Le Club Med, entreprise emblématique et leader mondial des vacances tout compris, compte près de 70 resorts premium et Exclusive Collection, ainsi qu’une vingtaine de bureaux répartis sur les 5 continents. Avec 30 000 Gentils Organisateurs (G.O) et Gentils Employés (G.E), l’organisation couvre 120 métiers dans ses Resorts et 400 dans ses bureaux.
Par son parcours, Caroline Basset, Directrice des Ressources Humaines France, incarne elle-même la politique de mobilité déployée par cet acteur du tourisme.
Dans cet entretien accordé à myRHline, elle explique ainsi l’approche mobilité interne du Club Med et comment l’entreprise déploie cette stratégie, au sein d’un secteur marqué par la saisonnalité et confronté à des défis croissants en matière de gestion RH.
Comment le Club Med intègre-t-il la mobilité interne dans sa stratégie RH ?
La mobilité interne est une pierre angulaire de la stratégie RH au Club Med. Elle fait partie de nos cinq valeurs fondamentales et témoigne de notre volonté à accompagner nos collaborateurs dans leur développement professionnel et personnel.
Je suis moi-même un exemple de cet engagement porté par l’entreprise. En effet, cela fait 25 ans que je travaille pour le Club Med, où j’ai pu évoluer à différents postes : à des fonctions commerciales, dans le recrutement, en tant que HRBP pendant 14 ans, puis avec des responsabilités RH sur d’autres zones géographiques comme l’Afrique, le Moyen-Orient et l’océan Indien.
Depuis juillet, j’ai pris la direction des ressources humaines pour la France. Cette trajectoire personnelle reflète bien la philosophie de l’entreprise : la mobilité interne, qu’elle soit nationale ou internationale, est au cœur de ce que nous sommes.
C’est une force dans un monde du travail confronté à de multiples défis, notamment celui de fidéliser les talents. Et ce, tout en les aidant à monter en compétences. Car, c’est une réalité — pour le Club Med, mais aussi pour bon nombre d’entreprises —, le marché de l’emploi est extrêmement dynamique et les attentes des jeunes générations évoluent rapidement. Désormais, ces derniers recherchent moins une carrière à long terme, et davantage d’expériences nouvelles. C’est-à-dire des opportunités pour enrichir leurs compétences et évoluer.
Pour répondre à ces besoins, nous devons donc offrir des dispositifs d’accompagnement flexibles. Ceux-ci sont alignés à la fois sur les aspirations individuelles et sur les besoins de l’entreprise.
Au sein du Club Med, nous avons notamment mis en place une mécanique structurée qui repose sur des passerelles de formation et d’accompagnement.
Zoom sur l’Université des Talents du Club MedÀ titre d’exemple, notre Université des Talents est un outil clé qui nous permet de proposer des parcours prédéfinis, adaptés à nos besoins stratégiques et au marché actuel. Mais aussi aux retours d’expérience de nos collaborateurs. Car nous restons en permanence à leur écoute, qu’ils souhaitent évoluer dans leur métier actuel ou changer de domaine. |
C’est ainsi que nous sommes en mesure de proposer des parcours professionnels enrichis et variés. Accessibles aussi bien dans les bureaux que dans nos resorts, ceux-ci apportent une véritable fluidité entre les différents environnements de travail : un collaborateur en Resort peut ainsi être accompagné pour rejoindre un poste au siège, ou inversement.
Une autre particularité de notre stratégie est l’intégration des postes saisonniers. Alors qu’ils pourraient être perçus comme précaires, nous les intégrons pleinement dans notre politique de mobilité interne. Grâce à nos passerelles intragroupes, ces postes deviennent des opportunités pour accéder à d’autres fonctions après le contrat initial.
Dès lors, un collaborateur saisonnier peut évoluer vers d’autres postes. D’une saison d’hiver à une expérience balnéaire en suivant, par exemple. De même, comme je le disais, il peut aussi, par la suite, occuper des fonctions transverses ou encore évoluer vers un emploi de manager.
Nous avons de nombreux exemples de collaborateurs qui ont commencé leur carrière comme chef de partie et sont devenus chef de cuisine, ou qui ont été recrutés au recrutement, justement, avant d’évoluer vers des postes de direction.
Aujourd’hui, 80 % de nos postes managériaux sont d’ailleurs pourvus grâce à la mobilité, et 100 % de nos chefs de village, les directeurs de nos Resorts, sont issus de promotions internes. Les résultats de cette politique sont donc très concrets.
De quelle façon l’accompagnement à la mobilité est-il orchestré au sein du Club Med ?
