La Confédération générale du travail CGT avait déposé une réclamation le 28 juillet 2017, devant le Comité européen des Droits sociaux, comité d’experts indépendants institué en vertu de l’article 25 de la Charte sociale européenne.
La CGT alléguait que la loi française n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « Travail », permettant des aménagements du temps de travail pour une durée supérieure à une semaine et pouvant aller jusqu’à trois ans est contraire à l’article 4§2 de la Charte, car elle prive les travailleurs de leurs droits à une rémunération équitable et, en particulier, à un taux majoré de rémunération pour les heures supplémentaires.
L’article L.3121-41 (d’ordre public) du code du travail dispose :
« Lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence. Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d’accord collectif et neuf semaines en cas de décision unilatérale de l’employeur. Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1607 heures. Si la période de référence est inférieure ou supérieure à un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence. »
L’article 4§2 de la Charte est rédigé ainsi :
« Article 4 – Droit à une rémunération équitable
Partie I : « Tous les travailleurs ont droit à une rémunération équitable leur assurant, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie satisfaisant. »
Partie II : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à une rémunération équitable, les
Parties s’engagent :
(…)
- à reconnaître le droit des travailleurs à un taux de rémunération majoré pour les heures de
travail supplémentaires, exception faite de certains cas particuliers;
(…) »
Dans sa décision du 18/10/2018 publiée le 15/03/2019 (réclamation n°154/2017 – Confédération générale du travail CGT c/ France), le Comité a décidé que :
- « Une période de référence n’excédant pas douze mois pourrait être acceptable dans des circonstances exceptionnelles sous réserve qu’elle soit justifiée par des motifs objectifs ou techniques ou des raisons tenant à l’organisation du travail. Cependant une période de référence d’une durée supérieure à douze mois et pouvant atteindre trois ans a pour effet de priver les travailleurs du droit à un taux de rémunération majorée pour les heures de travail supplémentaires étant donné que la durée de travail hebdomadaire peut être augmentée durant une longue période sans majoration de la rémunération pour les heures supplémentaires. En pareil cas, l’effort accru des salariés ne serait pas compensé par une majoration de salaire et l’on ne saurait considérer que le temps de repos accordé constitue une compensation adéquate, vu la durée potentielle des heures supplémentaires. Cela pourrait aussi avoir des effets négatifs sur la santé et la sécurité ainsi que sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des salariés.
- En France, en matière d’aménagement du temps de travail, la période de référence peut aller jusqu’à trois ans en cas de convention collective et neuf semaines en cas de décision unilatérale de l’employeur (articles L.3121-41 et L.3121-44 du Code du travail). Par conséquent une période de référence supérieure à un an et pouvant atteindre trois ans pour le calcul de la durée moyenne du travail, telle qu’elle est prévue par le Code du travail, n’est pas raisonnable et est contraire à l’article 4§2 de la Charte. »
Stéphane VACCA
Avocat droit du travail
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