La rédaction a interviewé Christian Verhague, Directeur de la transformation Performance RH et Directeur du Conseil SIRH & QVCT chez Ayming, à propos des enjeux RH pour l’année 2023.
Alors, quels sont ces enjeux RH ? Comment y répondre ?
» Durant la crise sanitaire, qui a profondément transformé le travail et accéléré ses mutations, les services RH ont dû faire face, dans l’urgence, à de nombreux défis liés à la santé des employés. Dans la foulée, l’organisation et le rapport au travail ont aussi profondément bougé : vers plus d’hybride, vers un management plus innovant et une plus grande autonomie des collaborateurs. La souplesse s’est insinuée partout ! Le marché du travail, qui tend vers le plein emploi, renverse aussi les rapports de force en faveur des demandeurs et met sous tension les recrutements. Les DRH vont devoir repenser leur marque employeur, séduire les candidats au-delà des discours et, surtout, les fidéliser » affirme Christian Verhague.
Selon lui, le SIRH évolue lui aussi, en parallèle, pour répondre à tous ces bouleversements, fluidifier l’expérience collaborateur et accélérer l’innovation RH. « Dans toutes ses transformations qui s’empilent et s’entrecroisent, j’isolerais 4 enjeux que je crois clés pour cette année : le « care » et la QVCT, l’engagement des collaborateurs, l’expérience collaborateur et, dernier point, l’innovation digitale RH » affirme-t-il.
La place de la QVCT en 2023
Qu’entendez-vous par « care » ? Quelle est, selon vous, la place de la QVCT cette année ?
La fin de la phase aiguë de la crise sanitaire ne gomme pas pour autant l’importance de la santé au travail pour les Directions RH. Elles doivent toujours piloter efficacement les risques professionnels, prémunir les collaborateurs des risques et accidents avec des politiques de prévention adaptées. Elles font aussi face à des aspects plus insidieux qui mettent à mal la santé mentale des collaborateurs (la hausse des risques psychosociaux, burn out ou détresses psychologiques, en est le symptôme), l’inclusion et l’engagement collectif. Pour les services RH comme pour les managers, la place de la santé psychologique devient centrale, voire cruciale. Elle interroge fortement la place de la politique QCVT déployée, du système de pilotage et de management intégré, tout cela en lien avec le dialogue social. Il y a eu une prise de conscience chez de nombreux collaborateurs. Face à l’inconnu et aux bouleversements actuels, qu’est-ce qui est important chez les salariés ? La quête de sens et l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle représentent des enjeux QVCT cruciaux à prendre en compte dans les politiques RH.
Par ailleurs, l’hybridation du travail a changé le lien entre les employés et les employeurs. Avec la démocratisation du télétravail, la question du lien social est primordiale pour motiver les équipes à travailler au bureau et en équipe.
Les conséquences de l’inflation font également partie des éléments forts attendus par les salariés. D’autant plus lorsqu’on sait que 77% d’entre eux souhaiteraient que leur entreprise les aide à faire face à la hausse du coût de la vie ; et que 68% seraient davantage enclins à rester chez leur employeur si ce dernier prenait des initiatives en ce sens.
L’intérêt pour la dimension écologique a toujours été fort mais il s’accélère en raison des problématiques liées au dérèglement climatique que nous vivons de plus en plus. Ce qui est également le cas entre les entreprises puisque cette dimension apparaît maintenant régulièrement dans les grilles de notation au sein des appels d’offres. C’est certain, il occupera de plus en plus une place importante dans la capacité à attirer et à fidéliser les talents. En effet, au-delà d’une marque employeur de façade et d’une stratégie de communication, les engagements des organisations doivent être en accord avec ce qu’elles promeuvent.
La responsabilité sociale et environnementale (RSE) s’impose aux entreprises et les amènent à reconsidérer de façon radicale de leurs façons de voir, d’être et de faire. Il en résultera un renouvellement drastique des compétences requises par les collaborateurs (qui supposent de mettre l’accent sur les soft skills, le reskilling, l’upskilling).
L’engagement collaborateur, au cœur des préoccupations
L’engagement des collaborateurs est parfois associé aussi à la démotivation d’un côté, ou à la « grande démission » de l’autre. Quelle est votre vision sur ce défi majeur des DRH ?
Chez Ayming, nous publions chaque année un baromètre de référence : le Baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement, édité en partenariat avec AG2R LA MONDIALE.
Notre 14e édition révèle la corrélation entre la santé, l’engagement et l’absence. Elle montre également que les critères d’engagement changent depuis la crise sanitaire : l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle se place désormais en 2e position derrière la rémunération/avantages qui reste le 1er critère pour les collaborateurs.
