Radiall est une entreprise industrielle qui compte plus de 3000 collaborateurs dans le monde, avec un tiers d’entre eux implanté sur les sites français.
Dans cet entretien, Messaoud Mahmoud — responsable du digital learning chez Radiall — revient sur la stratégie de formation de l’entreprise et les dispositifs déployés dans le but de susciter, d’accroître et d’entretenir l’engagement des apprenants.
Comment gérez-vous la formation continue dans un environnement international avec des équipes réparties sur plusieurs continents ?
Notre stratégie de formation est construite sur un modèle de gestion à deux niveaux :
- une décentralisation des plans de formation à l’échelle locale d’une part,
- une gestion de la formation professionnelle plutôt axée sur une vision corporate, d’autre part.
En effet, avec plus de 3000 collaborateurs répartis sur plusieurs sites à travers le monde, notre entreprise a besoin de dispositifs d’apprentissage continu adaptés aux spécificités locales. Ceci tout en garantissant une certaine cohérence globale.
En ce sens, chaque site dispose d’une grande autonomie pour élaborer des plans de formation qui répondent aux besoins spécifiques des collaborateurs terrain. Cette approche décentralisée permet ainsi aux chargés de formation locaux d’être en phase avec les besoins réels des équipes, en fonction de la réalité industrielle et culturelle de chaque site.
Par exemple, les besoins de formation sur nos sites en France peuvent être différents de ceux situés en Inde ou au Mexique. Or, nous voulons que chaque site puisse réagir de manière flexible et réactive aux besoins de ses collaborateurs. Et ce, qu’il s’agisse d’opérateurs de production, de techniciens ou des équipes commerciales.
En parallèle, nous avons développé une plateforme de formation commune : Radiall Campus, lancée en 2021. Assez récent, ce LMS a notamment été pensé pour faciliter l’accès à la formation de manière transversale. Le but étant de permettre à la fois l’uniformisation des contenus et une meilleure réactivité.
À ce titre, l’outil nous permet d’ailleurs d’homogénéiser certains sujets critiques. Notamment ceux relatifs aux formations obligatoires comme l’anticorruption ou la conformité. Des thématiques sur lesquelles nous avons par exemple été en mesure de former l’ensemble de l’effectif dans un délai réduit. Preuve de l’efficience de ce type de déploiement digital, mais aussi de la capacité du processus hybride à rendre le développement des compétences beaucoup plus agile.
De fait, Radiall Campus joue un rôle fondamental dans la réduction du délai entre la demande de formation d’un salarié et l’accès à celle-ci. Le fait d’avoir cette infrastructure digitale en complément nous permet ainsi de réduire le temps de réaction. Mais également de garantir que les formations restent disponibles sur le long terme en permettant la combinaison d’actions en présentiel et au format e-learning (blended learning) dès que les collaborateurs expriment un besoin de formation continue.
Quels défis avez-vous rencontrés lors du lancement de votre plateforme de formation ? Et comment avez-vous réussi à engager les collaborateurs ?
En pratique, le lancement de Radiall Campus — il y a un peu plus de trois ans maintenant — a été un véritable tournant en ce qui concerne la formation professionnelle au sein de l’entreprise. Cependant, l’arrivée de la plateforme n’a pas été exempte de défis pour autant. En particulier en ce qui concerne l’engagement des collaborateurs.
Entre nous, il faut bien commencer quelque part, mais nous avons rapidement compris qu’une simple mise à disposition du LMS ne suffirait pas pour atteindre nos objectifs. Pour que la transformation soit un succès, nous devions accompagner ce lancement d’initiatives ciblées visant à sensibiliser et engager nos collaborateurs. En clair, il nous fallait acculturer les équipes qui d’un pays à l’autre — j’y reviendrai — n’ont pas le même rapport au développement des compétences.
Pour ce faire, nous avons d’abord souhaité augmenter la visibilité et l’utilisation du LMS en organisant des « road shows » sur les différents sites de production. Ces ateliers en présentiel ont permis de montrer concrètement aux équipes ce que Radiall Campus pouvait leur apporter.
