Recrutement, formation, marque employeur… Depuis plusieurs mois, l’intelligence artificielle (IA) est omniprésente dans l’univers des ressources humaines. Initialement appréhendée comme un simple outil d’automatisation, l’IA s’inscrit en réalité comme un levier d’optimisation des processus RH et d’efficacité organisationnelle.
Au cœur des enjeux RH, l’IA influence ainsi la manière dont les entreprises recrutent, développent et fidélisent leurs talents. Toutefois, si elle suscite un intérêt croissant pour sa capacité à transformer la fonction RH, l’IA soulève aussi des interrogations. En particulier sur les défis éthiques et les risques liés à son utilisation.
Efficacité RH : comment l’intelligence artificielle change la donne
L’IA, nouveau bras droit des ressources humaines
Ce n’est plus un secret pour personne : l’automatisation des tâches administratives constitue l’un des principaux avantages de l’IA pour la sphère RH. La technologie permettant, entre autres, de traiter les opérations récurrentes et chronophages.
Congés, paie, contrat, données du personnel, formation, etc. Des tâches qui constituent une part importante du travail quotidien des RH. Mais qui, d’autre part, monopolisent leur temps, au détriment d’autres missions.
Or, grâce à l’IA, ces processus répétitifs peuvent désormais être automatisés. En ce sens, des systèmes d’IA peuvent, par exemple, générer automatiquement des contrats en fonction de renseignements prédéfinis. Tout comme ils peuvent gérer les demandes de congés en temps réel.
Ainsi, la technologie permet à la fois de réduire les erreurs humaines et d’accélérer les procédures. Tout en permettant aux professionnels RH de se libérer du temps au profit de missions à plus forte valeur ajoutée : celles centrées sur l’humain.
De la data RH à la prise de décision
Au-delà de l’automatisation, l’IA joue également un rôle dans l’analyse des données RH. Sous sa forme générative, l’intelligence artificielle ne sert pas uniquement à créer du contenu.
En effet, elle est en mesure de traiter et d’analyser une très grande quantité d’informations. Ceci en dépassant de (très) loin ce que les humains peuvent réaliser eux-mêmes manuellement.
Une capacité de traitement qui constitue un atout considérable pour la performance RH. Pourtant, elle reste, à ce jour, encore peu exploitée par les ressources humaines. Un paradoxe alors même que les professionnels RH ont bien conscience de la valeur apportée par l’IA en matière de traitement des datas.
C’est d’ailleurs l’une des informations remontées par l’étude IA et RH, les principaux enseignements : 55% du panel estimant alors que l’IA allait améliorer la capacité à analyser la data RH, ouvrant ainsi la voie à des prises de décisions plus éclairées. Via l’analyse prédictive notamment :
- anticipation des besoins en recrutement ;
- organisation des départs ;
- identification des talents à fort potentiel, etc.
De la même, l’IA peut croiser des résultats issus de plusieurs sources et, ainsi, fournir une vision plus complète et précise de la performance des employés. Ce qui, nous en reparlerons, permet d’optimiser la gestion des talents et d’ajuster les stratégies de développement des compétences.
Gestion du temps et planification : nouvelle définition à l’ère de l’IA
Un autre domaine où l’IA a un impact significatif est la gestion des temps et la planification. 26 % des RH reconnaissent l’apport de l’IA dans ce domaine, plaçant la gestion des temps et des plannings dans le top 5 des processus RH les plus augmentés par l’IA.
De fait, les systèmes d’IA peuvent analyser les historiques pour optimiser les plannings. Et ce, en prenant en compte les contraintes légales, les besoins opérationnels de l’entreprise (pics d’activités, absences prévues, etc.) ou l’organisation du travail (travail hybride).
Cette assistance de l’intelligence des machines améliore alors l’efficacité de la gestion des temps et des activités (GTA). Mais contribue également à satisfaire les équipes qui disposent de plannings plus équilibrés et souffrent moins des effets de l’absentéisme, par exemple.
