L’OCDE et le Conseil Supérieur de l’Emploi, considèrent les soft skills comme des compétences comportementales clés pour appréhender les défis de transformation des tâches et des emplois. Très recherchées au sein des organisations en France, les compétences douces font cependant débat quant à la capacité ou non des individus à les apprendre. Pourtant, leur développement en entreprise est un enjeu de taille au regard de leur impact sur la performance individuelle et collective.
Dans un environnement professionnel devenu complexe et incertain, elles apparaissent comme des compétences indispensables, notamment pour relever le défi de la transformation digitale.
Définition des soft skills
Qu’est-ce qu’une “soft skill” ?
Résolution de problèmes, intelligence émotionnelle, la communication, la gestion du temps, la gestion du stress, l’esprit d’équipe, le leadership, l’audace, la créativité, la motivation travail, le sens de l’écoute… Si la liste de skill est longue, les termes pour traduire la notion de soft skills en français sont aussi nombreux : savoir-être, compétences comportementales, humaines, transversales… De plus, en plus, ces termes inondent les caractéristiques présentées au sein des offres d’emploi face aux compétences techniques. Et les définitions d’une skill comportementale sont tout aussi nombreuses. La définition de Sandra Bellier, Docteure en sciences de gestion, illustre la difficulté de circonscrire la notion à une seule signification.
Selon elle, elles se définissent à la fois comme :
- les caractéristiques personnelles d’un collaborateur qui lui permettent d’être reconnu comme adapté à son contexte professionnel ;
- les caractéristiques personnelles profondes et stables de l’individu qui lui permettent de réussir ;
- les caractéristiques personnelles d’un candidat ou salarié qui ne relèvent pas du savoir ou du savoir-faire.
Si les contours de cette notion polysémique sont difficiles à déterminer, la méconnaissance de notre société pour cette notion est d’autant mieux illustrée qu’aucun diplôme ne vient rétribuer ces qualités qui ne font l’objet d’aucun apprentissage.
Top 10 des soft skills les plus recherchées
- La résolution de problèmes complexes,
- La capacité d’apprentissage
- La pensée analytique et la capacité d’innovation
- La pensée critique et la faculté d’analyse
- La créativité, l’originalité et la prise d’initiative
- Le leadership et l’influence sociale
- L’utilisation, le suivi et le contrôle des technologies
- La conception et la programmation de technologies
- La résilience, la tolérance face au stress et l’adaptabilité
- Le raisonnement et la communication de nouvelles idées
Voici la liste des soft skills et qualités les plus recherchées selon le rapport du World Economic Forum. Bien évidemment, ce n’est pas une liste exhaustive.
En dépit de la prise de conscience de leur importance dans le monde de l’emploi, ces dernières ne peuvent être reconnues par aucun diplôme, à la différence des hard skills (basées sur la technique). Pour les développer, les talents doivent s’entraîner en permanence pour les acquérir.
Exemples de soft skills recherchées en entreprise
L’autonomie, une compétence douce indispensable
Au mesure que les modes de travail évoluent, les outils se diversifient et les processus se digitalisent de plus en plus. Face aux mutations du milieu professionnel, les recruteurs recherchent de plus en plus cette qualité chez les candidats : l’autonomie. Comment se traduit cette soft skill dans le monde du travail ? L’autonomie implique d’être capable de réaliser ses missions de manière indépendante, sans attendre nécessairement d’instructions ou de validations d’une autre partie. L’autonomie est prisée car elle est utile à la fois sur le terrain, si le collaborateur travaille à distance ou dans un environnement changeant. Être autonome, c’est devenir acteur de sa vie professionnelle. En étant responsable de sa gestion du temps, la personne est en mesure de prendre des initiatives, de prioriser ses tâches et de gérer correctement son planning.
L’adaptation, pour naviguer dans l’inconnu
La crise sanitaire l’a démontré : les habitudes et les acquis de chacun peuvent disparaître du jour au lendemain. Les récents bouleversements organisationnels transforment le travail en profondeur et donc, le recrutement.
