La rédaction de myRHline était présente aux salons HR Technologies et Learning Technologies 2023 pour découvrir les tendances RH de cette année.
Découvrez les points clés de trois conférences sur le sujet de la digitalisation au sein des ressources humaines. La première conférence était animée par Thomas Chardin (Dirigeant Fondateur, Parlons RH), la seconde par Alexia Borg, avec Lobna Calleja (Chief People Officer, Ogilvy), Olivier Burger (Group Head Human Resources, Worldline Global) ainsi que Jérôme Friteau (DRH, CNAV), puis la dernière par Arnaud Schoumacher (responsable recrutement et marque employeur, SNCF Connect & Tech) et Guillaume Vigneron (Fondateur, Super agence).
Des innovations technologiques et managériales
D’après Thomas Chardin, au sein de la fonction RH, deux profils existent. D’un côté, les “R” sont plutôt centrés sur les process et les ressources. Ils effectuent des reportings où ils évoluent au sein des services paie des entreprises. Leur cursus est s’appuie sur des hard skills et ils ont généralement des parcours technico juridico-comptable. Pour ces salariés, la technologie est salvatrice et concourt à la performance de leurs missions.
D’un autre côté, les “H”, militent en faveur de la relation humaine. Leurs compétences sont davantage assimilées aux soft skills et ils ont un parcours plutôt littéraire. Leurs missions consistent à essayer d’embrasser le ressenti des collaborateurs, d’analyser quels sont leurs besoins. La digitalisation et l’automatisation des process représentent donc pour eux un risque de déshumanisation.
Selon Thomas Chardin, ces deux profils ne sont pas en opposition, mais les professionnels des ressources humaines ont tendance à entretenir un rapport ambigu avec ces outils.
Mais selon lui, la crise sanitaire a mis fin à l’antagonisme entre ces deux profils. Les entreprises ont dû mettre en place de nouvelles organisations en quelques jours, voire en quelques heures : distance, chômage partiel, développement exponentiel ou au contraire réduction drastique de l’activité.
« Le tout technologique est une absurdité. La fonction RH doit apprendre à se servir de ces solutions, mais pas s’en asservir. »
Le périmètre RH est donc de plus en plus large en raison du développement exponentiel des capacités technologiques.
Les enjeux à venir concernent également l’innovation managériale. Pourquoi ? “ Les managers sont la première fonction RH de l’entreprise. Ce sont eux qui intègrent, forment, rémunèrent et présentent le projet de la société. Le manager est donc indispensable au bon fonctionnement des ressources humaines “ estime Thomas Chardin. La question qui se pose selon lui est de savoir comment passer d’un modèle post industriel, très pyramidal à un modèle plus horizontal ? “L’économie tertiarisée requiert un triptyque : autonomie, responsabilisation et confiance.”
Mais selon Lobna Calleja, “ nous avons tendance à apporter des réponses qu’on pense innovantes à des problèmes qui sont là depuis longtemps. Par exemple en ce qui concerne la QVCT, la santé mentale, le bien-être des salariés, l’inclusion, la diversité. Les entreprises font donc appel à des solutions innovantes, sans pour autant aborder le sujet à sa racine ou de la bonne manière.” Une stratégie qui traite le problème à sa source doit être pensée en amont de toute digitalisation ou automatisation pour garantir la qualité de telles actions.
Pour Jérôme Friteau, les professionnels des ressources humaines expérimentent le management de l’incertitude depuis quelques années. La situation sanitaire a bousculé les entreprises et a accéléré les processus. « Nous nous tournons davantage vers l’inattendu. L’inattendu des conséquences directes de la crise sanitaire, économique, énergétique, du repositionnement des salariés par rapport au travail…” Pour lui, les responsables des ressources humaines se positionnent de plus en plus comme les premiers acteurs face à cet inattendu. Ils occupent véritablement le rôle de premier manager. Et justement, ils doivent être capables de guider les managers face à ces difficultés. Le challenge consiste à parvenir à réadapter un système de fonctionnement très normé, d’alléger les processus, d’écouter les collaborateurs et de se positionner comme un “guide rassurant”.
