Plus qu’une dizaine de jours et la mise en lumière nationale sur l’initiative « Emploi des 50+ », conduite par le ministère du Travail et de l’emploi, prendra fin. L’enjeu de cette campagne de communication inédite ? Valoriser l’expérience, la valeur du savoir-faire et les profils des salariés seniors. Encore faut-il que les engagements et bonnes pratiques qui en découlent perdurent au-delà du 6 juillet.
La campagne nationale « Emploi des 50+ » entend faire bouger les lignes. Elle intervient dans un contexte de sous-emploi persistant des plus de 50 ans, alors même qu’ils composent une part croissante de la population active. À travers une stratégie articulée autour d’actions concrètes, d’alliances territoriales et d’une stratégie de communication à grande échelle, le ministère du Travail et de l’Emploi pose une ambition claire : mobiliser les entreprises comme les pouvoirs publics pour restaurer la place des seniors dans l’emploi.
Comment cette campagne s’inscrit-elle dans une dynamique de transformation durable des pratiques RH ? En quoi la loi, les regards et les usages sont-ils appelés à évoluer ? Quels outils concrets sont aujourd’hui à la disposition des employeurs et des salariés concernés ? C’est ce que nous allons voir.
Une campagne pour remettre les 50+ au cœur du jeu
Depuis le 31 mai, cette initiative portée par Astrid Panosyan-Bouvet tente de briser les stéréotypes liés à l’âge et de repositionner les travailleurs expérimentés comme des acteurs clés de la performance collective. Le dispositif, diffusé sur l’ensemble du territoire jusqu’au 6 juillet, cible autant les employeurs que les salariés eux-mêmes.
Et pour cause : alors que les plus de 50 ans représentent déjà 40 % de la population active, et bientôt la moitié, leur taux d’emploi stagne à 61,5 % pour les 55-64 ans. Un déséquilibre que le gouvernement qualifie de « gâchis humain ». Car au-delà des chiffres, c’est une vision de l’entreprise et de la gestion des talents qui est en jeu. Or, les signaux d’alerte sont nombreux :
- taux de rappel en entretien divisé par trois après 50 ans ;
- accès à la formation réduit ;
- mobilités professionnelles rares, etc.
La campagne actuelle entend enrayer cette mécanique d’éviction silencieuse.
Changer la loi, les regards et les pratiques : une ambition à trois volets
Le message institutionnel se décline autour de trois axes. D’abord, changer la loi.
Le gouvernement s’appuie sur l’Accord National Interprofessionnel (ANI) signé en novembre 2024, qui doit être transposé prochainement au Parlement. Ce texte prévoit des outils ciblés : CDI senior, élargissement des droits à la retraite progressive, renforcement de l’entretien de mi-carrière, mais aussi prévention de l’usure professionnelle et accompagnement des reconversions.
Ensuite, changer les regards. Cette campagne s’appuie sur une accroche explicite : « 50 ans et +, comptons sur l’expérience ».
L’objectif est clair : substituer à la défiance une reconnaissance concrète des savoir-faire accumulés.
Enfin, changer les pratiques. Plusieurs événements régionaux ont été organisés ou sont en cours, rassemblant 2000 entreprises dans des formats collaboratifs (tables rondes, retours d’expériences, partages de solutions).
En parallèle, les ressources emploi50plus proposent un ensemble de guides, d’outils et de témoignages :
- pour les employeurs : leviers de recrutement, méthodes d’intégration, conseils pour aménager les parcours de fin de carrière ;
- pour les actifs : appui à la reconversion, maintien dans l’emploi, formations qualifiantes.
Ce triptyque vise une transformation systémique. Car les préjugés sont souvent intégrés de manière inconsciente dans les pratiques RH : réflexes d’embauche centrés sur la jeunesse, perception biaisée des coûts salariaux, sous-estimation des capacités d’évolution. Cette campagne cherche donc à provoquer une prise de conscience, mais aussi à proposer des solutions concrètes pour recruter, accompagner et fidéliser autrement.
Une dynamique intergénérationnelle à construire, pas à subir
Bien entendu, l’enjeu dépasse le cadre de la seule employabilité. Ce qui se joue ici, c’est aussi une certaine idée du collectif au travail. En valorisant les 50 ans et plus, il ne s’agit pas de créer une catégorie à part, mais bien d’encourager une logique intergénérationnelle vertueuse. Expérience, transmission, stabilité : autant de facteurs qui peuvent enrichir les dynamiques d’équipe et fluidifier les parcours.
- Rencontre avec Frédérique Jeske, auteure de Le choc des générations n’existe pas
Dans un marché du travail en tension sur de nombreux métiers, où les difficultés de recrutement persistent, l’atout que représentent ces profils expérimentés est encore trop sous-exploité. La sécurisation des trajectoires, notamment pour ceux confrontés à des reconversions tardives ou à une fin de carrière incertaine, suppose une mobilisation coordonnée. C’est pourquoi le ministère s’appuie sur un écosystème élargi : partenaires sociaux, associations d’employeurs, clubs et réseaux d’engagement. Tous sont invités à s’approprier la démarche, à la faire vivre au sein de leurs structures… y compris après le 6 juillet.
Ainsi, face aux mutations économiques et démographiques, il faut sortir d’une logique d’obsolescence programmée des talents. L’inclusion des 50+ n’est ni une contrainte RH, ni un geste compassionnel : c’est un levier de résilience pour les organisations et une réponse concrète aux défis de soutenabilité du marché du travail.
À quelques jours de la fin de la campagne de communication, le message est clair. Reste à savoir s’il sera entendu de façon pérenne dans les pratiques de terrain.
- Visuels fournis par le ministère du Travail et de l’Emploi