Si le droit à la déconnexion doit être respecté, les nouveaux modes de travail tels que le télétravail peuvent rapidement venir brouiller les frontières du point de vue de l’équilibre vie professionnelle vie personnelle. Depuis quelques années, le télétravail s’est largement imposé dans la sphère professionnelle et prend désormais une place importante en entreprise. Notamment, on le sait, depuis la crise sanitaire liée au Covid. Et les entreprises ne sont pas à l’abri de certaines dérives.
Que dit le Code du travail à cet égard ? Comment garantir le droit à la déconnexion des collaborateurs à distance ? Quels risques encourent les employeurs s’ils ne respectent pas les modalités prévues par la loi ? Quels sont les impacts sur la QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail) et sur la marque employeur ? Quelques éléments de réponse dans cet article.
Droit à la déconnexion et télétravail : que dit le Code du travail ?
Le cadre légal du droit à la déconnexion est défini par l’article L2242-17 du Code du travail :
« Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de répit et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
Le droit à la déconnexion permet d’assurer l’équilibre des temps de vie (work-life balance) des employés. En considérant les temps de repos et de congé des collaborateurs. Il s’agit pour un salarié de ne pas avoir à être connecté à un outil digital (téléphone professionnel, ordinateur professionnel, etc.) en dehors des temps de travail.
- Notons que le 21 janvier 2021, le Parlement européen a adopté une résolution visant à demander à ce que le droit à la déconnexion des équipes soit reconnu comme un droit fondamental et explicitement réglementé par le droit de l’UE.
Télétravail et droit à la déconnexion : le difficile équilibre des temps de vie
Cela concerne non seulement les salariés en présentiel, mais aussi ceux en télétravail. Car la question du droit à la déconnexion peut être parfois difficile à appréhender en contexte de télétravail. Le développement de la transformation digitale et des outils numériques vient requestionner la garantie du repos et du bien-être des salariés dans une logique QVCT. La frontière entre le privé et le travail est de plus en plus poreuse au fil de ces transformations.
Coups de fil professionnels en soirée, mails dits urgents en dehors des horaires de travail, notifications intempestives… Les sollicitations d’ordre professionnel peuvent être nombreuses en dehors des temps de travail. Et difficile de déconnecter lorsque l’on est habitué à traiter la moindre notification sur son téléphone, même pendant les vacances.
En 2021, l’agence européenne Eurofound a mené une étude sur le droit à la déconnexion en faisant l’examen des pratiques des entreprises. Et parmi les principales conclusions :
Les données d’Eurofound montrent que les télétravailleurs sont deux fois plus susceptibles de dépasser la limite de 48 heures de travail, de ne pas prendre suffisamment de repos et de travailler pendant leur temps libre, ce qui a des répercussions sur leur santé physique et mentale. Pour remédier à ce problème, des voix se sont fait entendre en faveur d’un «droit à la déconnexion». Ce rapport se fonde sur des études de cas qui illustrent l’application et l’incidence du droit à la déconnexion (…)
Les risques encourus en cas de non-respect
Depuis janvier 2017, le droit à la déconnexion (télétravail ou non) fait partie des thématiques à évoquer dans le cadre d’une NAO (Négociation Annuelle Obligatoire) sur la qualité de vie en entreprise dans toutes les organisations professionnelles disposant d’une représentation syndicale. Les organisations ne répondant pas à ce critère doivent tout de même veiller à l’application effective dudit droit à la déconnexion (télétravail ou non). Même lorsqu’il n’y a pas d’accord collectif ou de charte par exemple.
En cas de non-respect de l’obligation d’instaurer des discussions sur cette question lors des NAO, l’employeur peut encourir un an d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros. Mais lorsque aucune charte prévoyant le droit à la déconnexion des employés existe, il n’y a pas de sanction prévue par le Code du travail.
- Bon à savoir :
En juillet 2018, un arrêt de la Cour de cassation a affirmé qu’une indemnité d’astreinte devra être octroyée au salarié que l’on a sollicité de sorte à ce que celui-ci reste « en permanence disponible avec son téléphone portable pour répondre à d’éventuels besoins et se tenir prêt à intervenir en cas de besoin. »
Pour conclure, ne pas respecter cet impératif expose l’employeur à des sanctions qui peuvent être de l’ordre du civil comme du pénal. D’où l’importance de déployer des actions visant à garantir en toutes circonstances – télétravail ou non – le droit à la déconnexion et au répit des salariés.
Comment garantir le respect de ce droit en télétravail ET en présentiel ?
Afin de garantir l’application effective du droit à la déconnexion, l’entreprise peut mettre en place en interne un certain nombre de bonnes pratiques en ce sens.
Voici quelques exemples de ces « bonnes pratiques » :
- Définir des plages horaires fixes auxquelles les personnes en télétravail devront rester joignables
- Former les managers pour que ces derniers puissent « montrer l’exemple » notamment
- Former l’ensemble des équipes
- Permettre la mise en place de systèmes informatiques pour bloquer les messageries en dehors des horaires concernés
- Développer de la documentation à l’usage de chaque collaborateur (guide du droit à la déconnexion, communication interne via Intranet, etc.)
- Ne pas hésiter à invoquer le droit à la déconnexion en fin de mail (ex : « Si vous voyez ce message après 18h, vous n’êtes pas tenu de le consulter ni d’y répondre »)
Autant d’initiatives que les collaborateurs apprécieront et qui peuvent totalement s’inscrire dans votre culture d’entreprise. Veillez toujours à ce que ce vous communiquiez – en interne comme en externe – soit le reflet de la réalité (car les équipes ne sont pas dupes). L‘expérience collaborateur doit toujours être soignée en ce sens. Vous renforcerez en plus votre marque employeur.
Enfin, rappelons que les risques encourus par les entreprises en cas de non-respect du droit à la déconnexion en télétravail ou en présentiel peuvent non seulement affecter la santé des salariés et leur motivation, mais aussi, de facto, l’engagement collaborateur (avec un risque de désengagement, de baisse en productivité et en performance sur le long terme) et votre marque employeur. Lorsque les employés se sentent libres de déconnecter sans culpabiliser, vous oeuvrez en plus à leur épanouissement professionnel.