L’intelligence artificielle, moteur d’un pilotage RH plus performant
En pratique, l’IA ne se limite pas à des applications spécifiques, mais participe à l’optimisation globale des procédés RH. De la standardisation des tâches à l’analyse des datas, l’IA tend à faire des départements RH de véritables partenaires connectés à la stratégie d’entreprise.
En effet, dans la mesure où ils peuvent désormais gagner du temps et s’appuyer sur des données précises et actualisées, ceux-ci peuvent élaborer des stratégies talent, de développement des compétences et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) plus pertinentes et, surtout, efficientes.
Cette capacité à combiner procédés automatiques et traitement des datas RH fait de l’IA un outil aujourd’hui indispensable pour les ressources humaines.
Parcours candidat et collaborateur : l’IA vectrice de personnalisation RH
Le manque de rapport d’humain à humain est l’un des principaux reproches émis à l’encontre de l’intelligence artificielle. Pourtant, il n’en est rien. Car, le recours à l’IA permet au contraire d’humaniser et de personnaliser davantage les relations employeurs/candidats/salariés.
Vers un parcours candidat augmenté
De manière générale, l’apport de l’IA en phase d’embauche est souvent réduit au tri automatisé des candidatures. Or, en pratique, l’intelligence artificielle est capable de transformer le recrutement à une échelle plus globale. Ceci en répondant aux problématiques rencontrées par les recruteurs (sourcing, rédaction d’annonces, etc.), mais aussi en levant les points de friction bien connus du parcours candidat (attractivité des postes, communication avec l’employeur, etc.). Une approche du recrutement assistée par l’IA qui, en définitive, permet d’augmenter le taux de candidatures qualifiées tout en transformant la trajectoire candidat.
Pour aller plus loin, il est également possible d’associer l’IA aux outils de psychométrie qui évaluent les compétences techniques, les traits de personnalités et les comportements. Une combinaison qui permet aux recruteurs de mieux comprendre les écarts de performance potentiels et de créer des grilles d’entretien plus personnalisées. Et, par conséquent, de mener des entretiens davantage structurés pour obtenir une évaluation plus précise des candidats.
Enfin, le recours aux chatbots conversationnels sert à accompagner et orienter les candidats tout au long du processus. Peu importe le jour, l’heure, le volume de candidatures, ces derniers disposent toujours d’un interlocuteur pour interagir avec eux, répondre à leurs questionnements, rappeler un entretien, etc.
79% des DRH sont d’accord pour dire que les chatbots seront une interface importante (…) pour fournir des réponses en temps réel.
De l’onboarding au développement : l’IA personnalise l’expérience collaborateur
De même, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle déterminant dans la personnalisation de l’expérience collaborateur. Dès l’intégration, les nouveaux salariés bénéficient avec l’IA d’un onboarding sur mesure grâce à des plateformes proposant des contenus et des formations adaptés à leurs besoins spécifiques. Des dispositifs qui accélèrent l’intégration et favorisent un engagement précoce. Un engagement ô combien essentiel quand on sait que 36% des embauchés consultent toujours les offres d’emploi en période d’essai comme l’a révélé le baromètre Workelo.
Par ailleurs, les systèmes d’intelligence artificielle permettent aussi un suivi continu de l’évolution des compétences. À titre d’exemple, l’IA peut identifier les forces et les faiblesses des employés de façon précise et objective. Cela permet aux managers de personnaliser les feedbacks et les plans de développement, selon les besoins spécifiques de chaque employé.
En s’appuyant sur les technologies d’IA, des modules de formation peuvent alors être déployés. Ceci en fonction des compétences qu’un salarié doit renforcer pour évoluer dans son poste ou accéder à une mobilité interne, par exemple.
Évidemment, cette personnalisation entretient la satisfaction des équipes. Mais elle contribue à maximiser leur potentiel et à renforcer leur fidélité vis-à-vis de l’organisation.
Au-delà du pilotage de compétences, l’IA est capable d’assister les RH dans la surveillance des indicateurs de bien-être et d’engagement des collaborateurs. En détectant les signaux faibles, la machine aide ainsi la fonction RH à prendre des mesures proactives dans le but d’améliorer l’expérience collaborateur (prévention santé et des risques psychosociaux) et de maîtriser/réduire le turnover.
