Parmi les tendances RH actuelles, un concept fait de plus en plus parler de lui : le job crafting. Il faut dire qu’il trouve toute sa place dans un contexte où les enjeux de plaisir au travail, d’épanouissement professionnel et, plus largement, de la QVCT sont au cœur des préoccupations.
D’accord, mais le job crafting, c’est quoi ? Que font les « job crafters » ? Quels sont les impacts de cette pratique sur le quotidien de l’individu ? Sur les performances de l’employeur ? Et d’ailleurs comment le développer au sein d’une entreprise ? L’éclairage de MyRHline dans cet article.
Job crafting : la définition
Le job crafting désigne la démarche de personnalisation du poste de travail faite par un salarié. C’est-à-dire qu’il mène, à son initiative, des actions individuelles pour structurer et adapter son activité professionnelle.
En somme, il élabore lui-même la façon dont il va :
- réaliser les tâches qui lui sont assignées ;
- mettre en œuvre ses compétences ;
- organiser son temps ;
- percevoir son emploi ;
- établir des relations interpersonnelles, etc.
Il s’agit en quelque sorte de créer sa propre routine professionnelle. Ceci dans le but de donner du sens au travail, de le rendre plus attractif. Et, par conséquent, d’améliorer son environnement professionnel.
Derrière le terme de « travail fait main », le concept de job crafting traduit une réalité RH : la capacité des individus à innover pour exercer leurs fonctions suivant des méthodes, réflexes, habitudes, appétences différents. Et ce, en allant au-delà des contours, parfois étriqués, de la sacro-sainte fiche de poste.
Façonnage de l’emploi : un concept, deux approches
S’il est encore peu identifié, le processus n’a rien de nouveau. Car bon nombre de salariés le pratiquent déjà — et depuis longtemps — sans le savoir. Comprenez donc que son existence au sein des entreprises n’obéit à aucune règle.
Pourtant, si faire du job crafting s’apparente aux pratiques informelles, cette démarche proactive des salariés a déjà fait l’objet de nombreuses recherches. De celles-ci émergent deux modèles de conceptualisation majeurs.
Le modèle d’Amy Wrzesniewski et Jane E. Dutton
Selon l’étude menée par les chercheuses américaines pour l’université du Michigan, trois leviers permettent d’agir pour faire du job crafting. Il s’agit notamment des changements apportés aux tâches, de la perception cognitive et des relations sociales.
Task Crafter : la modification des tâches
À ce premier niveau, le salarié élabore les nouveaux contours des missions qu’il doit accomplir au sein de l’entreprise. Nature, volume, fréquence, temps consacré… La modification des tâches lui permet de personnaliser ses méthodes de travail et/ou son organisation professionnelle.
Perception Crafter : changer le regard cognitif sur son métier
Deuxième levier du job crafting : les salariés changent la vision qu’ils ont de leurs missions pour les rendre plus agréables. Parfois, il peut même s’agir de poser un nouveau regard sur le rôle qu’ils occupent au sein de l’organisation.
Concrètement, cela revient à dépasser la finalité des tâches à l’échelle individuelle. Afin de les appréhender avec plus de hauteur. Et, de ce fait, donner du sens à leur utilité de manière plus globale.
Network Crafter : les relations socioprofessionnelles
Le dernier point concerne l’aspect relationnel. Pour se sentir mieux dans leur job, les employés changent la manière dont ils vont interagir avec les autres : collègues, management, clients.
Le modèle exigences-ressources appliqué au job crafting
Des chercheurs en psychologie du travail ont établi un parallèle entre la pratique du job crafting et la perspective de Demerouti (JD-R Model).
Pour faire simple, le travail « fait main » des collaborateurs vise à instaurer l’équilibre entre les exigences et les ressources de leur environnement professionnel. Dans cette approche, on parle toujours d’une mise en adéquation d’une personne avec le poste qu’elle occupe.
Mais, selon les théories les plus récentes, grâce à d’autres leviers :
- la recherche de ressources structurelles (latitude dans les actions, formation…) ;
- la recherche de ressources sociales (feedback, soutien des pairs…) ;
- le besoin de challenge ;
- l’optimisation des exigences (recherche de solutions, évolution des procédures…) ou la réduction des contraintes (baisse de la charge de travail, par exemple).
Il y a cependant des divergences sur ce tout dernier point. Car la réduction des contraintes aurait des effets négatifs et tendrait donc à s’éloigner du concept de job crafting.
Quels sont les bénéfices du job crafting ?
En prenant un peu de hauteur, on s’aperçoit que le job crafting s’apparente au concept de design d’emploi connu du côté des employeurs et des RH.
