Laetitia Sylvestre est responsable attractivité et communication RH depuis 3 ans au sein de la filiale Saint-Gobain Distribution Bâtiment France. Son rôle consiste à accompagner les RH des différentes enseignes de la distribution de Saint-Gobain. Ce qui représente une vingtaine de marques comme POINT.P, La Plateforme du Bâtiment et d’autres spécialistes.
myRHline a rencontré Laetitia pour en savoir plus sur les objectifs et la stratégie de recrutement 2024 de la filiale Saint-Gobain Distribution Bâtiment France.
Quelle est votre rétrospective sur l’année passée en matière de recrutement ?
Chaque fin d’année, Saint-Gobain Distribution Bâtiment France s’appuie sur son retour d’expérience de l’année en cours pour définir la stratégie de sourcing de celle d’après. D’une manière générale, nous fonctionnons ainsi : les grands canaux de sourcing sont déterminés à ce moment-là, puis nous nous laissons la possibilité de tester de nouvelles approches en cours d’année.
Ce qui est intéressant dans notre filiale, c’est que nous ne sommes pas obligés de déployer les process « Test and Learn » au sein de toutes les entités. Ainsi, nous mettons en place des expériences pilotes, puis nous déterminons une échéance à laquelle nous décidons s’il y a lieu ou non d’élargir le périmètre et de proposer la démarche à un plus grand nombre.
En 2023, nous avons ainsi pu tester différentes approches. D’abord nous avons cherché à être présents un peu partout. Puis, nous avons cherché la bonne formule pour rationaliser et optimiser nos recrutements.
Ce qui nous a permis de cerner le marché « candidats », et notamment les acteurs principaux — LinkedIn, Indeed et HelloWork — c’est-à-dire ceux qui nous apportent le plus de candidatures (en volume) sur le recrutement externe.
Quelle est votre stratégie de recrutement pour 2024 ?
Le contexte économique nous fait dire qu’il faut être prudent. En effet, notre marché est associé à celui de la construction, notamment du neuf, qui ralentit depuis un moment déjà et peut impacter nos volumes de recrutement.
Notre stratégie va s’articuler autour de 3 axes principaux, avec une tendance orientée sur un volume de recrutements externes à la baisse.
Pour cela, nous allons en premier lieu renforcer la mobilité interne. Elle est déjà ancrée dans notre culture et très fortement exploitée puisque chaque année 10 % de nos effectifs changent de poste. Sur 24 000 collaborateurs, plus de 2000 bénéficient d’une mobilité, qu’il s’agisse d’un changement de métier, d’une évolution au niveau du poste ou encore d’une nouvelle affectation géographique.
À titre d’exemple, 80 % de nos managers sont issus d’un recrutement interne. Cela signifie qu’un collaborateur recruté au poste de vendeur peut tout à fait passer par différents métiers et basculer d’une enseigne à l’autre. C’est une force du groupe : le maillage des 2000 points de vente en France nous permet de proposer des opportunités de carrière et d’accompagner les changements de vie de nos collaborateurs grâce à différents dispositifs de formation et de suivi RH.
L’ambition de dynamiser la cooptation
Sur l’année 2023, elle représentait déjà près de 10 % de nos recrutements et nous avons pour ambition de faire évoluer ce canal.
En effet, le climat social interne y est particulièrement favorable : grâce à nos enquêtes internes, nous savons que 89% de nos collaborateurs disent être fiers de travailler chez nous et être prêts à nous recommander.
Pour exploiter davantage ce levier, nous allons rappeler aux salariés qu’ils peuvent nous proposer des candidatures et qu’ils recevront une prime de cooptation (montant identique pour tous). Comment ? En mettant en place des pushs de cooptation par région et par métier pour favoriser à la fois la cooptation et la mobilité entre les enseignes.
Enfin, nous allons bien entendu continuer la diffusion des offres sur les canaux externes. En revanche, cette année les prestataires pour nous accompagner sur ce point ne seront plus que 3.
D’une part, car nous disposons déjà d’un volume intéressant de candidatures naturelles venant de notre site carrière. Mais également parce que nous avons constaté que, pour mettre toutes les chances de leur côté, les candidats ont tendance à postuler sur tous les jobboards. Or, l’effet est contre-productif du côté recruteur puisqu’il faut ensuite passer énormément de temps à trier les candidatures.
Comment allez-vous gérer le sourcing ?
Les enjeux derrière la gestion du sourcing sont multiples. En 2024, nous devons rationaliser les coûts et, comme je l’ai évoqué, optimiser le traitement des candidatures en étant attentifs à la qualité des CV et au temps passé par nos recruteurs.
Ainsi, nous avons une équipe en interne dédiée au sourcing. Celle-ci suit l’évolution des offres (env. 3000 par an) et le volume de candidatures en temps réel. Ce qui permet de faire un état des lieux, toutes les semaines par exemple, et d’identifier les offres de poste qui nécessitent une action supplémentaire, car elles n’ont pas suscité suffisamment d’intérêt.
Cela nous permet de faire le tri entre celles qui sont à diffuser via des canaux externes et les autres qui peuvent rester sur notre base interne et/ou notre site carrière.
Si je prends l’exemple des offres de responsable marketing, celles-ci génèrent toujours beaucoup de candidatures. Elles n’auront donc probablement pas besoin de passer par le « coup de pouce » du sourcing. En revanche, d’autres métiers sont beaucoup plus pénuriques. Je pense notamment aux magasiniers ou aux commerciaux sur lesquels nous devons porter une attention particulière et procéder à un pilotage plus rapproché. C’est aussi vrai pour certaines régions, Rhône-Alpes par exemple, qui est très complexe en matière de recrutement du fait de sa proximité avec la frontière. Pour ces offres-là, l’usage des canaux externes est récurrent, si ce n’est indispensable.