- Sur la même thématique : Un nouvel essor pour l’entreprise apprenante grâce à l’IA générative
Éthique et risques de l’IA dans les ressources humaines
La protection des données, un défi de taille
Pour être efficaces, les technologies de l’IA doivent accéder aux données. À un volume colossal de données, y compris des informations à caractère personnel concernant les candidats employés. Et c’est bien là, l’une des préoccupations majeures face à l’avènement de l’IA dans la sphère des ressources humaines (mais pas que) : comment garantir la confidentialité des données ?
S’il est aujourd’hui difficile pour la fonction RH de faire l’impasse sur l’IA, les entreprises ont toutefois l’obligation de s’assurer que les systèmes sont conformes aux réglementations. Le règlement général sur la protection des données (RGPD), notamment.
Outre la mise en place, le renforcement, des politiques internes sur la gestion des données, l’intégration de l’IA à la sphère RH implique l’acculturation des collaborateurs aux bonnes pratiques dans l’usage de ces technologies.
Les biais algorithmiques : le risque d’une discrimination automatisée ?
Un autre risque, désormais bien identifié, associé à l’IA est celui des biais algorithmiques. En effet, les algorithmes « apprennent » des données qui leur sont fournies. Or, si celles-ci contiennent des biais humains, les outils basés sur l’IA risquent de les reproduire. Voire de les amplifier davantage.
Plusieurs précédents existent d’ailleurs à ce sujet : Amazon, Uber, etc.
Pour les organisations s’équipant de l’IA, il est donc essentiel d’en superviser l’usage afin de détecter et de corriger ces biais. L’enjeu étant de s’assurer que les décisions prises, les actions réalisées, restent justes et équitables.
La supervision humaine reste essentielle
Étroitement corrélée au point précédent, la transparence dans l’utilisation de l’IA représente un enjeu éthique. Nous venons de l’aborder brièvement, l’utilisation de l’intelligence artificielle peut conduire à des prises de décisions RH. Recrutement, gestion des talents… Celles-ci peuvent avoir des conséquences directes sur la vie professionnelle des individus.
Sauf qu’en pratique, expliquer une décision fondée, en partie, sur un système d’algorithme reste complexe. En cause ? La difficile explicabilité du fonctionnement des algorithmes eux-mêmes. Or, cette difficulté ne décharge pas les entreprises de leurs obligations quant au respect des droits des personnes.
C’est pour cette raison que la supervision humaine reste essentielle. Car elle permet aux organisations de garder la main sur les prises de décisions d’une part, et de garantir le respect des normes éthiques et légales d’autre part.
Zoom sur l’IA Act
L’IA Act est le tout premier cadre juridique sur l’IA. Outre insister sur la nécessité de maintenir la supervision humaine, cette réglementation européenne établit un cadre pour classifier les outils de l’IA par niveau de risque (échelle allant de 1 à 4). L’objectif est de veiller à ce que ces outils respectent les droits fondamentaux, la sécurité et les principes éthiques. Entrée en vigueur au 1er août 2024, cette loi sera pleinement applicable d’ici 2026.
Les effets psychosociaux de l’IA
Enfin, le recours à l’IA dans les procédés RH peut susciter des questions quant à l’impact psychologique et social sur les collaborateurs. C’est un fait : la digitalisation RH, l’automatisation des tâches et les prises de décision assistée par la technologie peuvent donner l’impression d’une déshumanisation croissante de l’environnement professionnel.
Dans certains cas, cela peut affecter la motivation et l’engagement des salariés s’ils se sentent réduits à l’état de statistiques. Pour contrer ces effets négatifs, les RH doivent veiller à maintenir une dimension humaine dans l’entreprise. Pour cela, l’IA doit être utilisée comme un outil d’assistance et non pas comme un moyen de remplacer les interactions entre les personnes. En ce sens, il est important de sensibiliser l’ensemble de l’organisation aux avantages et aux limites d’un tel outil. Mais surtout d’embarquer tous les collaborateurs dans la démarche de transformation digitale de l’entreprise.
Source(s) documentaire (s) :
LinkedIn, l’avenir du recrutement 2024