L’accompagnement de nos collaborateurs dans leurs projets de mobilité (interne et internationale) repose sur des outils dédiés et des dispositifs personnalisés.
Tout d’abord, chaque projet de mobilité est traité de manière individuelle. Ceci en prenant en compte différents paramètres : le collaborateur, son parcours, sa nationalité, le poste envisagé et, j’y reviendrai, les besoins du Club Med.
Bien entendu, un des piliers de cet accompagnement est notre service de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) qui vient structurer les accords et dispositifs de mobilité.
En parallèle, les managers ont aussi accès à tous les outils nécessaires pour accompagner la trajectoire des collaborateurs. Et ce, qu’il s’agisse de mobilité intragroupe ou entre différents Resorts. Ils sont d’ailleurs formés pour répondre aux souhaits et participer à la mise en place de ce qu’il est possible de faire, ou non, en matière de mobilité.
Tout ce processus prend aussi en compte des aspects complexes. Comme les contraintes légales ou les visas qui varient selon les pays. Selon les projets, nous collaborons ainsi avec des avocats spécialisés dans la mobilité internationale en cas de besoin.
Si l’on prend un peu plus de hauteur, il y a également une approche basée sur l’anticipation très importante dans notre façon d’appréhender la mobilité. À ce titre, nous organisons chaque année des « pools meetings ».
Il s’agit d’un rendez-vous structurant à l’échelle mondiale qui nous permet de dresser un état des lieux de nos métiers, d’identifier les filières en tension ou en pénurie, et de valider les potentiels de nos collaborateurs. Ce travail aboutit à la définition de plans de formation ciblés, qui sont ensuite suivis mensuellement pour ajuster nos actions. Ces évaluations régulières nous permettent ainsi d’être réactifs et de nous assurer que chaque collaborateur est accompagné de manière optimale.
Un dispositif global pour répondre aux besoins locaux
Chaque année, environ 1 500 collaborateurs français voyagent à travers le monde dans le cadre de leur travail. L’inverse est aussi vrai pour les collaborateurs internationaux qui, l’hiver dernier, étaient un peu plus d’un millier à venir travailler dans nos Resorts de montagne.
En pratique, ce chiffre évolue donc en fonction des besoins locaux et globaux, ainsi que des opportunités qui se présentent.
Nous avons par exemple constaté une pénurie sur les métiers de spa thérapeutes. En réponse, nous nous sommes ouverts à l’Asie où de nombreux professionnels possèdent une expertise unique dans les domaines du massage et du bien-être. Cet hiver, nous accueillons une dizaine d’entre eux sur les stations. Cela peut paraître peu, mais, mis bout à bout, toutes ces « petites mobilités » illustrent notre capacité à actionner ce levier en fonction des particularités des marchés sur lesquels nous opérons.
Les managers sont souvent décrits comme des facilitateurs dans la mobilité interne, mais ils peuvent aussi être à l’origine d’une certaine rétention managériale. Comment abordez-vous cette « dualité » au Club Med ?
Chez nous, la valorisation du travail d’un manager se reflète aussi, et surtout, dans la réussite de ses collaborateurs. C’est une priorité stratégique pour le Club Med et une philosophie profondément ancrée dans nos valeurs et notre culture d’entreprise. En Resort ou au siège, les managers jouent donc un rôle essentiel dans la promotion et la facilitation de la mobilité interne puisque leur mission principale consiste à identifier les potentiels et à assurer la relève.
Ainsi, être manager au Club Med ne se limite pas à gérer une équipe. Les dimensions d’accompagnement des talents, de soutien à l’évolution et à la progression sont très marquées. Elles font partie intégrante de notre vision.
Bien sûr, certains responsables peuvent parfois être réticents à laisser partir leurs meilleurs éléments. Une sorte de rétention managériale compréhensible, mais qui, dans les faits, existe peu, voire pas du tout, au sein du Club Med.
Et pour cause : la majorité de nos managers ont eux-mêmes bénéficié de la mobilité interne au cours de leur carrière. En toute logique, il est presque naturel pour eux de valoriser et de transmettre à leur tour les opportunités d’évolution. Une sensibilité accrue qui se traduit dans les chiffres partagés précédemment qui démontrent à quel point ce processus est instinctif chez nous, car intégré à l’ADN de notre marque employeur.
Évidemment, l’entreprise a aussi un rôle à jouer pour soutenir les managers dans ce rôle d’accompagnateur. En ce sens, nous déployons des plans de formation adaptés, monitorés et pilotés, pour les aider à développer, affiner, cette approche managériale. Dans certains cas, nous pouvons également faire appel à des formations de coaching externes afin de répondre à des besoins spécifiques. Et ce, toujours dans le cadre de parcours personnalisés.
