Vous avez sûrement entendu parler du “quiet quitting” sur les réseaux sociaux ou dans la presse. Et pour cause, en quelques années, le rapport des Français à leur travail a considérablement évolué.
Même si 84% des salariés considèrent le travail comme important dans leur vie, seuls 21% l’estiment “très important”, contre 60% en 1990 (Ifop, 2023).
Popularisé sur TikTok sous le hashtag #quietquitting vu près de 130 millions de fois, ce phénomène est lié à celui de la Grande Démission aux Etats-Unis.
Mais à quoi ce terme fait-il référence ? Comment les entreprises peuvent-elles l’éviter ?
Les origines du quiet quitting
Le quiet quitting signifie littéralement “démission discrète” ou “silencieuse”. Il concerne les salariés qui ne démissionnent pas de leur job, mais qui ne souhaitent plus « sacrifier » leur work-life balance pour leur emploi. Il consiste simplement à exécuter les tâches figurant dans sa fiche du poste.
Aujourd’hui, 13 % des actifs considèrent tirer un bénéfice de leur engagement au service de leur entreprise.
Le quiet quitting serait inspiré du #TangPing sur les réseaux sociaux chinois, selon le Guardian. Signifiant “rester allongé”, cette tendance a pris de l’ampleur en Chine en avril 2021. Ces revendications sont principalement celles de la nouvelle génération de travailleurs chinois, qui luttent contre la culture du rythme “9/9/6” : travailler de 9 heures du matin jusqu’à 9 heures du soir, 6 jours par semaine.
Xi Jinping, le président chinois, a même pris la parole dans un média communiste en octobre dernier contre ce phénomène qui prenait de l’ampleur : “Une vie heureuse s’obtient par la lutte, et la prospérité commune dépend du travail acharné et de la sagesse”, selon le New York Post.
Qu’est-ce que le Quiet quitting ?
Quiet quitting : Définition
Loin d’être simplement un effet de mode, ce phénomène résulte d’un changement de paradigme dans le rapport au travail et à la productivité.
Dans les faits, ces personnes font leur job mais refusent d’effectuer des heures supplémentaires, d’être sollicitées en dehors de leurs horaires professionnels ou d’assumer des responsabilités ne faisant pas partie de leur fiche de poste.
Le quiet quitting s’illustre par une hausse du nombre de salariés affirmant s’impliquer « juste ce qu’il faut » dans leur activité professionnelle : 43% chez les salariés des entreprises de plus de 10 salariés (+ 6 points entre 2003 et 2022).
Quelles sont les différentes causes qui poussent à la démission silencieuse ?
Quelles sont les causes du quiet quitting ? Tout d’abord, ce rapport désenchanté du travail est sûrement lié au fait que les collaborateurs sont de plus en plus nombreux à se sentir « perdant » au regard de leur investissement professionnel : 48%, soit deux fois plus qu’il y a une trentaine d’années (25% en 1993).
Lorsqu’on demande aux candidats ce qui les motivent au changement professionnel, ils répondent (étude CCLD x myRHline 2023) :
- Le manque de reconnaissance . Sans gratifications, difficile de maintenir sa motivation au travail.
- Une prise de conscience personnelle en hausse.
- Un management qui ne me correspond pas.
- Le besoin d’un vrai projet professionnel.
L’adéquation entre les valeurs du candidat et celles de l’entreprise incarne même le premier facteur qui permet de dire oui à une entreprise. La culture d’entreprise et le déploiement de sa stratégie RSE joue également un rôle clé dans la perception des collaborateurs et la capacité d’attractivité de l’entreprise.
Ainsi, selon cette même enquête de l’Ifop et les Makers, 37% des Français considèrent être des quiet quitters, c’est-à-dire qu’ils déclarent refuser les heures supplémentaires et d’éventuelles tâches qui ne relèveraient pas de leur mission.
Une forme de démission silencieuse ?
Le quiet quitting est-il le nouveau symbole du désengagement et de la perte de sens ? La surcharge de travail, le manque de considération et un mauvais équilibre des temps font en tout cas partie des causes principales conduisant les salariés à faire le “minimum”, soit ce qui est inscrit dans leur contrat de travail.
La crise sanitaire a été une période propice aux questionnements sur le sens de leur quotidien professionnel. Elle a également provoqué une prise de conscience concernant la précarité de la vie et l’importance de l’équilibre personnel.
Recherche d’un meilleur épanouissement professionnel, amélioration du work-life balance, quête de sens… De multiples problématiques ont été remises au cœur des préoccupations des salariés.
Les “quiet quitters” revendiquent désormais la priorité à leur santé mentale et physique.
Fini les heures supplémentaires et la consultation des emails en dehors de leurs heures officielles. Ils ne souhaitent plus que leurs carrières se trouvent au cœur de leurs préoccupations ou qu’elles prennent le dessus sur leur vie personnelle. En 2022, les salariés sont 45% à déclarer que le salaire est désormais leur unique motivation, contre 33% en 1993.
Le quiet quitting n’est donc pas vraiment synonyme de démission mais plutôt d’implication modérée.
