On le sait, la crise sanitaire a joué un grand rôle dans la transformation RH comme le rappelle Michel Barabel, Dirigeant de l’Executive Master RH à Sciences Po Paris. Cette transformation se poursuit aujourd’hui avec un certain nombre d’enjeux liés notamment aux difficultés de recrutement, au bien-être des salariés ou encore à la digitalisation RH des process.
Quels sont les principaux enjeux RH en 2023 et les tendances à venir ? Pour nous éclairer à ce sujet, Christophe Patte, Directeur de la rédaction myRHline a reçu Michel Barabel, Dirigeant de l’Executive Master RH à Sciences Po Paris lors de ce webinar.
Éclairages.
Pour Michel Barabel, il faut développer sa capacité à anticiper les défis RH
Que l’on soit un leader du luxe, une ETI, une startup, une PME, on converge sur le même diagnostic : les entreprises font face à des difficultés de recrutement.
Mais les professionnels des ressources humaines en ont-ils conscience ?
Selon Michel Barabel, nous avons l’habitude de traiter les informations perçues comme urgentes en priorité plutôt que les problèmes à long terme. Et les professionnels des ressources humaines n’échappent pas à cette logique humaine : ils vont avoir tendance à se mobiliser sur des temps courts et traiter des urgences. Mais cela est dommageable selon Michel Barabel car la fonction RH est une fonction du temps long, liée à la capacité à être en anticipation.
Notre interviewé se dit convaincu que les RH doivent pouvoir identifier les signaux faibles, “sentir” les nouvelles tendances.
Les attentes des collaborateurs en 2023 selon Michel Barabel
Aujourd’hui, on veut bien travailler à condition que :
- l’équilibre vie professionnelle vie personnelle soit respecté ;
- que l’ambiance soit positive ;
- que la culture managériale soit une culture du développement et “pas du petit chef et de la bureaucratie”.
Et tout cela pousse à revoir totalement la façon dont on va faire vivre l’expérience collaborateur.
Les collaborateurs ont plusieurs types d’attentes, notamment à dimension intellectuelle (liée au salaire, aux perspectives d’évolution, etc.). Mais il y a aussi une dimension émotionnelle liée à la culture d’entreprise ou encore une dimension physique qui peut être liée à la réinvention des espaces de travail, des locaux. Enfin, Michel Barabel nous parle d’une dimension aspirationnelle : il s’agit du sens que l’on donne à son travail.
Autre point important : pour pouvoir aujourd’hui revoir ses modalités de travail (travail hybride, télétravail, semaine de 4 jours, etc.), il faut pouvoir ajuster toute la culture managériale derrière.
En outre, les rémunérations et les avantages sociaux en entreprise sont, depuis 3 ans, dans le top 3 des attentes.
- Un paradoxe observé :
Si on est capable de mieux se connaître, mieux identifier ses attentes, on serait moins capable de se mettre à la place de l’autre. Si l’empathie est l’une des soft skills les plus importantes dans le monde de l’entreprise aujourd’hui, les recherches menées à l’échelle mondiale nous montrent que nous avons encore du chemin à parcourir à cet égard. Nous faisons face à un problème particulier : l’hyperindividualisme. Et cela constitue aussi un grand défi RH.
La digitalisation des Ressources Humaines : avec modération ?
Auparavant, on pouvait avoir chez soi des outils qui n’étaient pas à la hauteur de ceux que les entreprises pouvaient mettre à disposition de leurs collaborateurs.
Aujourd’hui, la question précisément inverse mérite d’être posée : les outils digitaux sont-ils à la hauteur des usages des salariés ?
L’un des grands enjeux de cette fonction, c’est de ne pas être une fonction qui rajoute de la complexité à un monde complexe mais qui simplifie la complexité. C’est le rôle des DSI que d’absorber cette complexité existante (…)
Le maître mot selon Michel Barabel ? Sélectionner les vrais besoins des gens et déployer des outils en ce sens. Il faut que ces derniers aient une réelle valeur ajoutée (on évitera l’effet “gadget”, “waouh”).
La digitalisation est à (faire) consommer avec modération. D’autant plus à l’heure où les collaborateurs peuvent aussi avoir besoin de retrouver leurs collègues en présentiel et avoir envie d’assister à des formations en présentiel.
La fonction RH, une fonction complexe à simplifier
Pour Michel Barabel, l’un des premiers freins à la performance d’une équipe Ressources Humaines réside dans le fait qu’elle serait “trop souvent clonée”. Chaque membre partage un portefeuille de compétence commun, qui manque d’hétérogénéité.
“Si déjà on avait des équipes très diversifiées, ça fonctionnerait déjà mieux”, estime-t-il.
Par ailleurs, cette fonction devrait pouvoir faire des alliances avec la DSI, s’appuyer sur ses ressources pour mieux fonctionner en interne.
Il faut pouvoir refonder l’organisation dans un premier temps pour booster la coopération.
La QVCT au centre des enjeux de la fonction RH
Indéniablement, la QVCT est au centre des enjeux des ressources humaines. Si on approche la qualité de vie au travail par des services externes (ex : crèche en interne, etc.) on n’aborde pas la question de fond selon Michel Barabel : “Avant tout, les gens veulent un bon travail, dans lequel ils s’épanouissent”, mais aussi dans un bon contexte avec une culture managériale qui favorise la sécurité psychologique.
Le développement, le manager, l’équipe, l’organisation, les dirigeants, le contexte, leur travail, tout ça doit être adressé en parallèle (…) on arrive à démontrer qu’une configuration de pratiques homogènes entre elles qui ne se contredisent pas, ma culture managériale est sécurisante (…) et là on voit des impacts sur la performance, mais c’est dur à déployer dans les organisations.
Il faut aussi que les dirigeants et managers qui incarnent l’organisation soient totalement alignés dans leurs discours et dans leurs actes par rapport aux ambitions visées.
“Si les gens avaient un travail passionnant, exercé dans les bonnes conditions, favorisant leur sentiment d’utilité, on n’aurait pas besoin de toutes ces rustines, tous ces services, comme le yoga ou le babyfoot dans les startup”, insiste Michel Barabel de Sciences Po.
Pour en savoir plus, vous pouvez dès à présent visionner le replay de ce webinar avec Christophe Patte et Michel Barabel.