Jeudi 2 juin dernier, se tenait l’Afterwork RH organisé par Elevo en partenariat avec Talentview et Refty. Au programme de cet évènement animé par Christophe PATTE de myRHline, une table ronde : La grande démission : où en est-on en France ? 4 spécialistes des ressources humaines ont pu témoigner et partager leurs conseils autour de ce sujet.
- Stéphanie Baldran Masson, RRH de la DSI de la Banque Postale
- Laurie du Boullay, Head of culture chez Dataiku
- Véronique Soussan, Fondatrice et dirigeante de l’agence les Nouveaux Héritiers
- Vigdis Flaten, Chief People & CSR officer Younited
Qu’est ce que la grande démission ? Sommes-nous impactés en France ? Est-il facile de recruter en France en 2022 ? Les attentes des candidats ont-elles évolué ? Explications.
C’est quoi la grande démission ?
Grande démission : à l’origine un phénomène observé aux États-Unis
Le phénomène social de la grande démission nous vient tout droit des États-Unis. En effet, le pays a enregistré un record en 2021, avec 38 millions de démissions, dont 40% qui n’avaient pas trouvé un autre emploi.
Selon, le bureau des statistiques du travail américain, institut public, en mars le nombre de démission a atteint un sommet de 4,5 millions de démissions. Notons quand même qu’au cours des 12 derniers mois (se terminant à fin mars 2022), les embauches ont totalisé 77,7 millions contre 71,4 millions de départs générant un gain net d’emplois de 6,3 millions.
Assistons-nous à une prise de conscience des Américains suite au Covid-19 ?
Pour Laurie du Boullay, Head of culture chez Dataiku, la grande démission n’a rien de neuf et n’est pas un phénomène si récent.
Si l’on analyse le marché du travail américain au regard des chiffres, le niveau de chômage aux États-Unis est au plus bas et les offres d’emplois sont excédentaires par rapport à la demande. Factuellement les candidats sont donc en position de force pour négocier et donc plus propice à démissionner
Grande démission : buzzword ou réalité ?
Sur les 6 derniers mois, aucune des professionnelles de ressources humaines présentes à la table ronde n’a constaté plus de démission qu’à la normale au sein de leur entreprise :
“Très sensiblement. Notre turnover a toujours été faible. Cependant il nous manque 10 000 emplois dans l’IT.”
Stéphanie Baldran Masson, RRH de la DSI de la Banque Postale
“ Notre turnover est stable. Mais certains de nos métiers sont en tension”
Laurie du Boullay, Head of culture chez Dataiku
“ Nous n’avons pas constaté une hausse des démissions, mais plutôt une évolution du marché du recrutement avec notamment plus de concurrent qui engendre des difficultés à recruter”
Vigdis Flaten, Chief People & CSR officer Younited
Véronique Soussan, fondatrice et dirigeante de l’agence les Nouveaux Héritiers a quant à elle ressenti une plus grande augmentation de l’absentéisme.
Sommes-nous contaminés par la grande démission en France?
457 800 démissions au 4ème trimestre 2021 ? Faut-il s’en inquiéter ?
On remarque une augmentation de plus de 18% entre 2019 et 2021 des démissions en France ( 386 317 démissions au 4ème trimestre 2019).
Au 1er trimestre 2020 : 241 179 démissions sont comptabilisées contre 380 596 au 1er trimestre 2019, donc une baisse des démissions de plus de 36 % entre 2020 et 2019.
Et tout comme aux États-Unis, la France connaît son taux de chômage le plus faible et les projections de recrutement pour 2022 n’ont jamais été aussi élevées. Le Big Quit semble caractériser surtout un rattrapage des chiffres (moins de démissions pendant la crise sanitaire, contre un léger rattrapage en sortie de confinement).
Les candidats français se voient proposer davantage d’opportunités. Cela favorise les démissions et fait également grimper en flèches les ruptures de période d’essai à l’initiative du salariés. On voit même en 2022 de plus en plus de nouveaux salariés, demander à prolonger leur période d’essai.
En dehors de la grande démission : est-il facile de recruter en France ?
Outre les métiers liés à la restauration et l’hôtellerie, d’autres postes sont en tension comme ceux du secteur de la data et des technologies de l’information soulignent Laurie du Boullay de Dataiku et Stéphanie Baldran Masson de la Banque Postale.
Le constat de la grande démission ouvre un nouveau débat : est-il facile aujourd’hui de recruter en France ?
Les obstacles au recrutement n’ont jamais été aussi nombreux : recherche de sens au travail et nouvelles attentes des candidats… Les entreprises doivent redoubler d’efforts pour attirer et fidéliser leurs talents pour éviter qu’ils partent vers d’autres horizons.
Une quête de sens plus affirmé
Les candidats sont de plus en plus à la recherche d’un travail ayant un réel impact dans la société. La recherche de sens dans leur poste n’a jamais été aussi forte.
“Aujourd’hui les candidats demandent de plus en plus en entretien, le type de mission que vous proposez et à quoi l’entreprise sert dans la société.”
Vigdis Flaten, Chief People & CSR officer Younited
“Les jeunes générations vont être plus attentives à toutes les valeurs de l’entreprise. Ils vont nous challenger là-dessus.”
Stéphanie Baldran Masson, RRH de la DSI de la Banque Postale
Recherche de transparence et honnêteté
Les candidats deviennent de plus en plus intransigeants sur la transparence et l’honnêteté de leur employeur. Tout comme la place de l’entreprise dans la société, ces critères sont essentiels aux yeux des candidats.