Tendances RH : Construire un nouveau monde du travail
La transformation interne de l’organisation incarne un enjeu fort depuis quelques années. Entre l’environnement de travail qui évolue et les attentes concernant les valeurs que les entreprises doivent incarner (diversité, inclusion, RSE, environnement…), les professionnels des services RH doivent s’adapter aux nouvelles priorités des employés. “Le rapport au monde professionnel contextualise toutes les autres tendances RH. Le rapport à la valeur travail évolue, ainsi qu’au management, au lieu, au temps de travail, à l’indemnisation du temps de non travail ou encore à la durée hebdomadaire, avec la semaine de 4 jours par exemple.” affirme Thomas Chardin.
“L’audace permettra de redonner ses 3 lettres de noblesse aux RH : D comme direction et désirabilité, R comme richesse de la relation, création de lien et H pour humain même si c’est un pléonasme. Il serait peut être temps d’effectuer un changement en H pour humaniste, fait par et pour les femmes et les hommes.” Thomas Chardin
Ainsi, si la fonction RH se veut transformatrice des organisations, elle doit elle-même se transformer et innover afin de répondre le mieux possible aux enjeux RH de 2023.
Selon Lobna Calleja, l’innovation est intrinsèquement liée à la créativité et à la vulnérabilité. « Et qui dit innovation, dit droit à l’erreur » ajoute t-elle. « Longtemps les RH n’ont pas innové ni été créatifs par peur de l’erreur. Mais aujourd’hui, on n’a pas d’autre choix que d’innover. Car même si on ne possède pas cette sensibilité, l’innovation est amenée par l’extérieur. L’évolution technologique et le traitement de la data, dont ChatGPT qui permet notamment de candidater via une intelligence artificielle, nous le prouve. Le train est déjà en marche. » Nous devons donc construire un nouveau monde professionnel, en prenant en considération l’innovation et le droit à l’erreur.
“Redonner du sens au travail est essentiel pour attirer et maintenir dans l’emploi les collaborateurs en poste.” Olivier Burger
Pour Olivier Burger, une des tendances 2023 se situe dans la quête de la raison d’être. Le DRH de Worldline Global est passé de 230 à 500 recrutements par an, bien que la direction des ressources humaines fut largement secouée par les confinements successifs et la reprise économique qui s’en est suivie. Par ailleurs, Wordline Global recrute 40% de femmes, sans faire de discrimination positive. Enfin, le taux de démission est en baisse. Comment l’expliquer ? “ Nous nous sommes concentrés sur la raison d’être du groupe, sa finalité et à qui elle s’adressait.”
Alors, quelle est la place de l’expérience collaborateur face à ces nouvelles priorités ?
“Une entreprise sur deux a initié une démarche en faveur de l’expérience collaborateur. Le chemin à parcourir reste donc encore long. Les professionnels RH sont souvent croyants mais non pratiquants quand il s’agit de l’expérience collaborateur“ affirme Thomas Chardin. Pourtant selon Jérôme Friteau : “L’expérience collaborateur s’appuie sur la personnalisation des organisations. Les gens ont besoin d’adapter leur vie aux contraintes auxquelles ils sont soumis. En région parisienne, nous vivons sur un territoire où les temps de trajet sont assez aléatoires. Les collaborateurs sont soumis à certaines injonctions (gardes enfants, aidants familiaux). Ils souhaitent donc désormais choisir leur heure de départ le soir et leur horaire d’arrivée le matin. »
Mais, les professionnels des services des RH ont tendance à standardiser le cadre professionnel, pour favoriser l’égalité de traitement notamment. Pourtant, cette dernière vacille et accélère avec les inégalités éprouvées durant le Covid-19. « Certains salariés de bureau étaient confinés dans un petit logement, tandis que d’autres l’étaient dans une maison. Certains se trouvaient en télétravail avec leurs enfants, d’autres non… ». Donc selon lui, avec une gestion plus flexible, on passe de l’égalité de traitement à l’équité.
