Comment lutter contre les discriminations au travail ? Les entreprises semblent avoir du mal à se saisir de l’urgence du problème et y répondre avec des solutions concrètes et adaptées.
Quelles bonnes pratiques nous propose Dorith Naon, ghostwriter, influenceuse, formatrice Linkedin pour 2023, engagée sur les questions d’homophobie au travail et ambassadrice de l’association Le Refuge ? Quel “état des lieux” pouvons-nous dresser en France sur cette question et comment lutter en faveur d’un traitement égalitaire des personnes en entreprise ? Les éclairages de myRHline.
Lutter contre les discriminations : où en est-on en entreprise ?
Définition
L’article 1132-1 du Code du travail énumère 20 critères de discrimination.
Cette dernière survient lorsque l’employeur traite différemment les individus en fonction de certains critères tels que : l’âge, l’apparence physique, l’état de santé, le handicap, l’identité de genre, la langue qu’ils parlent, leur lieu de résidence, leurs opinions philosophiques, politiques, leur orientation sexuelle, leurs origines, leur vulnérabilité (liée à leur situation économique, à une perte d’autonomie, etc.)
Elle peut intervenir à toutes les étapes de vie des collaborateurs :
- Embauche ;
- Licenciement ;
- Renouvellement d’un contrat ;
- Mutation, promotion ou mobilité interne ;
- Détermination du salaire et des autres modes de rémunération ;
- Offre de formation ;
- Reclassement ;
- Détermination des tâches confiées au salarié.
Dorith Naon précise aussi que cela peut intervenir avant même l’embauche d’un collaborateur, “au stade recrutement” (refuser un candidat pour son apparence, sa couleur de peau, son âge ou encore son handicap par exemple). Des situations bel et bien vécues au quotidien.
J’ai un candidat qui m’a écrit sur LinkedIn. Il avait envoyé 2 CV. Un CV sur lequel son prénom était Mohamed, un autre avec un prénom de type ‘bien français’ (exemple : Lucas). Et il a eu plus de retours. C’est là qu’on se rend compte des différences de traitement.
L’influenceuse reçoit d’ailleurs beaucoup de messages de candidats seniors qui ne sont pas retenus parce qu’ils sont seniors. Lorsqu’elle conseille à ces personnes de se “donner une chance” de faire leurs preuves, elles lui répondent qu’elles n’ont pas envie de perdre leur temps parce qu’elles se retrouveront potentiellement face à un recruteur qui, en constatant l’âge avancé de la personne, ne l’écoutera pas et ne donnera sans doute pas suite.
L’exemple d’Atypical, cité par Dorith Naon sur le recrutement inclusif :
Atypical avait lancé une plateforme de recrutement inclusif. Leur concept, c’était que les candidatures en ligne n’étaient pas genrées, n’avaient pas de photo et étaient complètement anonymes.
Pour lutter contre les discriminations, l’influenceuse et formatrice LinkedIn pense qu’il faudrait aller vers ce modèle de recrutement, et “arrêter avec les CV”. Elle préconise d’ailleurs aux candidats de ne pas mentionner l’âge ou encore la situation maritale (d’autant que ces informations ne sont pas obligatoires) et de ne pas mettre de photo. Elle conseille aux personnes avec qui elle échange de maximiser leurs chances d’être recrutées sur l’unique base de leurs compétences : c’est ce qui est censé intéresser un recruteur.
- Ce que dit la loi
Ces inégalités de traitement sont punies par la loi. Une entreprise (personne morale) qui en fait preuve à l’embauche encourt jusqu’à 225 000 € d’amende avec une interdiction d’exercer. Un employeur (personne physique) encourt, quant à lui, jusqu’à 45 000 € d’amende et 3 ans de prison.
Les chiffres clés
Quel est l’état des lieux des actes LGBTphobes au travail ? Il faut savoir que 11 % des actes lgbtphobes rapportés ont eu lieu dans la sphère professionnelle en 2021, contre 9 % en 2020. Des chiffres qui sont donc en augmentation.