Par exemple, nous avons démontré comment les compétences apprises sur la plateforme pouvaient se traduire en opportunités concrètes d’évolution professionnelle. Ceci en insistant sur l’aspect pratique et la valeur ajoutée pour chacun. De même, nous avons également cherché à identifier les éventuelles réticences, notamment vis-à-vis de l’autoformation et du digital, afin d’y répondre.
À côté de ces animations, nous avons également déployé toute une stratégie de communication sur la formation il y a un an et demi. Pour cela, nous avons lancé une newsletter interne portant sur l’actualité de la formation. L’enjeu étant de susciter de l’intérêt et, en définitive, de normaliser l’utilisation de la plateforme. Ceci en rendant Radiall Campus plus présent dans le quotidien des collaborateurs.
Autre volet essentiel à la démocratisation de l’apprentissage continu chez Radiall : l’enrichissement des contenus pédagogiques.
Au début, notre offre se concentrait surtout sur les soft skills, des compétences nécessaires, mais pas toujours perçues comme prioritaires par des collaborateurs issus de milieux techniques. Nous avons donc rapidement décidé d’étoffer notre offre avec des contenus techniques et métiers. En ce sens, nous avons ajouté des modules sur les procédés de fabrication spécifiques de Radiall, sur la qualité, ainsi que sur des aspects précis de nos produits. Il s’agit de capsules aujourd’hui très consultées par nos salariés qui y trouvent un lien direct avec leur réalité professionnelle.
De manière plus générale, nous avons constaté des différences culturelles et régionales en matière d’engagement. Par exemple, les équipes indiennes et mexicaines ont naturellement une grande appétence pour l’autoformation. Ces collaborateurs ont donc rapidement adopté le LMS et font partie des plus actifs en termes d’heures de formation consommées. À l’inverse, les efforts de sensibilisation ont dû être plus importants vis-à-vis des sites français où les collaborateurs restent encore attachés au format présentiel et, pour l’heure, moins habitués à l’autoformation. C’est pourquoi nous avons aussi adapté nos méthodes d’accompagnement en fonction de chaque pays. Ce qui a permis d’obtenir des résultats plus homogènes malgré les disparités initiales.
Bien entendu, les managers constituent aussi un pilier essentiel de notre stratégie d’engagement. Ces derniers ont donc bénéficié des workshops dédiés pour qu’ils puissent s’approprier les outils de pilotage — tableau de bord, par exemple —, mais également afin qu’ils endossent le rôle d’ambassadeurs de la formation.
Ainsi, notre stratégie visant à dynamiser l’engagement des apprenants se décline en trois volets : la communication, l’enrichissement de contenu et l’accompagnement, et les contenus pédagogiques eux-mêmes.
Aujourd’hui, les résultats sont probants puisqu’en l’espace d’un an nous avons observé une multiplication par trois, voire quatre, du nombre d’utilisateurs actifs sur le LMS avec un taux de récurrence nettement amélioré. Plus que des chiffres, c’est aussi le signe d’un changement culturel, où la formation n’est plus perçue comme une contrainte, mais plutôt comme un outil de développement à la fois professionnel et personnel.
De quelle manière le LMS Radiall Campus intervient-il dans le parcours d’intégration des nouveaux collaborateurs ?
Comme dans la plupart des entreprises, l’intégration des nouveaux collaborateurs est un moment charnière du parcours professionnel au sein de Radiall. De fait, nous avons voulu faire de la formation un élément central de l’onboarding.
Dès leur arrivée, les nouvelles recrues ont donc accès à un parcours d’onboarding via Radiall Campus. Celui-ci couvre de nombreux aspects allant de l’histoire et des valeurs de notre organisation à des informations plus pratiques sur les différents sites, les présentations des équipes, des produits, etc. L’onboarding digital Radiall a été conçu pour être aussi complet que possible, il comprend donc près de 5 heures de contenus pédagogiques répartis en plusieurs modules. En parallèle, le nouveau collaborateur participe évidemment à des rencontres en présentiel et des temps d’échanges organisés par les équipes RH.
