L’entreprise moka.care développe pour les professionnels des ressources humaines des solutions de prévention des risques psychosociaux en entreprise. Et si la santé mentale au travail faisait partie des principaux enjeux RH en entreprise ? Car elle est bel et bien au coeur des défis liés à la QVCT.
Quel est le rôle du manager et des professionnels des ressources humaines dans la prévention des risques psychosociaux ? Quelles mesures, quelles actions promouvoir au sein des équipes pour favoriser l’équilibre psychologique des salariés ?
Pour le savoir, nous avons interviewé les deux cofondateurs de moka.care : Pierre-Etienne Bidon et Guillaume d’Ayguesvives.
Zoom sur la solution moka.care
Les 3 piliers d’accompagnement
« Notre rôle, c’est vraiment d’accompagner les entreprises pour prendre soin de la santé mentale des salariés », explique Guillaume. Pour ce faire, moka.care propose un accompagnement basé sur 3 piliers.
- Premier pilier : proposer aux collaborateurs un accès à des sessions avec des praticiens aux approches variées (psychologues, coachs, etc.)
- Deuxième pilier : donner la possibilité de se former avec des sessions collectives sur un certain nombre de thématiques (gestion du stress, gestion des conflits, communication non-violente, etc.)
- Troisième pilier : l’accès à une application de self care où l’on peut trouver beaucoup de contenu pour se former, à son rythme, via plusieurs formats (vidéos, méditations, cohérence cardiaque…)
Les professionnels des ressources humaines peuvent suivre tous ces éléments et l’impact que cela peut avoir sur les équipes via un dashboard RH. Naturellement, tout est anonymisé. Le but est d’observer quelles thématiques ressortent plus que les autres, observer d’éventuels signaux faibles, d’éventuels risques liés par exemple au stress. Mais il s’agit aussi de se faire une idée de l’usage de la solution.
Pour moka.care, la prévention est une priorité
Avec moka.care, il s’agirait de fournir aux RH et aux entreprises un accompagnement sur 3 niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire.
La prévention primaire, c’est le volet repérage. C’est l’identification des risques et l’adoption d’une posture qui permet de sécuriser les employés.
« Et ça, ça se fait avec de l’identification, notamment les dashboard mais aussi avec de la sensibilisation plus globale, grâce même avec l’outil Félix ou aussi avec des conférences par exemple. On peut aussi faire chez les entreprises certaines actions collectives et plus globalement impliquer les managers », rappelle Pierre-Etienne.
La prévention secondaire, c’est de l’outillage, de la formation, permettant d’équiper les salariés à traverser les moments éprouvants moins difficilement. Ce volet implique aussi l’accompagnement avec des psys, des coachs, des thérapeutes et l’accompagnement au quotidien (ex : sessions individuelles ou collectives).
Sur la prévention tertiaire, il s’agit d’accompagner directement les RH et les salariés de façon individuelle lorsqu’il y a besoin sur des crises. Ce type de prévention intervient en dernier recours, ainsi que l’explique Guillaume.
Le rôle des managers dans la santé mentale des salariés
La position atypique du manager
Selon un rapport Gallup, 50 % des employés démissionnent non pas à cause de leur mission, de leur salaire, mais en raison de leur relation avec leur supérieur hiérarchique. Un chiffre qui témoigne de l’importance du rôle du manager dans le bien-être des salariés et dans la rétention des talents par ailleurs.
En outre, une très récente étude menée à l’échelle mondiale (Mental Health at Work: Managers and Money) démontre que les managers auraient même un rôle aussi important que les conjoints dans la santé mentale d’un individu.
Guillaume, de moka.care, explique qu’il y a donc un véritable enjeu en matière de formation et de sensibilisation des managers. Une problématique d’autant plus délicate que ces derniers sont très à risque sur des phénomènes de burn out et de stress en entreprise et qu’ils doivent pouvoir faire le relai entre les enjeux buisness de la hiérarchie tout en allant prendre le pouls émotionnel des équipes.
« Et finalement, il y a beaucoup de gens qui deviennent managers sans être formés et être accompagnés sur ce rôle alors que ça demande quand même des compétences spécifiques », explique Guillaume, le cofondateur de moka.care.
Toutefois, rappelons qu’évidemment, le rôle du manager dans la santé mentale des collaborateurs a ses limites : c’est aussi une affaire d’équipe. D’où l’importance de former aussi l’ensemble des collaborateurs. Et les managers ne devraient pas hésiter à faire appel aux professionnels des RH lorsqu’il y a des signaux faibles de mal-être dans l’entreprise. En faisant appel à d’autres parties prenantes, les managers ne sont plus les seuls garants.
Communication, sensibilisation et formation chez moka.care
Pierre-Etienne insiste sur l’importance de la communication entre le manager et son équipe, qui doit pouvoir échanger régulièrement avec cette dernière. Concrètement, cela passe d’abord par la définition claire des objectifs, des attentes, ce qui évite un stress inutile à tout le monde car tout le monde sait où il va. Ensuite, il faut pouvoir « accepter d’être vulnérable », indique Pierre-Etienne. Et cela fonctionne dans un sens comme dans l’autre.
Le but est de créer de la proximité et de l’empathie avec les équipes et de lutter contre « le syndrome de l’imposteur parce que les collaborateurs voient que le manager fait un pas dans la même position qu’eux et ça dédramatise aussi le fait de ne pas avoir la réponse à tout ». Ensuite, la solution souhaite insister sur l’importance de la célébration – non pas seulement des réussites, mais aussi des étapes intermédiaires dans le processus d’accomplissement d’un travail.