Parmi les principales inégalités de traitement et de violences, la plus citée est le rejet (57 %), suivie du harcèlement par des collègues (49 %) voire d’insultes de leur part (48 %). Dans près de la moitié des cas, un effet de groupe est mentionné.
Selon la 3e édition du baromètre LGBT+, publié par l’IFOP et l’association L’Autre Cercle, un quart des personnes interrogées à ce sujet pointent la responsabilité de la direction.
- 1 personne LGBT+ sur 4 a été victime de traitement inégalitaire de la part de sa direction, chiffre en hausse de 6 % (26 % en 2022 contre 20 % en 2020).
- 3 sur 10 ont déjà été victimes d’au moins une agression LGBTphobe dans leur entreprise et les chiffres sont en hausse de 4 % en 2022 par rapport à 2020 (ils atteignent 30 % aujourd’hui).
Nous avons interrogé Dorith Naon à cet égard, qui nous fait part des témoignages qu’elle a pu recevoir en ce sens. Lorsqu’une personne parvient à faire son « coming out professionnel”, elle peut être exposée à de nouvelles difficultés. Ainsi, on a pu constater que :
Depuis leur ‘coming out’, il y a eu un changement d’attitude manifeste de la direction. Moins de responsabilités à donner, un peu moins d’aisance aussi dans les conversations, on était un peu sur une politique de fuite. En tout cas, il semble que niveau ambiance, ça avait changé.
Quant au sexisme, pour rappel, 99 % des femmes ont déjà été victimes d’un acte ou commentaire sexiste en France (cf. rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, 2019). Evidemment, ces actes se répercutent dans la sphère professionnelle.
Dans un rapport datant de juillet 2022, l‘Insee démontre que le sexisme est devenu le premier facteur de traitement inégalitaire chez les femmes. En 10 ans, ce sentiment a même augmenté. L’Insee démontre encore que le genre aurait dépassé l’origine comme facteur d’inégalité de traitement chez les femmes.
De plus, 3 millions de personnes déclarent avoir fait l’objet d’actes discriminants au cours de leur vie à cause de leur état de santé ou d’un handicap (INSEE, 2010). Les motifs discriminants plus souvent citées sont des moqueries ou des insultes. L’an dernier, le taux d’emploi des travailleurs handicapés a progressé en France, mais de 0,2 point seulement. Il s’établit désormais à 3,5 % soit 628 800 salariés. (Dares, 2022)
Selon une étude menée par l’Ifop et publiée cette année, une majorité des personnes racisées estiment avoir déjà été victimes d’inégalités de traitement raciales lors de la recherche d’un emploi (51 %). Et pour beaucoup, cela continue tout au long de leur carrière. Le nombre de victimes de propos humiliants liés aux origines ethniques parmi les personnes racisées atteint 33 % contre 6 % chez les non racisées. Enfin, 37 % des salariés musulmans affirment avoir été victimes de propos insultants liés aux croyances religieuses.
Pour conclure, ce sont 42 % des personnes actives qui ont déclaré avoir été témoins d’inégalités de traitement ou de harcèlement dans le cadre de leur activité. Les répondants déclarent en grande partie qu’ils étaient fondés sur l’apparence physique, le sexe et l’origine (cf. Baromètre du Défenseur des droits, 2020). Depuis 2012, cette proportion a significativement augmenté (+ 8 points).
- Pour aller plus loin : on parle d’intersectionnalité lorsqu’une personne est victime de plusieurs actes discriminants simultanément. Par exemple, une femme en situation de handicap les subirait parce qu’elle est une femme d’une part, et d‘autre part parce qu’elle est en situation de handicap.
Pourquoi faut-il lutter contre ces inégalités de traitement ?
