Un solde de tout compte peut sembler être une simple formalité administrative. Mais, vous le savez, c’est loin d’être le cas notamment puisque l’effet libératoire de ce document ne s’applique qu’en cas de signature par le collaborateur.
À l’inverse, quelles sont les conséquences juridiques d’un solde de tout compte non signé lors du départ d’un salarié ?
Éclairage sur l’arrêt du 14 novembre 2024 émis par la Cour de cassation.
Solde de tout compte : remise obligatoire, signature facultative ?
Un solde de tout compte sert à formaliser la fin de la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié. Il récapitule toutes les sommes dues à régler en fin de contrat, tels que :
- le salaire (ou son prorata) du dernier mois travaillé ;
- l’indemnité compensatrice de congés payés ;
- les indemnités de préavis, le cas échéant ;
- les indemnités de licenciement, le cas échéant.
Pour les professionnels des RH, c’est un outil clé qui sert à sécuriser juridiquement la rupture de contrat, limiter les risques de contestation future, et démontrer la transparence des paiements effectués.
Le solde de tout compte est remis au collaborateur à l’issue de son offboarding, quels que soient la nature de son contrat de travail et le motif de rupture de ce dernier. |
En cas de différend avec un salarié, un solde de tout compte signé peut servir de preuve à l’entreprise. Celle-ci pouvant s’appuyer sur ce document pour démontrer qu’elle a rempli ses obligations financières.
Par ailleurs, lorsqu’il est signé par le salarié sans réserve, le solde de tout compte devient juridiquement libératoire après un délai de six mois. Autrement dit, six mois après avoir signé, l’ancien collaborateur ne peut plus contester les montants, offrant une sécurité importante pour l’entreprise.
Le salarié peut-il refuser de signer le solde de tout compte ?
Légalement, le salarié n’est pas dans l’obligation de signer le solde de tout compte. Ainsi, le refus du salarié de donner reçu pour solde de tout compte n’entraîne aucune conséquence négative pour lui : retenues sur son salaire ou sanction, par exemple. L’employeur de son côté reste en revanche contraint de régler l’intégralité des sommes dues au salarié.
Or, comme vu précédemment, l’effet libératoire n’intervient qu’en cas de signature. Toutefois, l’absence de cette dernière n’impacte pas le délai de prescription en cas de contestation du solde de tout compte :
Situations | Délais de contestation | Exemples non exhaustifs | Procédure de contestation |
Rupture du contrat de travail | 1 an | Indemnité de licenciement | Envoi d’un courrier à l’employeur |
Exécution du contrat de travail | 2 ans | Non-paiement de frais professionnels | |
Paiement des salaires | 3 ans | Heures supplémentaires non payées |
Si l’employeur ne donne pas suite à la contestation du collaborateur, ce dernier peut alors saisir le conseil des prud’hommes.
Arrêt 1122 F-B du 14 novembre 2024 sur le solde de tout compte non signé
L’arrêt de la Cour de cassation du 14 novembre 2024 apporte quelques précisions sur les conséquences d’un solde de tout compte non signé. Dans cette affaire, un salarié, licencié en 2013 et incarcéré jusqu’en 2017, n’avait pas signé son solde de tout compte. L’année de sa sortie de prison, il saisit le tribunal pour réclamer à son ancien employeur les sommes dues.
Voici les points importants rappelés par la décision de la Cour :
- La signature n’est pas nécessaire pour le paiement. L’absence de signature n’annule pas l’obligation de l’employeur de payer les sommes dues au salarié. Le salarié conserve son droit de réclamer ce paiement, même sans signature.
- Le délai de prescription commence dès la fin du contrat. Un solde de tout compte non signé ne suspend pas le délai de prescription. La Cour a précisé que le salarié doit agir dans les délais légaux pour réclamer ses droits, à partir de la fin de son contrat, et non à partir de la date de signature du document.
- L’absence de signature n’empêche pas une réclamation légale, mais dans le respect des délais. Bien que le salarié puisse saisir la justice pour réclamer les sommes dues, il doit respecter les délais de prescription. Si ces délais sont dépassés, sa demande peut être rejetée, comme cela a été le cas dans cette affaire.
Cette décision de justice confirme que, bien que la signature d’un solde de tout compte facilite la preuve du paiement des sommes par l’employeur, l’absence de signature de la part du salarié ne suspend ni les obligations de l’employeur ni les droits du collaborateur. À condition que ce dernier respecte les délais légaux pour agir !
Refus de signature du solde de tout compte : quelles sont les bonnes pratiques RH ?
Lorsqu’un collaborateur refuse de signer son solde de tout compte, il est crucial pour les responsables RH d’adopter une approche claire et méthodique pour éviter tout malentendu ou litige. Voici 7 bonnes pratiques à mettre en place pour gérer cette situation, et éviter qu’elle ne survienne.
1) Remettre le solde du tout compte dans les délais
La première règle est de prévenir cette situation avant qu’elle n’arrive. Remettre le solde de tout compte dans les délais (à la fin du contrat, ou au plus tard lors du paiement des dernières sommes dues) montre le sérieux et la transparence de l’entreprise. Cette pratique permet de témoigner de la rigueur de l’employeur et évite souvent les incompréhensions. Il est également important de remettre ce document lors d’un entretien de fin de contrat, pour clarifier son contenu.
- Cet article sur la remise tardive du solde de tout compte pourrait aussi vous intéresser.
2) Vérifier la conformité des paiements
Avant de tenter de résoudre un refus de signature, il est essentiel de vérifier que toutes les sommes ont bien été calculées et versées correctement. Si un désaccord apparaît, cela peut être la raison du refus de signature. Les services RH doivent donc être prêts à prouver, sans ambiguïté, que tous les paiements sont conformes aux droits du salarié.
3) Informer le salarié de l’absence d’impact du refus de signature
Il est important d’expliquer au salarié que les droits à percevoir les sommes dues ne sont pas impactés par le refus de signer. Cette transparence aide à rassurer le salarié et à éviter d’éventuelles contestations.
4) Comprendre les raisons du refus
Dans le cas où le salarié refuse de signer sans explication claire, les responsables RH peuvent proposer un échange pour comprendre les raisons. Parfois, un simple malentendu ou une question non résolue peut être à l’origine du problème.
5) Documenter le refus de signature
Si le salarié persiste dans son refus de signer, il est essentiel de documenter ce refus de manière formelle. Cela peut par exemple se faire au moyen d’un courrier recommandé actant la remise du solde de tout compte et le refus de signature. Cette preuve pourra être utile en cas de réclamation ultérieure.
6) Rappeler les délais de prescription au salarié
Il est important de rappeler au salarié que l’absence de signature ne suspend pas le délai de prescription pour réclamer des sommes dues. Les RH doivent faire preuve de vigilance et s’assurer que le salarié reçoit toutes les informations relatives aux délais légaux de recours et aux risques inhérents à leur non-respect (réclamation irrecevable).
7) Recourir à une médiation si nécessaire
Si le litige persiste malgré ces efforts de médiation interne, les RH peuvent faire appel à un tiers. Dans ce cas, il sera important de démontrer la transparence de toutes les démarches. Ainsi que le respect des obligations observé par l’employeur.
Source(s) documentaire(s) :