Désormais, les organisations ont besoin de personnes capables de s’adapter à un environnement changeant et dynamique. S’adapter suppose d’avoir de solides soft skills tels que l’intelligence relationnelle et émotionnelle, le sens de l’écoute et le leadership. L’adaptation est également liée à la recherche de la résilience puisque évoluer dans un contexte instable nécessite de s’adapter à plusieurs situations. Le tout, sans impacter de façon significative ses performances.
Le leadership, une soft skill prisée
Toute équipe a besoin d’un leader pour la guider et la motiver à avancer dans la bonne direction. En ce sens, le leadership est une qualité essentielle dans le milieu professionnel. En effet, elle correspond au fait de fédérer et de réunir un groupe d’individus vers des objectifs communs. Cette soft skill implique d’autres compétences notamment dans le domaine de la communication. Un bon leader sait inspirer confiance à ses collègues grâce à une vision claire, des arguments précis, de l’ambition mais aussi de l’empathie pour ses collaborateurs et un bon sens du relationnel.
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La créativité pour favoriser l’innovation
La créativité est une soft skill qui a le vent en poupe. Des personnes créatives représentent une richesse pour toute organisation prête à sortir des schémas classiques et à s’ouvrir à de nouvelles innovations. En ce sens, elle doit être encouragée par l’ADN de l’entreprise et reconnue comme une compétence. Cette compétence douce permet aux organisations de rester compétitives sur un marché ultra concurrentiel. Des collaborateurs créatifs sont effectivement capables de se projeter, s’adapter et proposer des idées et solutions novatrices
L’intelligence émotionnelle, une soft skill relationnelle
L’intelligence émotionnelle correspond à une compétence douce que tout le monde s’arrache. Face à la démocratisation du modèle de travail hybride, de plus en plus d’entreprises misent sur cette soft skill. Elle correspond au fait de savoir maîtriser ses émotions, sans les imposer, tout en comprenant celles de l’autre. Elle est notamment liée à la capacité à prendre du recul, à l’empathie ainsi qu’au sens de l’écoute. Cette qualité est recherchée chez de nombreux leaders et managers. Ses bienfaits sont multiples : amélioration de la collaboration dans l’équipe, développement d’un environnement sain ou encore levier d’engagement efficace.
La pensée critique et la résolution de problèmes
Toutes deux sont des soft skills cognitives. Une personne dotée de ces qualités est reconnue capable de discernement. La pensée critique fait écho à la faculté à raisonner, à analyser, à tenir compte des paramètres de la situation en question, à développer un esprit critique pour émettre un jugement cohérent, objectif et argumenté.
La résolution de problématiques concerne la faculté d’analyse d’une situation et l’aptitude à trouver des solutions à des problématiques complexes. Un candidat doté de ces capacités sera en mesure de proposer un plan d’action clair, dans l’objectif de continuer à avancer et de prendre les meilleures décisions.
Les soft skills : innées ou acquises ?
Ces compétences peuvent-elles s’apprendre ?
Compétences comportementales, humaines, relationnelles, émotionnelles transversales, savoir-être… Si les termes pour les désigner sont nombreux, les définitions sont également plurielles. La définition de Tate (1995) semble toutefois couvrir toutes les acceptions du terme. Selon lui, elles représentent “un éventail de comportements qu’une personne doit avoir et doit être capable de mettre en œuvre pour réussir les tâches et les missions d’un métier avec compétence”
Difficile à définir, la notion divise les théoriciens et les conseils sont nombreux. À la question, “peuvent-elles s’apprendre ou pas ?”, le débat reste ouvert. Contrairement aux hard skills (compétences techniques) qui s’apprennent et s’acquièrent, certains estiment que les soft skills sont innées. En effet, selon Sandra Bellier, Docteure en sciences de gestion, elles sont « des caractéristiques profondes et stables de l’individu », elles relèvent de la personnalité des individus et donc ne s’apprennent pas.