La place du travail évolue depuis plusieurs années dans notre société vers une dimension plus individuelle. Auparavant, le travail incarnait la première préoccupation des salariés, aujourd’hui leur priorité concerne donc les aspects de leur vie personnelle. 24% des actifs affirment que leur travail est “très important”, alors qu’en 1990, 60% des salariés lui accordaient une place “très importante” (étude Ifop, climat social 2021).
Les besoins individuels tendent à prendre le pas sur le collectif. C’est pourquoi les RH et les managers ont à repenser les bases du collectif de travail tout en intégrant cette montée des individualités.
Malgré un niveau d’engagement des salariés globalement en hausse en 2022 (9/10 se déclarent engagés dans leur travail), près d’1 collaborateur sur 2 se dit prêt à changer de situation professionnelle !
Contrairement à nos parents qui rêvaient de rentrer dans une entreprise et d’y réaliser toute leur carrière, les parcours professionnels des collaborateurs sont de moins en moins linéaires et la fidélisation est devenue un enjeu majeur.
L’expérience collaborateur : un enjeu RH clé
Ce concept est très vaste. Comment un service RH peut-il s’en saisir selon vous ?
L’expérience candidat ainsi que l’expérience collaborateur représentent de véritables leviers pour attirer et fidéliser les collaborateurs. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’expérience vécue correspond à un élément différenciant puissant chez les salariés.
Les entreprises qui appliquent une telle stratégie ont : 5 fois plus de chances de retenir les collaborateurs, 2,4 fois plus de chances de satisfaire les clients et 3,7 fois plus de chances de bien s’adapter au changement.
Elle fait donc partie des enjeux RH incontournables pour cette année.
Elle peut être décisive et différenciante. Elle peut également influer sur la marque employeur puisqu’ils la partagent sur les réseaux sociaux ainsi que sur des sites d’évaluation tels que Glassdoor.
J’ai eu l’habitude de parler de « symétrie des attentions » à ce sujet. Lorsque l’entreprise vend un service, elle cherche à savoir comment le client le perçoit et à améliorer son vécu. Aujourd’hui, les organisations doivent digitaliser et faciliter les actes RH, pour rendre l’expérience des salariés simple, agréable et « sans couture ».
Seule la mise en place d’outils digitaux adaptés permet à un service RH de faire tourner une telle dynamique ambitieuse et « industrialisée ».
Pourtant, des actes aussi simples que poser des congés ou réaliser des demandes auprès de son équipe RH ressemblent encore parfois au parcours du combattant.
Comment les collaborateurs perçoivent-ils le système d’information RH ? Les outils digitaux sont-ils faciles à prendre en main ? Les systèmes et les process sont-ils alignés pour répondre à la stratégie de l’entreprise ?
Dans cette démarche ombrelle, très transversale vous l’avez dit, il ne faut pas oublier que c’est le déroulement du travail en lui-même qui porte le gros de l’expérience vécue par un collaborateur dans l’entreprise. C’est pourquoi le manager y tient toute sa place : lorsqu’elle est épanouissante et de qualité comme, malheureusement, dans une « mauvaise expérience ». D’ailleurs, ne dit-on pas, souvent, que « c’est son manager qu’on quitte plutôt que son entreprise ? »
Pourquoi l’innovation digitale RH est-elle un enjeu en 2023 ?
Vous avez retenu l’innovation digitale RH comme un des défis de l’année. Pourquoi ce choix ?
On le sait, les choses évoluent très vite sur les questions du digital. Le digital RH ne fait pas exception à la règle : il se transforme, de gré ou de force je dirais, et se retrouve même au carrefour entre l’humain, la donnée et l’organisation du travail.
On sait aussi que la qualité de l’environnement numérique influence les recommandations des salariés sur leur entreprise.
C’est pour cela que je pense que le SIRH et le développement des outils au sein des entreprises représentent un enjeu RH majeur pour 2023.
Les DRH sont 73% à passer au moins 50% de leur temps sur des tâches administratives selon une étude HR Maps. Ce qui laisse entendre que les organisations ont besoin de logiciels SIRH toujours plus performants, ergonomiques, pour digitaliser et « industrialiser » leurs processus. Et surtout, répondre aux attentes des collaborateurs.
Malheureusement, dans de nombreuses sociétés, si un salarié se pose une question un vendredi en fin de journée, il devra attendre, au mieux, le lundi dans la journée pour obtenir une réponse…
En réalité, nombre d’entre elles réalisent encore manuellement la plupart de leurs actes RH tels que des envois d’attestations, les déclarations des accidents du travail, la saisie des arrêts de travail, le suivi des visites médicales… Pourtant, l’automatisation permettrait de structurer la relation avec le collaborateur, de la même manière qu’elles ont structuré la relation client depuis longtemps.