“J’ai remarqué qu’aujourd’hui les discussions lors des entretiens sont plus approfondies et beaucoup plus transparentes. Elles dépassent la simple plaquette sur le site avec les valeurs de l’entreprise.”
Laurie du Boullay, Head of culture chez Dataiku
Une envie de flexibilité dans l’organisation du travail
La flexibilité est l’une des nouvelles attentes post-covid des candidats. Après la mise en place obligatoire du télétravail lors de la pandémie, la majorité des collaborateurs veulent garder les bonnes habitudes qu’ils avaient pris à cette période.
Certains collaborateurs souhaitent une flexibilité absolue là où d’autres peuvent se contenter de 1 ou de 2 jours de télétravail par mois.
Les entreprises se doivent d’être de plus en plus attentives à ces nouvelles attentes qui permettent un meilleure équilibre vie professionnelle vie personnelle et de ce fait améliorer la qualité de vie au travail.
Comment attirer et fidéliser de nouveaux talents ?
La réelle problématique 2022 n’est pas la grande démission mais plutôt de réussir à attirer et fidéliser de nouveaux talents. Problématique d’autant plus compliqué lorsque l’on sait que les nouvelles générations ne souhaitent plus faire carrière dans 1 seule entreprise. Les parcours de carrière ne sont plus construits pareil. Aujourd’hui 1 jeune employé changera 3 à 4 fois d’employeur voir de poste au cours de sa vie professionnelle.
“Auparavant les candidats venaient pour faire carrière dans un grand groupe, aujourd’hui ils intègrent la Banque Postale pour apprendre et plus principalement pour réaliser des projets et missions et ainsi vivre une belle expérience.”
Stéphanie Baldran Masson, RRH de la DSI de la Banque Postale
Alors comment attirer et fidéliser les nouveaux talents en 2022 ?
Le recruteur : un commercial en puissance ?
Pour contourner ses problématiques il est important pour un recruteur de savoir se vendre. Les candidats sont à l’image des consommateurs d’aujourd’hui. Les offres d’emplois sont nombreuses et se ressemblent toutes. Il est important de diversifier votre offre en la rendant unique et en créant un véritable storytelling.
“C’est à nous, professionnels des ressources humaines et recruteurs de vendre ce qu’on offre aux collaborateurs”
Vigdis Flaten, Chief People & CSR officer Younited
Attention tout de même à ne pas survendre votre entreprise. Les candidats verront forcément la vérité à un moment donné. En débutant votre relation collaborateur-employeur avec de la transparence et de l’honnêteté, vous mettez les chances de votre côté.
Les recruteurs doivent changer de posture
Pour Véronique Soussan, fondatrice et dirigeante de l’agence les Nouveaux Héritiers, il est important que les recruteurs comprennent qu’il faut à tout prix changer de posture lors de l’entretien. Le recruteur ne doit plus se positionner comme un sachant. L’entretien d’embauche est avant tout une rencontre humaine qui se doit d’être authentique.
L’entretien donne une chance au recruteur de mieux comprendre la manière de fonctionner du futur employé.
“Plus que la posture du recruteur en entretien, le processus entier de recrutement doit évoluer.”
Véronique Soussan, Fondatrice et dirigeante de l’agence les Nouveaux Héritiers
Et la mobilité interne ?
Afin de fidéliser leurs talents au sein de leur organisation, Stéphanie Baldran Masson, RRH de la DSI de la Banque Postale et Laurie du Boullay, Head of culture chez Dataiku proposent une mobilité interne drastique.
La Banque Postale a notamment proposé à ses facteurs ayant des appétences dans le domaine de l’informatique de suivre des formations afin de devenir développeur.
“La mobilité interne drastique est possible si vous l’avez mis en place dès le début. Elle permet au collaborateur de changer de poste tout en gardant son cadre de travail.”
Laurie du Boullay, Head of culture chez Dataiku
Stéphanie Baldran Masson souligne tout de même qu’il reste un travail à faire sur la ligne managériale. Les managers doivent comprendre que :
“Le collaborateur ne leur appartient pas mais à eux de le faire évoluer et grandir“
Les entreprises payent t-elles un défaut de marque employeur ?
Toutes les entreprises sont sur les mêmes supports digitaux : LinkedIn, Welcome to the Jungle, Glassdoor, …. et se réclament toutes porte parole des sujets de QVCT, de RSE ou encore de Diversité. Pourtant la plupart n’ont pas réellement d’identité.
Avant de communiquer sur sa marque employeur il est nécessaire de suivre ses étapes :
- Savoir qui on est : se questionner sur sa raison d’être / quelles sont les valeurs de l’entreprise.
- Être sur les plateformes qui pourraient parler de votre entreprise et être à l’écoute de celle-ci.
- Trouver votre différence : ce qui vous rend unique auprès des candidats.
Ne négligez pas la communauté interne, ils sont vos meilleurs ambassadeurs.
“Nos meilleurs représentants sont nos collaborateurs. “
Vigdis Flaten, Chief People & CSR officer Younited
Il existe encore un décalage entre les écoles qui forment les futurs professionnels de ressources humaines et les réalités du terrain. Le monde de l’entreprise évolue aussi vite que les métiers, la fonction des ressources humaines se doit d’accompagner cette transformation. La fonction des ressources humaines ne doit plus être vue comme une option mais plutôt comme une fonction stratégique.
Margaux Fusilier