Ce modèle d’intégration hybride permet de combiner l’autonomie de l’autoformation avec des moments d’interaction à plus forte valeur ajoutée. Ces derniers étant indispensables pour créer un vrai sentiment d’appartenance chez le nouvel employé.
De même, nous avons aussi cherché à personnaliser le parcours d’intégration selon les profils recrutés. En effet, les opérateurs de production et les fonctions support n’ont, par exemple, pas les mêmes besoins et attentes lors de l’intégration. Par conséquent, un opérateur de production accède à des modules spécifiques sur les règles de sécurité (HSE) ou sur les processus de fabrication. Tandis qu’un collaborateur en support à davantage de contenus sur les systèmes d’information internes ou les procédures administratives. Car, selon nous, ce niveau de personnalisation est essentiel pour que chaque collaborateur se sente immédiatement concerné.
Vous l’avez sûrement compris, en réalité l’enjeu va au-delà de l’onboarding. Il s’agit aussi, et surtout, de poser les bases d’une culture d’entreprise basée sur la formation continue. Dès le début, nous voulons donc que nos nouveaux collaborateurs voient Radiall Campus comme une ressource précieuse à leur disposition tout au long de leur parcours professionnel.
Quels sont les axes sur lesquels vous travaillez aujourd’hui pour rendre la formation encore plus attractive et adaptée aux besoins des équipes ?
Comme je l’ai indiqué un peu plus tôt, le LMS est assez récent au sein de notre entreprise. Ces dernières années, nous étions donc dans une première phase visant l’adoption de la plateforme et du blended learning.
Désormais, nous sommes dans une phase d’amélioration de l’expérience apprenante. Notre objectif est de créer un environnement de formation dynamique et interactif qui favorise une acquisition de compétences efficiente.
Pour cela, nous explorons diverses approches et souhaitons nous diriger vers un modèle davantage axé sur le « Learning by Doing » qui repose sur l’apprentissage par la pratique. Ce type de formation étant, bien entendu, particulièrement adapté à nos métiers techniques, où la théorie ne suffit pas toujours à garantir l’efficacité des apprentissages.
Depuis le début de l’année, nous avons déjà introduit la gamification avec des badges et des challenges mis en place afin que les collaborateurs se mesurent entre eux et gagnent des récompenses symboliques. En complément, nous explorons également la piste de l’intégration de la réalité virtuelle dans nos parcours de formation. Celle-ci permettrait alors de créer des simulations pour permettre à nos équipes de s’entraîner dans un environnement sécurisé avant d’intervenir dans le monde réel (immersive learning).
C’est, entre autres, une modalité pédagogique qui pourrait répondre à notre volonté de rendre l’apprentissage à la fois plus engageant, pertinent et efficace.
Nous travaillons également sur le développement d’une approche basée sur le « social learning » pour maximiser les échanges et le partage d’expériences entre les collaborateurs. Ici, l’idée est de permettre à chacun, collaborateur ou expert métier, de contribuer à la formation en partageant des contenus, en recommandant des parcours ou tout simplement en discutant de sujets pédagogiques avec ses pairs. Ceci afin que la plateforme devienne finalement un espace collaboratif où l’on peut apprendre, enseigner, échanger autour de la formation et des compétences.
Nous n’y sommes pas encore, mais à terme l’ambition est de nous diriger vers une stratégie learning qui permettra de proposer une expérience apprenante entièrement personnalisée. C’est-à-dire avec un contenu adapté à 100 % au profil de chaque apprenant, selon son métier, son niveau de compétences et ses aspirations. Car je pense que c’est bien là la clé d’une formation efficace, engageante et motivante : offrir à chaque collaborateur un parcours pédagogique qui fait sens pour lui.