Le problème, c’est que n’importe qui [avec des biais discriminants] peut faire du recrutement, n’importe qui peut devenir manager. Ces gens-là manquent de formations, sont souvent assez peu évalués (…) ça rentre même dans une culture d’entreprise assez toxique, et il ne se passe rien.
Les conséquences sur les collaborateurs et l’entreprise
Lutter contre les discriminations est indispensable pour préserver vos équipes. En effet, les conséquences sur les collaborateurs peuvent être multiples :
- L’autocensure : par exemple, 2 personnes issues de la communauté LGBT+ sur 5 auraient renoncé à participer à un événement d’entreprise où les conjoints étaient conviés (Baromètre LGBT+, 2022) ;
- Une santé mentale mise à mal : baisse de l’estime de soi, stress, culpabilité, isolement…
Les motifs psychologiques représentent la 2ème cause d’absentéisme cette année (baromètre Malakoff Humanis 2022).
- Un désengagement pour les salariés discriminés mais aussi pour les collègues des victimes, dont la santé mentale peut être également impactée ;
- Un rapport difficile au monde professionnel.
Ce que j’entends le plus en ce moment, c’est le manque d’acceptation de formation pour les femmes à compétences égales pour les hommes. C’est une vraie raison de souffrance qui revient, et c’est pour moi une raison de désengagement tellement puissante.
Du côté des entreprises, les conséquences sont diverses :
- Fuite des talents et des compétences ;
- Désorganisation et surcharge de travail pour l’équipe restante ;
- Désengagement, absentéisme voire turnover ;
- Dégradation de l’ambiance et de la QVCT (impact moral sur les collaborateurs restants).
Par ailleurs, une étude conduite par le MIT et Harvard a démontré que les salariés heureux étaient 2 fois moins malades, 6 fois moins absents, plus productifs à 31 % et plus créatifs à 55 %.
Les conséquences néfastes susmentionnées peuvent directement ternir votre marque employeur et ainsi, accroître les difficultés de recrutement. Car effectivement, 1 Français sur 2 déclare postuler à une offre uniquement s’il a une bonne image de l’entreprise (étude Hellowork). Ce qui impactera négativement vos performances, votre compétitivité et votre productivité.
Enfin, en tant qu’employeur, ne pas agir pour lutter contre les discriminations pourrait donner lieu à des poursuites judiciaires dans certains cas.
Les collaborateurs ne savent pas toujours comment réagir face à ces fléaux. Pourtant, les sociétés ont un devoir de sensibilisation et de formation face à ces dérives.
Pour lutter contre les discriminations, encore faut-il savoir y réagir
Les trois quarts des individus ayant été confrontés à ce problème déclarent avoir entrepris des démarches à la suite des faits, soit 2 fois plus qu’en 2013 selon le baromètre du Défenseur des droits (2020).
Parmi le quart des victimes qui n’a pas entrepris de démarche, 68 % d’entre elles évoquent la peur de représailles, 60 % indiquent qu’elles ne savaient pas quoi faire et 56 % pensent que cela n’aurait rien changé.
Ainsi, le dialogue avec la direction reste la démarche la plus effectuée (dans 53 % des cas).
“Le recours à un avocat ou l’engagement de procédures contentieuses sont devenues plus courantes” selon le 13e bilan mené par le Défenseur des droits à ce sujet. Enfin, le recours aux représentants du personnel ou à un syndicat connaît aussi une forte hausse.
Selon le site du service public français “Si vous êtes victime de discrimination au travail, vous pouvez signaler les faits aux représentants du personnel et au comité social et économique (CSE). Vous ne pouvez pas être sanctionné pour avoir dénoncé ces faits, sauf si la dénonciation est basée sur des faits imaginaires.”
Nous le rappelons, cela est passible de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende. Un salarié peut saisir le conseil des prud’hommes pour régler tout conflit sur ce sujet. Par exemple, il le peut afin de contester un refus de promotion. Un candidat à un emploi peut aussi saisir les prud’hommes pour contester le refus d’embauche.
