La transidentité est-elle un obstacle à l’embauche ? 8 recruteurs sur 10 considèrent que oui, selon une récente étude menée par OpinionWay pour Indeed (2023).
Mais une fois en poste, les personnes trans se heurtent là encore à d’autres difficultés.
Comment lutter contre les discriminations à l’embauche et au travail à l’échelle de l’entreprise ? Qu’attendent les candidats des organisations à ce sujet ?
Éclairages.
Transidentité : de quoi parle-t-on ?
- Comprendre la transidentité
Tout d’abord, tentons de définir la notion de transidentité. Lorsque l’on évoque cette question, il est nécessaire de parler des personnes trans : « Une personne trans est une personne qui ne s’identifie pas à son sexe de naissance », rappelle une source gouvernementale.
Par conséquent, il s’agit de personnes dont le sexe ne correspond pas à l’identité de genre, et donc au sentiment d’être un homme ou une femme, voire ni l’un ni l’autre, ou les deux à la fois.
Dans l’ouvrage Transidentités et transitude (2022), Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas, consacré notamment à la déconstruction des stéréotypes liés à la transidentité, on apprend que le terme « transidentité » se réfère à la construction d’une identité de genre, et non d’une identité sexuelle.
Selon les deux autrices, si les mentalités évoluent, les personnes trans demeurent encore stigmatisées de façon quotidienne.
On parle aussi de « transphobie », c’est-à-dire le mépris, le rejet ou la haine des personnes trans et des comportements liés aux transidentités.
- Transidentité et obstacles à l’embauche
Selon une étude de 2014 rapportée par le gouvernement*, 8 personnes trans sur 10 auraient été victimes de discriminations à caractère transphobe durant leur vie.
Et si cette transphobie touche toutes les sphères de la vie sociale, l’emploi ne fait pas exception : un tiers des enquêtés trans ont déclaré avoir perdu un job à cause de cela, et le taux de chômage est également plus élevé. Une étude récente menée par OpinionWay pour Indeed a d’ailleurs révélé que la transidentité était un obstacle à l’embauche pour 8 recruteurs sur 10.
- Transidentité et discriminations au travail
La qualité de vie des personnes trans se trouve donc gravement impactée, mais leur épanouissement professionnel et leur QVCT aussi, dès lors qu’elles occupent un emploi, en se heurtant à de nouvelles difficultés, lesquelles sont par ailleurs reconnues par une majorité de recruteurs et de candidats dans l’étude OpinionWay x Indeed (2023).
Selon une étude internationale publiée en 2021 par Boston Consulting Group avec le soutien de TÊTU**, si 58 % des personnes LGBTQ+ (54 % en France) disent avoir été victimes de discriminations sur leur lieu de travail (plaisanteries déplacées, mise à l’écart, non prise au sérieux…), on observe que les personnes transgenres et non-binaires sont particulièrement touchées par ce fléau. En Europe, 72 % d’entre elles font état de situations à caractère discriminatoire, contre 53 % chez les LGBTQ.
De manière plus générale, selon les chiffres rapportés par le ministère de l’Intérieur, 11 % des actes anti-LGBTQIA+ rapportés ont eu lieu au travail en 2021 (contre 9 % en 2020). Parmi les principales manifestations de discriminations ou de violence, on cite en premier lieu le rejet (57 %), puis le harcèlement par des collègues (49 %) et les insultes (48 %). Notons par ailleurs que sur une période de 2016 à 2021, le nombre d’actes anti-LGBT+ a doublé (+104 %).
- Le saviez-vous ? L’identité de genre figure parmi les 26 motifs de discrimination établis par la loi, à l’instar de l’âge, le sexe, l’origine, l’orientation sexuelle, l’état de santé, etc. (art.225-1 du Code pénal et article L. 1132-1 du Code du travail).
*Source : Arnaud ALESSANDRIN et Karine ESPINEIRA, Sociologie de la transphobie, MSHA, 2015.
**Why the First Year Matters for LGBTQ+ Employees
Comment lutter contre la transphobie à l’échelle de l’entreprise ?
- Sensibilisation et bonnes pratiques
Pour sensibiliser ses équipes, il est possible d’organiser des ateliers de sensibilisation. L’association Gen·Club propose par exemple des ateliers qui traitent de la définition des termes LGBTQIA+ clés et propose des cas pratiques pour tendre vers un langage inclusif.