Pour d’autres comme Bobot (2008), elles peuvent être exercées et améliorées dans des situations apprenantes spécifiques.
À considérer qu’elles s’apprennent, il est nécessaire de les distinguer des traits de personnalités innés tels que l’introversion. Ainsi, l’introversion d’un salarié le suivra toute sa vie mais il peut s’entraîner à développer sa communication avec ses clients ou avec ses collaborateurs.
Intégrer l’apprentissage dans la culture d’entreprise
La capacité réflexive serait une condition sine qua non dans l’apprentissage des soft skills, d’après une enquête menée en 2017 auprès de 23 professionnels RH. Pour que leur développement soit efficace, les apprenants doivent être dans une démarche volontaire de progression, être en mesure d’identifier leurs propres compétences et les façons d’en acquérir de nouvelles.
- Le collaborateur doit trouver un intérêt à cette expérience d’apprentissage
- À l’inverse des compétences techniques, ces dernières ne s’apprennent pas par transmission. L’individu doit donc être dans une démarche personnelle. C’est-à-dire tirer partie des apprentissages de chaque expérience pour adapter son comportement et améliorer chaque skill visée.
Certains outils favorisent la réflexivité : l’évaluation par les pairs via le 360° permet de prendre du recul sur la perception de soi. La mise en situation professionnelle, les jeux de rôle filmés, l’utilisation de la PNL, l’analyse transactionnelle et le coaching sont également des outils qui permettent de travailler sur les justes comportements.
Si l’apprentissage des soft skills doit faire l’objet d’une démarche réflexive à l’initiative du collaborateur ou du candidat, les managers et les dirigeants doivent être les premiers à les acquérir dans un souci d’exemplarité. De cette façon seulement, ils seront capables de créer des conditions propices à ce développement. L’implication du management dans ce développement est donc indispensable. Le manager peut proposer un entretien ou même un test de personnalité au salarié en poste pour identifier ses axes d’amélioration et ses points forts. Faire de l’apprentissage un élément clé de votre ADN et de votre culture d’entreprise permet d’encourager chacun des collaborateurs à en faire de même.
Comment former les managers aux soft skills ?
L’importance de montrer l’exemple
L’importance de l’exemplarité du dirigeant et du management au sein de l’organisation n’est pas une idée nouvelle. Cette prise de conscience puisait déjà ses sources en 1938 lorsque Jean Mersch créa le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprises (CJD), un mouvement d’entrepreneurs.
Pour Jean Mersch, l’humain doit être au cœur de l’entreprise. Un manager bien dans sa peau, ce sont des talents bien dans leur peau. C’est pourquoi les dirigeants de son mouvement s’engagent à se former aux compétences douces avec leurs collaborateurs. Pour cela, 4 forums formations par an ont lieu à un niveau régional pour permettre aux dirigeants accompagnés de leurs salariés de se former. L’objectif de ces forums est de remettre l’humain au cœur des intérêts de la société.
Si la volonté de s’améliorer doit venir du collaborateur, le manager doit avant tout montrer l’exemple en manifestant sa motivation à se former afin d’encourager les collaborateurs à faire de même. C’est un cercle vertueux.
Comment développer vos soft skills ?
Leur développement nécessite des moments de formation spécifiques grâce à des mises en situation réelles, des expérimentations et des retours collectifs sur la mise en pratique. L’approche collective et les retours sont importants dans la construction de la compétence du savoir-être car ils permettent de prendre du recul.
Parmi les solutions existantes, Theurelle-Stein et Barth ont développé un outil pour « gamifier » leur apprentissage. Il s’agit d’une plateforme collaborative dont les contenus s’enrichissent grâce aux contributions des utilisateurs. Chaque parcours est conçu pour les évaluer et les développer. Le but de l’utilisateur est d’atteindre l’objectif fixé via la collaboration, l’entraide, des échanges d’items, et l’opportunité de comparer ses résultats.