Les leviers d’action à déployer
Les communications dédiées à lutter contre les discriminations obtiennent plus de visibilité depuis quelques années, mais concrètement, quelles actions sont mises en place ?
En France, deux labels existent en ce sens.
- Le label Egalité Professionnelle : promouvoir l’égalité hommes / femmes ;
- Le label Diversité : promouvoir la diversité et l’égalité de traitement dans le cadre de la gestion des RH.
Au 10 mars 2020, 112 organismes étaient titulaires du label Diversité (dont des grands groupes et de petites et moyennes structures, des associations, des ministères, des collectivités territoriales et des établissements publics). Ainsi, plus d’1,3 million d’actifs sont couverts. Les organisations privées représentent près des 2/3 de l’ensemble des organismes labellisés.
Diverses chartes promeuvent lutter contre ces inégalités, notamment :
- La charte de la diversité, signée par plus de 4000 organisations ;
- La charte Entreprise et Handicap ;
- La charte de la Parentalité, signée par plus de 700 employeurs et 30 000 établissements ;
- La charte d’engagement LGBT+ ;
- Les chartes A Compétence Egale.
Par ailleurs, le 10 mars 2022, 14 grandes structures françaises auraient signé une charte pour lutter contre les discriminations liées à l’âge dans le milieu professionnel via le Club Landoy, cercle de réflexion lancé par Bayard réunissant les grandes organisations soucieuses des enjeux du vieillissement de la société. Parmi elles : The Adecco group, l’APEC, BNP Paribas, La Caisse des Dépôts, Galeries Lafayette, La Banque Postale ou encore Orange.
Quels sont les avantages de ces différentes initiatives pour l’entreprise, au-delà de l’aspect éthique ?
- Valoriser et faire reconnaître ses bonnes pratiques en matière de gestion des ressources humaines ;
- Renforcer sa marque employeur ;
- Structurer son processus de recrutement ;
- Faciliter l’intégration et l’onboarding des nouveaux entrants ;
- Favoriser un dialogue social fluide et constructif ;
- Promouvoir et faire reconnaître son engagement dans une démarche de responsabilité sociale ;
- Développer son attractivité ;
- Permettre de fidéliser et de re-motiver les collaborateurs.
Par ailleurs, certaines structures s’engagent aussi contre le sexisme dit “ordinaire”. Le sexisme ordinaire c’est quoi ? Ce sont ces “petites remarques”, ces “petits gestes” basés sur des stéréotypes sexistes qui, mis bout à bout, tendent à disqualifier les femmes – notamment sur le marché du travail.
En 2018, plusieurs sociétés, dont Accor et L’Oréal, avaient créé une initiative interentreprises “Stop au sexisme ordinaire en entreprise” avec le hashtag #StOpE, pour partager et promouvoir les bonnes pratiques à ce sujet. Ainsi, 140 organisations ont rejoint l’initiative depuis, dont l’école CentraleSupelec qui a rejoint le mouvement cette année parmi les 30 nouvelles organisations et sociétés engagées à faire reculer durablement le sexisme dit ordinaire.
En participant à #StOpE, les entreprises s’engagent à mettre en place au minimum une action par an au sein de leur organisation. Les nouveaux signataires sont admis chaque année le 25 janvier, lors d’une session d’intégration.
Selon une étude réalisée par le cabinet Deloitte (diversité et inclusion, janvier 2020), les organisations qui pratiquent une politique inclusive génèrent jusqu’à 30 % de chiffre d’affaires en plus par salarié ainsi qu’une profitabilité supérieure à celle de la concurrence. Par ailleurs, les organisations disposant de politiques d’égalité des chances au sein de l’emploi et de cultures qui favorisent la mixité ont près de 60 % de chances supplémentaires de voir leur profit en hausse. (Les Echos)
D’où l’importance de se saisir du problème : lutter contre les discriminations représente non seulement un intérêt moral et social mais aussi pour l’entreprise : un intérêt économique, un intérêt en termes d’image (marque employeur), de rétention des talents, etc.