Par ailleurs, l’entreprise met un point d’honneur au respect de l’équilibre vie professionnelle vie personnelle : il s’agit d’améliorer le work-life balance. Mais il s’agit aussi de respecter le droit à la déconnexion. D’autant qu’on le sait, avec l’émergence des nouveaux modes de travail, cet équilibre devient de plus en plus poreux. Le droit à la déconnexion en télétravail en est un bon exemple. Mais les managers ont un rôle d’exemplarité à avoir en ce sens.
Enfin, la formation fait partie des fondamentaux des actions de moka.care. La solution part du principe que pour être un bon leader, il s’agit d’abord de se former soi-même, d’être « le mieux soi-même dans sa tête pour pouvoir justement accueillir les besoins des équipes et leur répondre ». Et là encore, il s’agit aussi de se former à la communication – notamment à la « communication non-violente ».
L’un des moyens pour bien communiquer, notamment entre manager et collaborateur, c’est d’utiliser la communication non-violente qui part du principe simple qu’il est important de connaître ses besoins et ses émotions pour mieux communiquer. Quand on ne s’écoute pas soi-même, on a beaucoup plus tendance à provoquer des conflits. Un autre aspect central de cette technique est de ne pas prêter d’intention aux autres et de ne pas se placer dans une position de jugement. On peut par exemple utiliser le modèle OSBD : observation – sentiment – besoin – demande. Voici ce que cela peut donner en pratique : Ce matin tu ne m’as pas demandé mon avis pendant la réunion, et je me suis senti mis à l’écart. J’ai besoin d’être entendu pour être épanoui au sein de l’équipe. Pourrais-tu t’assurer de faire un tour de table complet lors des prochaines réunions ?
L’importance de la formation
La formation en entreprise est-elle une notion problématique ?
L’enjeu même de la formation pose un certain nombre de difficultés selon Guillaume. Les formations permettraient rarement de toucher absolument tout le monde et de correspondre systématiquement à la réalité du travail ou d’encourager les interactions, même avec le e-learning.
Une étude de Josh Bersin pour Deloitte a révélé que les employés ne pouvaient consacrer que 1 % de leur temps hebdomadaire à la formation. Ce qui équivaut à seulement 24 minutes par semaine de 39-40 heures. Et c’est très peu. « Et pourtant, les salariés se forment avec des moyens dits informels (…) », indique Pierre-Etienne. (Ex : regarder un tuto YouTube pour un savoir-faire spécifique, etc.)
Zoom sur Félix, l’application moka.care
« Et du coup, face à ce constat là, qui est le phénomène de Learning in the Flow of Work, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire sur le sujet de la santé mentale, et notamment la formation des managers sur ces enjeux-là. Et on a développé tout récemment une formation intitulée Félix (…) », expliquent nos interviewés.
La formation Félix développée par moka.care fonctionne aussi bien sur Slack que sur Microsoft. Le but : partager avec ses collègues, donner des conseils sur des thématiques différentes liées à la santé mentale.
On a un parcours tout collaborateur et un parcours spécialisé sur les managers avec notamment des modules plutôt centrés sur le repérage, la détection du mal-être chez un collaborateur, d’autres qui seront plutôt centrés sur de l’outillage, avec la communication non-violente, l’écoute active (…) Et puis on a aussi des modules qui vont permettre d’adresser le volet ‘prévention tertiaire’, notamment sur le harcèlement.
- En savoir plus sur moka.care
Guillaume d’Ayguesvives et Pierre-Etienne Bidon, confondateurs de moka.care
L’entreprise s’est lancée en 2020, juste avant la survenue de la crise sanitaire. Les deux co-fondateurs venant du monde du conseil où, justement, ils ont pu voir toute la difficulté de certains métiers avec des équipes dans lesquelles il y a eu des burnout. Désormais, l’entreprise compte plus de 70 collaborateurs.
En 2022, moka.care a réalisé une enquête auprès de ses membres et 74 % d’entre eux se sentiraient moins stressés dans leur vie professionnelle depuis qu’ils utilisent la solution. Guillaume nous rappelle également qu’il y a une diminution du risque de burnout de 32 % pour les employés ayant suivi plus de 4 sessions avec des praticiens moka.
Selon nos intervenants, l’organisation a aussi à coeur de déconstruire le tabou autour de la santé mentale. Mais il s’agit aussi de mettre en avant les aspects positifs de la santé mentale, au delà des problématiques de harcèlement (se connaître mieux soi-même, apprendre à dire non, communiquer de façon assertive, etc. Ce qui, au passage, contribue au développement des soft skills).
- Pour aller plus loin : Santé mentale des employés : est-ce vraiment le rôle des entreprises ?
La solution a mené en 2022 une étude avec JobTeaser sur la santé mentale des jeunes actifs. Cette dernière révèle que 88 % d’entre eux – sur un panel de plus de 1 000 répondants – disaient attendre que les entreprises jouent un rôle à cet égard. La santé mentale, c’est d’ailleurs un volet incontournable en termes de marque employeur. Mais d’abord, c’est toute une culture d’entreprise qui se trouve transformée en interne, avec la nécessité de pouvoir s’adapter au changement.