En outre, notons que parmi les actions prioritaires à adopter par les entreprises selon les recruteurs et les candidats, voici ce que l’étude OpinionWay pour Indeed fait ressortir :
- la sensibilisation des collaborateurs, des managers et des responsables des ressources humaines via des réunions ou un guide, sur le sujet de la transidentité ;
- la mise en place par l’employeur de bonnes pratiques avant le recrutement d’un nouveau salarié dans le cadre de son onboarding, en lui demandant, avant son arrivée, quels prénoms et pronoms « il/elle/iel »* utiliser pour s’adresser à cette personne et lesquels afficher dans l’organigramme, la fiche de paie, l’adresse mail, etc.
*Le saviez-vous ? En français comme en anglais, on peut observer depuis quelque temps ces nouvelles mentions bien singulières figurer dans les biographies des personnes sur les réseaux sociaux comme Instagram par exemple. Mais elles apparaissent aussi dans les signatures d’e-mails, sur les cartes de visite, et même sur les badges accrochés aux sacs à dos des étudiants.
Par ailleurs, notons que l’utilisation d’un vocabulaire plus inclusif constitue également un levier d’action non négligeable. Concernant le sujet des congés pour les parents, par exemple, vous pouvez parler de « congé second parent » plutôt que de « congé paternité », par exemple. C’est précisément ce qu’a fait la start-up Swile, en instaurant un congé second parent de 30 jours. De même, lorsque vous rédigez vos offres d’emploi, utiliser l’écriture inclusive en ce sens est pertinent.
- L’accompagnement par la formation
Afin de lutter contre les discriminations transphobes auxquelles sont sujettes les personnes trans, les entreprises peuvent être accompagnées par une association spécialisée sur les questions liées aux transidentités et LGBT+.
Par exemple, l’association L’Autre Cercle, qui œuvre à l’inclusion des personnes LGBT+ au travail, propose des formations à l’usage des entreprises en ce sens. L’association, qui a près de 20 ans d’expertise en gestion de la diversité LGBT+, a accompagné de nombreuses organisations au travers d’un pôle conseil & formation.
Ses intentions ? Proposer des interventions destinées aux différents niveaux hiérarchiques de l’entreprise : cadres, DRH, directions Diversité & Inclusion, partenaires sociaux, etc. Il s’agit aussi s’adapter aux nécessités des entreprises dans tous types de secteurs, peu importe la taille de l’organisation par ailleurs.
Voici quelques exemples d’interventions proposées :
- « Faire un état des lieux de l’organisation en matière d’inclusion LGBT+ et définir un plan d’action adapté » ;
- « Piloter ou accompagner la mise en œuvre du plan d’action » ;
- « Accompagner l’employeur devant une situation de transidentité » ;
- « Mettre en place un réseau interne LGBT+ (ERG) » ;
- « Développer un réseau de référents/correspondants/ambassadeurs inclusion LGBT+ ».
- Désigner une personne référente
Il est parfois plus confortable pour les personnes directement concernées par ces questions de pouvoir s’adresser à quelqu’un qui a une sensibilité particulière à celles-ci. Au sein de l’entreprise, il peut être pertinent de nommer un(e) référent(e) interne chargé(e) de répondre aux interrogations et d’apporter un accompagnement aux salariés confrontés à des discriminations. Cette approche est déjà mise en œuvre dans plusieurs entreprises, à l’instar de Renault.
Enfin, pour lutter contre les discriminations liées aux transidentités, les entreprises peuvent aussi décider de soutenir une association spécialisée dans la lutte pour les droits des personnes LGBTQIA+ (ex. SOS Homophobie, Le Refuge, etc.)
- L’inclusion, une priorité pour près de 80 % de candidats
Aujourd’hui, recruteurs et candidats s’accordent pour affirmer que ces derniers sont particulièrement sensibles aux questions relatives à l’inclusion, à en croire les résultats de l’étude OpinionWay x Indeed (2023).
Dans l’ensemble, candidats et recruteurs s’accordent également sur le fait que les entreprises ont un rôle à jouer pour faire avancer le changement des mentalités sur la question des transidentités (71 % côté recruteurs, 84 % côté candidats), mais moins de la moitié des entreprises auraient mis en place des dispositifs dédiés à l’intégration des personnes trans, selon les recruteurs sondés.
- Attention au (trans)washing
Si la majorité des recruteurs affirment que leur entreprise communique sur les dispositifs instaurés pour favoriser l’intégration de personnes trans (87 %), on sait aujourd’hui que les risques liés au washing pour valoriser sa marque employeur sont nombreux. On l’aura compris, il ne s’agit donc pas seulement de se contenter de signer une charte liée à la diversité, mais de déployer en son sein une véritable politique inclusive de manière à l’incorporer dans la culture de l’entreprise.