D’une certaine manière, notre but est de mettre en place un cercle vertueux autour du sourcing en cherchant l’équilibre, la bonne formule, entre trafic naturel et canaux externes à l’entreprise. Ceci afin d’assurer un flux permanent de candidatures et de constituer un vivier de candidats qualitatif.
Quelle place pour l’expérience candidat dans votre stratégie de recrutement 2024 ?
Autre volet étroitement lié au sourcing et à l’expérience candidat : la marque employeur. C’est vrai pour notre secteur, mais ça l’est aussi pour d’autres domaines : diffuser les offres ne suffit plus. Il faut désormais susciter l’envie, faire connaître la marque et soutenir la diffusion des offres à l’aide de campagnes de visibilité et de contenus.
Depuis quelques années, près de 90 % du budget était consacré à la seule diffusion des offres. Dès 2024, nous allons faire diminuer cette proportion afin de dégager des fonds au profit du déploiement d’actions de marque employeur telles que :
- l’alimentation des pages entreprises sur les jobboards ;
- le recours aux campagnes display ;
- l’utilisation du marketing de contenus sur les réseaux sociaux ;
- la réalisation de vidéos témoignages (Allô Saint-Gobain), etc.
Ainsi, le soin apporté à l’expérience candidat constitue un autre pilier de notre stratégie 2024. En affinant le sourcing, on cherche à drainer un trafic beaucoup plus qualifié et réellement intéressé. En ce sens, nous avons aussi retravaillé nos offres pour qu’elles soient beaucoup plus claires, beaucoup plus lisibles, sur qui on est, quelle est notre raison d’être et notre proposition de valeur.
De même, nous ajoutons, autant que possible les informations de transparence attendues par les candidats. À savoir : les salaires, les éléments de package qui peuvent faire partie de la rémunération, les avantages.
Il y a également une mise en avant de l’équipe et de la culture d’entreprise dans une section dédiée, avec des indications claires sur les étapes du processus de recrutement.
Ce sont toutes les évolutions notables sur le template de nos offres que nous sommes en train de déployer. Ceci afin d’apporter une réponse éclairée à la question que se posent tous les candidats : pourquoi rejoindre cette entreprise, en l’occurrence Saint-Gobain Distribution Bâtiment France, plutôt qu’un concurrent ?
Prochaine expérimentation : apporter une réponse aux candidats non retenus
En matière d’expérience candidat, il y a un autre sujet que nous souhaitons traiter, mais qui reste difficile à mettre en œuvre en particulier lorsque le volume de candidatures est très important : la réponse apportée aux candidats non retenus.
Notre ambition est d’instaurer cette démarche de la meilleure façon possible. J’évoquais un peu plus tôt notre positionnement « Test and Learn ». Eh bien, c’est exactement ce que nous avons fait l’an passé sur la population des alternants. Ceux qui n’ont pas été retenus ont reçu une réponse négative, certes. Mais celle-ci était personnalisée et incluait des conseils pour la poursuite de leur recherche d’un contrat d’alternance.
Les retours ont été extrêmement positifs. Nous allons donc renouveler l’expérimentation en 2024, auprès des commerciaux cette fois. Ces profils étant plus difficiles à attirer chez nous, l’idée est vraiment de se positionner comme un employeur « au service de » qui accompagne le postulant, y compris lorsqu’il ne passe pas la phase du recrutement. Et ce, en lui proposant des offres de poste disponibles dans une autre enseigne.
Au-delà des effets positifs sur la marque employeur, c’est aussi, en toute transparence, un moyen d’animer et de mutualiser le vivier de candidats. Car s’ils ne sont pas retenus chez nous, ils trouveront peut-être une place ailleurs au sein du groupe.
Quel est le principal frein au recrutement chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment France ? Et comment le contourner ?
Nos clients finaux sont des professionnels. Les sujets sont assez spécifiques puisqu’il s’agit de la technicité des produits et des matériaux de construction. C’est à la fois toute la particularité et la problématique de notre marché : bon nombre de candidats se freinent et ne postulent pas parce qu’ils pensent qu’une expérience du bâtiment est indispensable.
Or, c’est avant tout une personnalité que nous cherchons lorsque nous publions une offre. C’est-à-dire quelqu’un qui sera en mesure d’établir une relation de confiance et de proximité avec nos clients B to B qui reviennent tous les jours, voire plusieurs fois par jour.
Ainsi, la personnalité et les soft skills sont plus importantes que la technicité des produits qui, elle, s’apprend.
Cela fait longtemps que nous abordons le recrutement sous cet angle-là : celui de la formation et de l’intégration. Une posture que, jusqu’à présent, nous ne mettions probablement pas assez en avant et qui va désormais être au centre de nos offres. D’autant plus qu’il s’agit d’un point fort — avec les perspectives de carrière — souvent souligné par le terrain. Preuve en est : nous enregistrons une ancienneté moyenne de 11 ans. Ce qui, pour le secteur de la distribution, est assez incroyable.
Pouvez-vous résumer ce que va être le recrutement en 2024 chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment France ?
Je pense qu’avec Isabelle Bonhomme, directrice du développement RH & Talent Acquisition du Groupe Saint-Gobain pour la France, nous avons fait des choix audacieux en nous appuyant sur les retours d’expérience des deux dernières années.
Ces choix n’avaient jamais été faits auparavant. Mais je pense qu’ils nous ont permis de construire une stratégie de sourcing en adéquation avec le marché candidats et les objectifs de l’entreprise. Et ce, en apportant des réponses concrètes aux besoins, freins et attentes de nos RH.
Dès lors, 2024 sera l’année sans aucun doute l’année de l’audace et de la traduction concrète du « Test and Learn ».
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