- Pour aller plus loin : Selon la Dares, au 1er trimestre 2023, on compte 496 600 démissions de CDI en France métropolitaine (secteur privé hors agriculture, intérim et particuliers employeurs), soit +3,7 % sur un trimestre. En tenant compte des ruptures anticipées autorisées d’un CDD, on compte 550 100 démissions (+3,2 %).
Une question générationnelle ?
Chez la jeune génération
Les jeunes générations sont perçues moins investies que leurs aînées par 74% des Français. 61 % des 18-24 ans et 71 % des 25-34 ans sont d’accord avec cette affirmation.
En 2022, le hashtag #quietquitting, qui serait inspiré du #TangPing en Chine, est rapidement devenu une tendance sur les réseaux sociaux tels que TikTok. Un post publié l’année dernière invitait les salariés à ne plus “se démener” pour leur emploi.
Ces revendications ont donc tout d’abord été portées par la jeune génération. Particulièrement attentive aux conditions de travail qui lui sont offertes, la santé mentale et physique prime à ses yeux.
Par exemple, selon une enquête ADP publiée en 2022, les 18-24 ans sont 23 % (vs 14 % pour l’ensemble des salariés) à déclarer avoir déjà démissionné suite à l’obligation du 100 % présentiel. Mais ce critère ne suffit pas pour tout le monde, également à la recherche de sens, de reconnaissance et d’un aspect collaboratif.
Ainsi, 37 % des 18-24 ans (baromètre Fondation Jean Jaurès – Macif) affirment que l’idée de s’ennuyer et de ne pas être intéressé par son métier provoque une angoisse chez eux.
Les attentes de la génération X
Toutefois, selon le baromètre CCLD x myRHline 2023, tous les candidats, peu importe leur âge, s’accordent pour dire que le manque de reconnaissance, une prise de conscience et le management jouent dans leur envie de changement professionnel.
Prenons l’exemple de la génération X, qu’attendent-ils du monde professionnel ?
Voici les 5 critères clés aux yeux des salariés nés entre 1965 et 1980 (Zety, 2022) :
- l’équilibre des temps
- une haute rémunération
- la flexibilité
- le sens
- le prestige du métier
Quand on leur demande ce qui les pousse à quitter leur poste, ils répondent :
- Devoir faire des heures supplémentaires régulièrement
- Un environnement toxique
- Faire un métier qui n’a aucun sens
Ces résultats bousculent donc les clichés selon lesquels le quiet quitting ne toucherait que les plus jeunes. Les membres de la Gen X, eux aussi, souhaitent un meilleur work-life balance, une meilleure rémunération et de la flexibilité.
Etant donné que le rapport au travail évolue au fil du temps et des générations, les organisations n’ont pas d’autre choix que de personnaliser l’expérience collaborateur afin de fidéliser les équipes et séduire de nouveaux profils.
Comment les entreprises peuvent-elles agir face au quiet quitting ?
Pour éviter que les équipes ne se désengagent, il est nécessaire d’œuvrer pour favoriser leur épanouissement. Ce dernier implique divers facteurs qui diffèrent selon la personnalité et les motivations de chacun.
Comment les organisations peuvent-elles agir concrètement ? Voici une liste, non exhaustive, de bonnes pratiques à instaurer :
- Un nouveau modèle managérial
Les employés attendent une forme de management davantage axé sur la confiance, l’encouragement, la prise d’initiatives et le droit à l’erreur. Comment faire ? Valorisez les efforts et l’implication de vos équipes en promouvant la considération, l’autonomie … La formation des managers est un levier clé d’amélioration du climat social.
- Le développement professionnel pour lutter contre la démission silencieuse
Selon l’enquête BCG 2022, la principale raison du potentiel départ des travailleurs de terrain français est le manque d’évolution de carrière 48%. Pour éviter de devoir faire face à un salarié souhaitant quitter le navire, offrez-lui des perspectives d’évolution intéressantes. Ainsi, il trouvera sa place au sein de l’entreprise.
- L’amélioration de la QVCT
Le salarié d’aujourd’hui souhaite plus de souplesse et de flexibilité en termes de gestion du temps. Cette volonté a récemment été illustrée par l’étude ADP, People at Work 2022 indiquant que 53 % des 18-24 ans envisageraient de quitter leur job si leur employeur leur imposait un retour 100 % en présentiel, sans télétravail.
Vous pouvez aussi accompagner la parentalité en entreprise, en proposant des places en crèche ou des systèmes de garde d’enfants.
- Le saviez-vous ? En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite (Dares).
- Donner du sens pour éviter le quiet quitting
Pour redonner du sens au quotidien des collaborateurs, vous pouvez déployer une stratégie RSE, vous engager au sein de divers sujets, promouvoir le mécénat de compétences ou encore travailler sur votre storytelling ainsi que sur les valeurs de votre culture d’entreprise pour créer un sentiment d’appartenance fort.
Pour finir, les entretiens d’offboarding sont stratégiques pour identifier les raisons qui ont poussé les employés à quitter la société. L’objectif étant d’empêcher les collègues du salarié qui va démissionner de suivre le même chemin.