Nos préconisations pour lutter contre les discriminations
- Mettre en place un référent harcèlement formé
Le référent peut représenter un bon moyen de contrecarrer toutes formes de harcèlement moral et sexuel en entreprise par exemple. Depuis le 1er janvier 2019, la nomination d’un référent engagé sur les questions de harcèlement sexuel ou agissements sexistes est une obligation pour tous les CSE. Il s’agit donc des organisations de plus de 11 salariés ainsi que de celles de plus de 250 employés en complément de celui nommé parmi les élus au CSE.
Sa fonction ? L’accompagnement et la sensibilisation des travailleurs.
Le référent harcèlement moral et sexuel est choisi pour renforcer les mesures de prévention contre le harcèlement. L’article L. 2315-18 du Code du travail précise qu’il bénéficie d’une formation financée par l’employeur. Une fois formé, il est reconnu comme un acteur majeur dans l’entreprise, qui aura acquis lors de sa formation en harcèlement la maîtrise :
- Des stratégies à mettre en œuvre pour prévenir le harcèlement ;
- De la législation sociale qui encadre le harcèlement sexuel et moral en entreprise.
Il y a plusieurs entreprises comme ça, comme Salesforce, par exemple, qui a des responsables diversité / inclusion dédiés. Évidemment, toutes les entreprises n’en ont pas les moyens, mais pour celles qui le peuvent, cela vaut vraiment le coup.
Attention cependant : à travers le témoignage de Dorith, on se rend compte que certains référents, en matière de harcèlement par exemple, ne sont pas formés, ce qui pose un réel problème. Lorsqu’elle a été confrontée à du harcèlement sexuel, elle a alerté l’entreprise. Elle a fini par apprendre qu’il y avait une référente harcèlement sexuel (et a d’ailleurs failli ne jamais le savoir). Lorsqu’elle est allée à sa rencontre, cette personne lui a dit qu’elle n’avait même pas été formée. D’où l’importance de la formation pour lutter contre les discriminations : celle des référents d’une part, mais pas que.
- Former et sensibiliser à grande échelle : les salariés, les managers, la direction
Il s’agit de se saisir de toutes les initiatives de sensibilisation, de prévention et de formation pour les managers, les cadres de direction et les équipes. Mais il s’agit aussi d’aligner le management qui doit pouvoir accueillir ces initiatives.
Pour sensibiliser à grande échelle, vous pouvez partager les témoignages d’employés concernés par cette problématique et même constituer un “pôle” dédié à cette thématique et renforcer en ce sens l’engagement collaborateur. Il s’agit de définir les bonnes pratiques à adopter et les déployer dans tous les pôles. Vous pouvez mettre en place des formations liées à la prévention auprès d’autres employés pour favoriser une communication inclusive en interne.
En ce qui concerne la LGBTphobie, vos salariés et vous-même pouvez consulter la charte d’engagement LGBT+ que l’association L’Autre Cercle a mis en place en ce sens.
Dans le baromètre susmentionné à cet égard, l’un des deux échantillons de l’étude portait d’ailleurs sur les établissements signataires de la Charte d’Engagement : on y notait de meilleurs résultats que sur l’autre échantillon. Mais les inégalités de traitement perdurent tout de même selon Catherine Tripon, porte-parole de l’association L’Autre Cercle.
- Promouvoir une culture de la transparence et un environnement professionnel respectueux, par le biais de plusieurs valeurs clés : la transparence, le respect, la parité, l’égalité des chances et la responsabilité.
- Se référer au guide du Défenseur des droits, afin de mener un processus de recrutement juste.
- Sanctionner les auteurs. Il s’agit de ne plus minimiser, se sentir libre de signaler et de prendre les décisions qui s’imposent même lorsqu’elles ne sont pas faciles. Et si l’on adoptait une posture d’exemplarité en la matière ?
