A l’heure où l’engagement des collaborateurs est mis à mal et où et les démissions affectent les entreprises, la rétention des talents est devenu un véritable défi, encore plus depuis la crise sanitaire. Les collaborateurs en quête de sens n’ont pas de perspectives d’évolution de carrière et saturent. Ils se désengagent.
Alors comment re créer de l’engagement chez ces collaborateurs et favoriser la rétention de talents dans un tel contexte ? C’est tout l’objet de cette Matinale du 6 octobre 2022 qui a réuni, à Paris, plus de 70 professionnels et experts de la fonction RH.
Engagement collaborateur et mobilité interne : où en est-on ?
Les principaux freins de l’engagement collaborateur
Selon le baromètre RH de la mobilité interne en entreprise établi par myRHline en partenariat avec Elevo et Cornestone, 53 % des entreprises déclarent aujourd’hui bénéficier d’un processus de mobilité interne, soit 5 % de plus qu’en 2017. Ce qui laisse à penser que les entreprises se saisissent de l’importance de faire évoluer les compétences de leurs employés pour favoriser leur épanouissement et leur engagement.
Parmi les entreprises qui disposent du processus, 56 % d’entre elles considèrent que la mobilité interne (ou l’évolution de carrière d’un salarié) est plus performante que le recrutement externe.
Et pourtant…
De nombreuses entreprises ne disposent pas d’un référentiel de compétences pour leurs salariés : c’est le cas de 4 entreprises sur 10. Et lorsqu’elles en disposent, ces référentiels ne sont à jour que pour 9 % des entreprises françaises.
Si moins de 10 % des entreprises disposent d’un référentiel de compétence à jour, c’est peut-être parce que cet exercice est très complexe à réaliser pour la fonction RH ou non adapté
En cause : le manque de temps, d’outils ou encore de méthodologie au sein des entreprises.
Par ailleurs, on rencontre trois obstacles majeurs à l’engagement des collaborateurs via la mobilité interne :
- des managers qui ne joueraient pas le jeu (69 %) ;
- la culture d’entreprise (31 %) ;
- le manque de proactivité des salariés dans leur carrière (23 %).
Dans 60 % des cas, c’est précisément le salarié qui se déclare candidat à un nouveau type de poste contre 40 % à l’initiative des RH et des N+1. La volonté des collaborateurs en matière d’évolution de carrière est donc bien au rendez-vous.
Engagement collaborateur : la rétention des talents mise à mal
Le développement des compétences censé favoriser l’engagement des collaborateurs est d’autant plus en difficulté que selon la DARES, en France, au deuxième trimestre 2022, les fins de période d’essai ont augmenté de 28 % par rapport à 2021. “Ce qui signifie que même lorsqu’on a des candidats, près de 30 % d’entre eux ne restent pas dans l’entreprise”, déclare Noëlie Baron, Head of Customer Success chez Assessfirst.
Difficile de développer les compétences de nos collaborateurs et donc leur engagement s’ils ne restent pas suffisamment longtemps dans l’entreprise.
Par ailleurs, Marine Baranes, Coach en communication et Olivier Lagrée, Directeur de la stratégie de gestion des talents chez Cornerstone, rappellent tous deux que depuis la pandémie, les employés ont d’autant plus besoin de reconsidérer leur socle de compétence et de (re)donner du sens à ce qu’ils font. L’enjeu est donc de fidéliser les salariés déjà en poste et leur permettre d’évoluer pour favoriser leur engagement.
Comment (ré) engager les salariés en 2022 ?
Mettez en place un processus de mobilité interne
La mise en œuvre d’un processus de mobilité interne permet d’offrir aux employés des chemins de carrières et de mieux répondre aux besoins et enjeux de l’entreprise. Il s’agit de capitaliser sur les connaissances d’un employé et anticiper son évolution professionnelle : on peut par exemple se dire que d’ici un an, on va l’amener vers un autre type de poste. Pour favoriser l’engagement des collaborateurs, il faut leur offrir un job dans lequel ils pourront s’épanouir parce qu’ils continueront à apprendre et enrichir leur CV.
La mobilité interne donne envie au salarié de rester, elle le valorise. Et elle rassure même les candidats potentiels (ce qui contribue à solidifier votre marque employeur). De même, elle permet de pérenniser le socle des compétences de votre société. Dans le contexte actuel, il s’agit d’une véritable stratégie de rétention des talents.
Devant un management frileux à cet égard, ill faudrait peut-être “contraindre les managers à adopter ce type de processus, même si cela ne passe pas nécessairement en douceur au départ, jusqu’à ce que cela devienne la norme”, intervient Christophe Patte.
Il s’agit de dire : “A partir de maintenant, on va mettre en place un processus de mobilité interne qui va nous permettre de pérenniser, au lieu de voir partir nos talents au bout de 2 ou 3 ans.” Évidemment, il faut revoir toute la culture d’entreprise en impliquant la direction générale, en alignant le management, en communiquant davantage en interne.