À la différence, toutefois, que cette façon d’appréhender le quotidien professionnel reste à la main du personnel qui s’engage dans des comportements proactifs visant la quête de sens. Nous reviendrons d’ailleurs sur cet aspect un peu plus loin.
Mais concrètement, quels sont les bienfaits pour les employés et leurs employeurs ? Voici quelques exemples.
Le remodèlement du poste, vecteur d’engagement collaborateur et de satisfaction
Le crafter est un membre de l’équipe qui s’investit et s’implique pour performer, à sa façon. Que ce soit lors de l’onboarding ou dans le cadre de changements au sein de l’entreprise, celui-ci vise l’efficacité conjuguée au bien-être au travail en cherchant des solutions qui lui correspondent.
Ce comportement permet à l’employé de s’approprier pleinement ses fonctions. Dans un contexte positif et stimulant qu’il a lui-même défini, il est alors naturellement plus épanoui. Mais aussi plus engagé et satisfait de son environnement professionnel.
Ce qui tend à réduire l’envie d’aller voir ailleurs et, par ricochet, le turnover.
Les crafters développent de nouvelles compétences
Gestion du temps. Intelligence émotionnelle. Créativité. Maîtrise d’un nouvel outil. Expérimentation de méthodes de travail. Des soft skills aux qualifications les plus communes, cet « artisanat » s’inscrit finalement dans un processus d’auto-apprentissage continu et d’évolution. Cela contribue à développer les connaissances et compétences de ceux qui le pratiquent. Et à dynamiser la compétence à l’échelle de l’entreprise.
La réduction des problématiques de santé au travail
À travers cette démarche, les employés construisent les conditions dans lesquelles ils prennent plaisir à travailler. Mécaniquement, ils sont alors plus heureux, plus épanouis et moins stressés par leur vie professionnelle.
Les effets du job crafting sur la santé psychologique sont donc positifs et viennent gommer certains maux du travail comme l’ennui ou l’épuisement professionnel.
Comment développer le job crafting en entreprise ?
Nous l’avons vu un peu plus haut : le job crafting est surtout une pratique qui relève de l’initiative des salariés. Ce serait donc une erreur de croire qu’il s’agit d’une méthode de management que l’on peut imposer.
En revanche, rien n’empêche l’employeur de créer un climat propice au développement du job crafting. Pour cela, il dispose de plusieurs leviers comme :
- promouvoir les comportements autonomes ;
- privilégier les relations de confiance entre manager(s) et collaborateur(s) ;
- s’appuyer sur le social learning pour diffuser les pratiques entre collègues ;
- cultiver le droit à l’erreur ;
- instaurer des process pour la prise en compte des feedback, etc.
Par ailleurs, la hiérarchie a aussi la possibilité de mettre en place un dispositif d’accompagnement. Dans ce cas, il ne s’agit pas vraiment de manager, mais plutôt de sensibiliser les équipes sur leur capacité à être actrices de leur plaisir au travail.
Exemple d’un atelier formation autour du job crafting
La plupart de ces dispositifs dits interventionnels sont basés, puis adaptés, du Michigan Job Crafting Exercice. En général, ceux-ci comportent plusieurs étapes.
- Étape 1 : Réaliser des entretiens pour faire un état des lieux afin d’obtenir une vision élargie des motivations et contraintes rencontrées par chaque personne.
- Étape 2 : Organiser un moment d’échange collectif (workshop, session brainstorming). L’enjeu est alors d’identifier les situations de travail problématiques pour chacun et de faire émerger des pistes de solution.
- Étape 3 : Induire les comportements du job crafting par la mise en pratique des idées d’adaptation sur une période donnée.
- Étape 4 : Retour et partage des expériences.
Le job crafting au service de la QVCT
Plus que de redessiner les contours de la fiche de poste, le job crafting consiste à réinventer son travail. Informel et spontané, ce processus repose principalement sur l’inclination naturelle des collaborateurs pour la prise d’initiatives, l’autonomie et (dans une certaine mesure) la polyvalence.
Associé à plusieurs effets positifs sur la vie en entreprise (vecteur d’engagement collaborateur, de satisfaction, de bien-être et de motivation au travail), il échappe toutefois à l’influence managériale.
Faute de pouvoir l’imposer de façon formelle, qui ne servirait qu’à le dénaturer, les organisations doivent s’emparer de ce sujet lié à la QVCT. Car mettre en œuvre les moyens nécessaires à la démocratisation du job crafting est aussi synonyme de l’avènement d’un nouveau levier de performance collective.