Mais pour lutter contre les discriminations, encore faut-il que les managers soient présents ! Dorith Naon rappelle en ce sens que le rôle de ces derniers ne se limite pas à vérifier que le travail a été effectué en temps et en heure par les employés. Lorsqu’elle a subi du sexisme, son manager est “tombé du ciel » parce qu’il n’était « jamais là.”
Les managers doivent aller chercher du feedback, aller de temps en temps faire des points, aller voir chaque personne, leur demander comment elles se sentent. Est-ce qu’il y a des choses que tu as constaté qui te mettent mal à l’aise ? Qu’est-ce que je peux faire pour améliorer tes conditions de travail ?…
Si l’influenceuse insiste sur le volet “éducation”, elle insiste également sur la disponibilité des managers censés mettre en place une vraie politique d’écoute de leur équipe.
D’autre part, il est très important, rappelle Dorith Naon, que les recruteurs-recrutés le soient sur la base de compétences humaines ou soft skills adaptées à ces sujets.
Il faut pouvoir créer une culture d’entreprise saine, dans laquelle les salariés doivent pouvoir se sentir libres d’alerter sur ces problématiques. Car on est encore dans un climat où les équipes peuvent constater plein de choses, les subissent, ont peur d’en parler à leur direction, d’être mal vues. C’est ce qui conduit notamment à la dégradation de leur santé mentale avec des personnes qui peuvent demander un arrêt de travail pour dépression par exemple.
Les risques du washing selon Dorith Naon
Beaucoup de structures souhaitent à tout prix promouvoir leur marque employeur. Mais les candidats et les employés ne sont pas dupes face à ce qui peut donner lieu à des dérives. De nombreuses sociétés axent leurs communications sur des valeurs liées à l’égalité, à la diversité, à l’inclusion, à l’environnement. Pour autant, agissent-elles réellement en faveur des causes qu’elles mettent en avant ? Lorsque ce n’est pas le cas, on parle de washing (il s’agit de “mentir” pour redorer sa marque employeur).
Les chartes, c’est intéressant, mais je ne suis pas fan… C’est mon côté très méfiant : J’ai l’impression que c’est très facile (…) je vois toujours un peu ça comme du washing et je demande à voir les actions qu’il y a derrière.
L’ambassadrice du Refuge souligne que l’on peut voir en ce sens de nombreuses organisations afficher des logos LGBT lors de la gay pride mais qu’il n’y a forcément pas d’actions concrètes derrière pour lutter contre les discriminations.
D’ailleurs, comme l’indiquait le baromètre sur l’inclusion des personnes LGBT+, “Les intentions inclusives affichées par les organisations et l’ensemble des salarié·es ne correspondent pas aux réalités de terrain”.
Il y a donc encore du chemin à parcourir. Si 91 % des actifs travaillant dans les organisations signataires de la charte de l’association L’Autre Cercle considèrent leur structrure LGBTfriendly, 45 % des personnes confrontées à des propos vexants ou des remarques désobligeantes n’en n’ont pas parlé. Ce qui signifie que même dans les structures signataires de cette charte, le silence demeure.
On l’aura compris, il ne s’agit pas d’élaborer un plan de communication RSE à l’année, ni de se contenter d’adhérer à un label mais de mettre en place de véritables dispositifs d’alerte en collaboration avec les personnes concernées, et de mettre en oeuvre des traitements et sanctions vraiment efficaces.
Gervais Pellissier, Directeur des Ressources Humaines et de la Transformation chez Orange témoigne d’ailleurs à ce sujet :
Nous sommes engagés depuis longtemps avec L’Autre Cercle afin de lutter contre toutes les formes de discriminations au travail. Pour agir efficacement, il est important d’évaluer le niveau d’inclusivité des organisations. Comprendre les freins, mesurer les progressions ou parfois les éventuels reculs, sont en effet des clés nécessaires pour maintenir les consciences éveillées, orienter les actions et éviter le piège du “pink washing”.
La rédaction de myRHline