Rétablissez la communication interne avec vos collaborateurs
Selon Marine Baranes, nous sommes conditionnés depuis l’enfance à pointer du doigt ce qui ne va pas chez quelqu’un plutôt que l’inverse. “Et le milieu professionnel n’échappe pas à cette règle”, déclare Marine en prenant notamment l’exemple d’un manager mécontent du travail d’un salarié : “J’en ai marre de récupérer toujours tes erreurs, depuis le temps que tu es là”. Or, on sait aujourd’hui que cela ne résout rien, au contraire. Cela va favoriser un cercle vicieux lié au désengagement d’un salarié qui peut conduire au burn out, à des phénomènes de démission silencieuse (ou quiet quitting), de turn over, etc.
Pour pallier ce défaut de communication, Arnaud Bochurberg a développé une méthode pour nous apprendre à communiquer sur la solution plutôt que sur le problème.
La communication solutionnelle permettrait d’instaurer une relation bienveillante avec l’employé, en utilisant l’implication de l’autre afin de trouver la solution au problème ensemble et favoriser l’apparition d’un cercle vertueux : la baisse des conflits amènera une meilleure ambiance, plus de motivation au travail, et la motivation favorisera l’implication du salarié. Cette dernière viendra booster la cohésion d’équipe, puis une prise d’initiatives avec plus de créativité/productivité, jusqu’à une baisse de l’absentéisme avec un (ré) engagement du collaborateur et une diminution du turn over. Loin d’être une baguette magique, cette approche doit néanmoins être privilégiée au sein des entreprises car tout le monde y gagne.
Eve-Marie Plantecoste d’Elevo nous rappelle que 59 % des salariés quittent une organisation pour des problèmes de management selon une étude Elevo de 2021. Pour elle, “La solution réside dans les pratiques de management que vous mettez en place” et les entretiens annuels sont aussi l’occasion de favoriser la communication interne via des échanges constructifs entre collaborateurs et managers.
La force du collectif au service du (ré) engagement du collaborateur ?
Vers une remise en question collective en faveur de l’engagement des collaborateurs ?
Selon Olivier Lagrée, il est important de mesurer l’impact de la défiance employeur/employé sur l’envie d’apprendre et de se développer. Il rappelle que selon une étude Cornestone, 58 % seulement des salariés ont confiance dans leur entreprise pour développer leurs compétences pour l’avenir, tandis que 90 % des dirigeants sont confiants à cet égard.
Selon lui, “Nous devons recréer une expérience employé irrésistible et faire du développement professionnel un levier clef de réengagement.”
Pour favoriser l’engagement du collaborateur, il s’agit alors de favoriser l’apprentissage collectif, provoquer des rencontres dites “apprenantes” et avoir conscience de ses bénéfices : 2,2 fois plus de chances de dépasser nos objectifs financiers, augmenter le sentiment d’appartenance de l’employé à l’entreprise, etc.
“On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres” – Philippe Carré
Guillaume Corp, Directeur commercial de Beedeez, souligne que 28 % des sociétés ont utilisé l’apprentissage social pour former leurs employés et encourager la collaboration en 2021. Par ailleurs, “75 % des connaissances que les employés acquièrent sur leur lieu de travail se font grâce à l’apprentissage social et non par la formation.”, intervient Guillaume.
Selon lui, les méthodes classiques de formation inspirées de la classe simultanée du XVIIè siècle sont moins performantes que les exercices concrets. Elles ne favorisent pas l’engagement des collaborateurs. Il faudrait opter pour des “classes mutuelles” (concept développé par V. Faillet).
Mais en quoi consiste ces classes mutuelles ? Concrètement :
“Plutôt que de faire passer des infos sur des slides et voir leurs résultats, on a décidé d’expliquer ce qu’on veut à son équipe et on monte des ateliers. L’idée est de s’appuyer sur un collectif, des leaders au sein de l’entreprise et faire monter en compétences ceux qui sont moins expérimentés.” Guillaume Corp
Cette méthode permettrait une progression plus rapide des collaborateurs et donc leur engagement. D’ailleurs, selon une étude myRHline et Beedeez, 55 % des entreprises considèrent que le salarié est un formateur en puissance. Ce qui est inquiétant, selon Guillaume Corp, ce sont les 45 % restants qui pensent que les employés n’ont rien à apporter à la formation, car c’est faux. 86 % des collaborateurs estiment développer leur apprentissage grâce aux autres employés de l’entreprise.
Pour ce qui est des candidats, projetez-les dans votre entreprise en leur offrant une expérience unique via des tests psychométriques complémentaires à l’entretien. Il s’agira ensuite de faciliter leur onboarding de manière collective et de les aider à développer leurs compétences afin de favoriser leur engagement et les maintenir en poste.
Angèle Linares