Si un salarié s’interroge par rapport à un processus RH par exemple, un chatbot pourrait lui permettre de gérer lui-même de nombreuses tâches. Les entreprises possèdent des CRM dédiés à leur clientèle alors ne devraient-elles pas se doter d’un ERM pour gérer les relations avec leurs salariés ?
Ce n’est que le début de l’aventure digitale ! On voit dans certains groupes l’arrivée de l’IA (Intelligence Artificielle) dans les services RH en appui pour la gestion du recrutement, des mobilités internes…
L’automatisation, notamment des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée, correspond donc à un enjeu RH clé pour 2023.
En parallèle, de plus en plus d’organisations prennent conscience de l’importance de la data RH. Depuis longtemps, les entreprises gèrent la data client, elles les connaissent, effectuent des ciblages et du marketing. Avec l’appui de l’IA, les recommandations se font de plus en plus précises, les suggestions de plus en plus pertinentes et personnalisées. Grâce au deep learning et à l’apprentissage par renforcement, ces recommandations s’améliorent encore avec le temps, grâce à l’acquisition d’encore plus de données sur les usages concrets et les choix, ou non, faits par les utilisateurs finaux.
A l’inverse, certains collaborateurs ont l’impression que l’entreprise dans laquelle ils travaillent depuis des années n’est pas en capacité de leur proposer une formation ou une trajectoire de carrière en lien avec ce dont ils ont besoin et en fonction de leurs compétences.
Capitaliser sur la donnée RH permet donc de proposer un meilleur service aux collaborateurs. Et d’ouvrir des spectres d’évolution presque inattendus liés aux compétences intrinsèques et soft skills de la personne.
Comment répondre à ces enjeux ?
Selon vous, quelle peut être la réponse face à ces multiples défis RH ?
Il ne peut pas y avoir une solution. La réponse s’inscrit nécessairement dans la propension, la faculté, à articuler plusieurs niveaux de solutions tout en gardant une stratégie RH globale cohérente et efficace.
Depuis plus de 35 ans, nos consultants Ayming, experts RH pluridisciplinaires, accompagnent les directions des ressources humaines pour faire face à leurs plus grands défis.
Chez Ayming, grâce à notre large base de clients RH en France, nous sommes capables de vous dire quelles sont les tendances et quels sont les outils ou pratiques à découvrir.
Nous proposons à nos clients une offre complète autour de ce que nous appelons la performance RH. Nous accompagnons les DRH sur l’efficience opérationnelle de leur service, sur l’amélioration de leur stratégie RH (pilotage, indicateurs…) tout comme leur digitalisation RH. Pour cela, nous plaçons l’engagement et l’expérience collaborateur au cœur du dispositif.
Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de performance économique durable sans un collectif solide et engagé. Le capital humain est un facteur clé de la performance des organisations et nous aidons nos clients à le valoriser.
Nous coconstruisons à leurs côtés des solutions pour les aider dans leur transformation stratégique, opérationnelle et digitale qui peut s’avérer complexe. Grâce à nos expertises pluridisciplinaires, nous semble capable d’intervenir sur :
- le management des risques professionnels,
- l’expérience et l’engagement collaborateurs,
- le SIRH,
- les pratiques et process de paie,
- l’externalisation RH,
- le développement et la formation professionnelle.
D’ailleurs, la dernière offre d’Ayming sur le secteur du conseil SIRH se nomme L’expérience collaborateur. Elle vise, en quelques semaines, à prendre la température des collaborateurs et des managers qui utilisent les systèmes d’informations RH de l’entreprise. L’objectif est de factualiser la qualité de cette expérience et d’être capable de la restituer aux dirigeants de l’entreprise afin de faire des préconisations d’amélioration.
L’objectif est de l’inscrire au centre de la réflexion SIRH. Croiser le ressenti des RH et celui des collaborateurs sur un même process est toujours intéressant. Parfois ils sont similaires, d’autres fois ce n’est pas le cas. A l’issue de cette mission, nous faisons des recommandations à nos clients en prenant en compte la stratégie globale de l’entreprise. Nous leur présentons également les bonnes pratiques que nous avons détectées ailleurs.
Les missions des DRH sont riches et complexes : soutenir et accompagner la croissance globale de l’entreprise tout en développant les compétences des collaborateurs. C’est aussi l’idée principale de notre leitmotiv : Donnez plus de valeur à vos ressources humaines.