Des compétences indispensables pour les entreprises
Pourquoi les soft skills séduisent-elles autant ?
L’intérêt du milieu professionnel pour les compétences douces peut s’expliquer par trois phénomènes qui se répondent (Bailly & Léné, 2015).
D’une part, la digitalisation de tâches répétitives et standardisées implique une transformation massive des emplois. En effet, d’ici à 2030, 30 à 40 % des tâches quotidiennes de plus de la moitié des métiers devraient être automatisées (étude McKinsey).
D’autre part, l’évolution rapide des activités due à un environnement hyperconcurrentiel et en mutation requiert le besoin de s’adapter.
Enfin, le développement des Technologies de l’Information et de la Communication a complexifié les relations professionnelles : le client est désormais omniprésent dans les processus de production, d’où l’importance pour les sociétés de s’appuyer sur son savoir-être.
Dans une économie marquée par les rapides évolutions technologiques et digitales, être doué en communication, savoir s’adapter et l’aptitude à développer ses propres compétences, est indispensable pour accroître sa compétitivité. Les soft skills sont ainsi des facteurs de croissance, d’employabilité, de performance, et de rétention des talents. Identifier ces qualités représente une véritable aide à la prise de décision.
Les soft skills : un avantage concurrentiel
Les Soft skills favorisent l’employabilité :
Les hard skills relèvent de la technique pure et sont généralement applicables à un seul et unique métier. À l’inverse, les soft skills sont transposables d’un métier à l’autre car elles permettent l’adaptabilité des collaborateurs à des situations nouvelles. Ainsi, avec l’avènement des services en ligne, le secteur bancaire cherche plutôt à axer ses processus de recrutement plutôt vers des personnes accueillantes et à l’écoute que des techniciens. « Une grande banque a même décidé de recruter dans le monde de la restauration » expliquait Christophe Catoir, président France de The Adecco Group.
Elles augmentent la performance de votre organisation :
Avec la transition numérique, la compétitivité des organisations est menacée : l’environnement professionnel devient de plus en plus complexe et incertain notamment en raison de la rapide transformation des métiers. Pour maintenir leur avantage concurrentiel sur le marché, celles-ci s’entourent de collaborateurs :
- capables de modifier leurs comportements pour s’adapter à un environnement donné afin d’améliorer la performance adaptative des salariés (Johnson).
- sachant faire preuve de “comportements de citoyenneté organisationnelle » – expression forgée par Organ et ses collaborateurs (1983-1988) – c’est-à-dire des comportements exemplaires tels que l’altruisme qui développent la performance contextuelle des salariés.
Ainsi, une personne dotée d’un esprit d’équipe, qui sait s’adapter, qui a le sens de l’écoute, sera d’autant plus efficace, productive et compétitive.
Elles améliorent la QVT :
Avec son projet Oxygen, Google a montré que la performance des équipes était liée à la sécurité relationnelle de ses membres. Deux facteurs liés au mode de fonctionnement des collaborateurs expliquent le lien entre performance collective et sécurité relationnelle : ‘‘equality in distribution of conversational turn-taking,’’ c’est-à-dire la capacité de chacun des à s’exprimer à parts égales (quel que soit le moment et le sujet) et ‘‘average social sensitivity, ’’ qui désigne leur aptitude à percevoir les émotions de leurs collègues, en analysant notamment leur langage non verbal. En assurant la sécurité relationnelle, la confiance, la bienveillance et le respect mutuels améliorent la qualité de vie au travail, désormais QVCT.
Bien que la notion reste floue, la transformation numérique qui bouleverse le paysage professionnel fait des soft skills un avantage concurrentiel incontournable pour chaque organisation. Les développer en interne apparaît dès lors une nécessité plus qu’un conseil.
Si les compétences purement techniques restent des facteurs de performance indispensables, les recruteurs et les candidats ont pris conscience de l’avantage concurrentiel incontournable des compétences « soft » pour faire face aux mutations à venir.
Par Laurène Boussé & Caroline Béguin