnaires des ressources humaines pensent que la digitalisation des processus va les aider à recruter (46 %).
- Ce qu’il faut retenir :
La transformation digitale pour les salariés n’est plus un sujet : c’est ancré dans leur quotidien.Au niveau des décisionnaires RH, les DRH/RRH sont tout de même plutôt côté salariés (ils auraient compris les bénéfices qu’il y avait derrière). Aujourd’hui, il faut convaincre les dirigeants, les DRH dans les petites entreprises qui ne mesurent pas encore tous les bénéfices.
En outre, les TPE PME ont peut-être moins de moyens mais seraient aussi convaincues de l’intérêt de l’utiliser.
D’autant plus que certaines choses ne sont pas difficiles à mettre en place selon Tiphaine pour Sage : c’est le cas de la dématérialisation des notes de frais, des bulletins de paie, etc.
Une transformation toujours en cours
Par ailleurs, on note que la fonction RH aurait largement avancé dans le Cloud. La digitalisation de la fonction comptable arrive et la fonction Ressources Humaines va jouer ce rôle de leader vers les dirigeants d’entreprise dans la transition vers le Cloud.
Selon Stéphane Lefebvre-Mazurel, Directeur Général Adjoint chez OpinionWay, au final, “La transformation est en cours”. Si l’on donne à voir que les collaborateurs gagnent en performance, les dirigeants vont peut-être davantage se saisir de ces solutions. Mais il faut répondre aux besoins de ceux qui sont perdus avec le digital.
Il faut engager, former, expliquer le sujet. Il faut donner du sens, c’est quand même notre métier premier en tant que manager. Il ne s’agit pas de se cacher derrière l’outil.
“L’intelligence artificielle, c’est un terme très à la mode. Certes, elle va nous aider à booster nos outils, de façon certaine. Mais elle n’a pas vocation à remplacer l’humain qui sera toujours là pour ajuster, prendre des décisions, expliquer ce que produit l’IA mais ne va pas remédier à toutes les problématiques des Ressources Humaines« , rappelle sa collègue Tiphaine.
On comprend qu’il y a donc un réel enjeu autour de la QVCT et de l’agilité organisationnelle : comment, en tant que professionnel des ressources humaines, on accompagne la transformation digitale de l’entreprise et qui va suivre cette transformation ? Mais aussi un enjeu lié à la nécessité de fidéliser les collaborateurs, ne pas les perdre dans cette conduite du changement.