Avec une forte saisonnalité dans vos métiers, en quoi la mobilité interne s’inscrit-elle comme un levier stratégique de rétention des talents ?
Ce n’est un secret pour personne, le marché de l’emploi redevient très actif dans les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie-restauration. La saisonnalité sera toujours une réalité, et la guerre des talents reste forte dans nos activités. Dans ce contexte, l’enjeu de rétention est ainsi d’autant plus important pour notre industrie qui doit redoubler d’efforts pour fidéliser les talents.
Au sein du Club Med, cela passe par des perspectives d’évolution offertes dès l’arrivée au sein de l’entreprise. Dès le premier jour, quelle que soit la nature du contrat, chaque collaborateur bénéficie de la même attention et des mêmes possibilités de projection à long terme. Même pour une saison, nous voyons cela comme le début d’une relation qui doit perdurer.
C’est pour cela que nous restons à l’écoute de leurs aspirations dès leur arrivée, puis tout au long du parcours chez nous : souhaitent-ils évoluer, voyager, ou être valorisés dans leur poste actuel ? Cette valorisation est très individualisée et repose sur des échanges réguliers avec les managers. C’est pourquoi ces derniers ont un rôle crucial pour détecter les besoins, accompagner les collaborateurs et entretenir cette relation dans la durée.
Lorsqu’un collaborateur exprime un souhait d’évolution, nous considérons que c’est à nous de lui proposer un programme d’accompagnement adapté. Je dirais même une expérience professionnelle sur mesure.
La mobilité internationale, levier d’expérience collaborateur
En effet, avec plus de 70 villages répartis partout dans le monde, nous pouvons proposer une grande variété d’expériences, à la fois professionnelles, personnelles et culturelles.
J’insiste beaucoup sur la dimension internationale de la mobilité au Club Med, car c’est aussi elle qui permet de créer des parcours enrichissants pour nos collaborateurs. Les HRBP supervisent cette démarche en restant attentifs aux aspirations et aux préférences de chacun.
Par exemple, certains collaborateurs, surtout en début de carrière, apprécient de voyager et de découvrir le monde. Avec le temps, d’autres préfèrent ensuite se sédentariser. Nous nous adaptons à ces envies en proposant des options de contrats plus stables.
Cette diversité et cette adaptabilité sont également visibles dans nos Resorts, où nous comptons environ 110 nationalités parmi nos collaborateurs. La richesse culturelle qui en découle est un atout pour nos équipes, mais aussi une source d’attractivité et de fidélisation puisque nous pouvons dire à un jeune recruté dans le sud de la France qu’il pourra, au fil de sa carrière, travailler dans des destinations variées. L’île Maurice, les Seychelles, la Chine ou encore le Mexique. Ce sont des opportunités concrètes, et nous en avons des centaines à offrir.
Quels outils et/ou processus avez-vous déployés pour suivre, évaluer et ajuster vos politiques de mobilité interne ?
Le suivi et l’évaluation des politiques de mobilité interne sont essentiels pour garantir leur efficacité et leur alignement avec : les besoins de nos collaborateurs d’une part, et de l’entreprise d’autre part.
Je parlais juste avant des problématiques sur les métiers du bien-être en France. Mais au Japon, par exemple, la pénurie concerne pratiquement tous les métiers. De fait, nos clubs là-bas se composent d’équipes très diversifiées, car nous avons dû mettre en place des solutions pour répondre à ces besoins massifs. Nous étudions ces situations en permanence pour prédéfinir les métiers en tension et les métiers stratégiques. Ce qui nous permet d’anticiper les besoins au lieu de réagir dans l’urgence.
Par ailleurs, nous avons également intégré Workday, un outil essentiel dans la gestion de nos mobilités. En effet, celui-ci nous permet de centraliser et de suivre les aspirations individuelles en temps réel.
À chaque interaction, que ce soit lors d’un rendez-vous ou d’un échange informel, les souhaits des collaborateurs sont donc enregistrés et mis à jour. Cela nous donne une vision claire des envies et des projets de chacun : qui souhaite travailler au Brésil, qui aspire à rejoindre l’Asie, ou encore qui possède des compétences linguistiques spécifiques.
L’exploitation de cette data est indispensable pour la constitution des équipes et l’organisation de la mobilité intraresorts. C’est ainsi que nous parvenons à concilier les impératifs de l’entreprise avec les souhaits individuels.
Crédit photo : Club Med