“Beaucoup de métiers ne peuvent pas avoir accès au travail à distance. C’est pourquoi nous avons commencé à expérimenter la semaine de 4 jours avec la priorité donnée aux métiers de terrain ne pouvant avoir accès au télétravail. Nous voulons proposer des solutions à tous et créer un sentiment de justice, participant à l’attractivité et la fidélisation des salariés.” Jérôme Friteau
Ce qui permet de répondre à des enjeux forts pour 2023 : l’attractivité et la fidélisation des talents. Selon Lobna Calleja, l’écosystème start up a par exemple innové très tôt pour proposer autre chose qu’une rémunération compétitive aux salariés. Ce qui est passé par l’expérience collaborateur : plus de flexibilité dans la gestion du temps, des horaires, du télétravail, opportunités de formation, développement des compétences…
Le Marketing RH : quelles tendances RH pour 2023 ?
La communication interne est indispensable pour que les professionnels et responsables des services RH puissent promouvoir leur offre de service auprès des équipes. Ensuite, un stratégie de communication externe peut être amorcée.
Sans surprise, la marque employeur représente toujours une des tendances RH phares de cette année. Quelle organisation n’est-elle pas concernée par l’enjeu d’attractivité et de fidélisation en 2023 ? Force est de constater que le turnover ne cesse d’augmenter depuis 20 ans en France. Promouvoir les valeurs de la culture d’entreprise est indispensable.
La marque employeur est définie par Arnaud Schoumacher comme la capacité à faire rayonner une entreprise et à définir les marqueurs différenciant en interne comme à l’externe.
En effet, les talents n’ont pas les mêmes attentes et priorités qu’il y a encore quelques années et les services des ressources humaines doivent s’adapter à ce changement, « Il faut être intéressant pour les candidats et non plus seulement être intéressés par les candidats ».
La culture et la vie en générale au sein de l’entreprise font partie des critères intéressants fortement les talents à la recherche d’un poste.
Selon Arnaud Schoumacher, les domaines du recrutement et de la marque employeur ont énormément évolué ces dix dernières années. De nombreuses avancées ont vu le jour mais il n’y a pas un seul acteur qui se démarque face à ces tendances sur le marché.
“ Dans le recrutement, les ATS ont évolué et proposent aujourd’hui de traiter rapidement une importante volumétrie de candidatures, de définir des KPI tout en générant de la data précise. En matière de marque employeur, des solutions programmatiques sont proposées dans l’univers RH et celui du marketing RH. Elles permettent par exemple de cibler une population en particulier. L’innovation technologique permet de faciliter le recrutement. Elle évolue sans cesse pour délester l’humain de nombreuses tâches chronophages. Les outils d’IA et le traitement d’une grande quantité de data risque de changer la donne. Il faut donc garder à l’esprit avant d’en être équipés que l’automatisation est un outil d’aide à la décision, non une finalité.“ Arnaud Schoumacher
La difficulté est de trouver l’acteur qui correspond le mieux à ses besoins, au sein d’un marché offrant de nombreuses perspectives.
“ La marque employeur représente un véritable travail de fond, propre à votre entreprise. Ce dernier ne peut pas s’industrialiser. On ne peut pas s’affranchir de l’humain. Les services RH doivent connaître leurs problématiques pour y répondre. Entre l’apparition d’internet et aujourd’hui, y a t-il une solution permettant de résoudre complètement le problème d’attractivité ? Non. D’ailleurs, les talents en savent plus sur vous que vous même par vos actualités, votre note sur Glassdoor, vos actions sociétales… Comment identifier votre candidate persona ? Comment définir votre ligne éditoriale ? Comment différencier votre EVP au niveau local ? Les outils actuels ne permettent pas encore de faire tout ça. ” affirme Guillaume Vigneron.
Pour conclure sur ces tendances RH, Olivier Burger estime que pour continuer à prendre soin des collaborateurs, il faut que la direction des ressources humaines prenne soin d’elle. Le réenchantement des RH permettra de continuer à innover. « Et la technologie peut justement aider à soulager les professionnels RH » conclut-il.