Comment aider les collaborateurs en proie à une addiction au travail ?
La notion « addiction au travail » est survenue au début des années 70. C’est en ce sens que le psychologue américain Wayne Oates a inventé le néologisme anglais « workaholic », que l’on peut entendre couramment désormais. Ce terme désigne précisément cette forme d’addiction si spécifique qu’est l’addiction au travail.
On peut ainsi entendre parler de workaholisme ou encore d’ergomanie.
Cette notion désigne la dépendance psychologique à son travail. Contrairement aux addictions aux substances, ce type d’addiction porte sur un comportement. D’ailleurs, cette addiction n’est pas nécessairement intuitive et peut être difficile à conceptualiser comme telle, à l’heure où l’équilibre vie professionnelle vie personnelle des salariés tient une place prédominante en 2023 dans les attentes des collaborateurs.
Explications.
L’addiction au travail, ou « workaholisme »
L’addiction au travail est loin d’être une notion tout à fait nouvelle. Pour autant, vous en entendez peut-être peu parler. D’autant plus à l’heure où la volonté d’améliorer le work-life balance fait partie des priorités des salariés.
En 1971, Oates parle de « compulsion » en raison de cet incontrôlable besoin de travailler continuellement. Un terme que l’on associe couramment à l’addiction.
De la même manière que l’on puisse être en proie à une addiction à l’alcool, à la drogue ou à d’autres substances, on peut être accro à un comportement – en l’occurrence ici, celui de travailler.
En 1992, deux psychologues américains ont étudié ce phénomène : Spense et Robbins. Les deux professionnels de santé mentale ont alors déterminé 3 critères pour caractériser l’addiction au travail : l’implication dans celui-ci, la tendance compulsive à travailler et la satisfaction.
La personne en proie à ce phénomène aurait une implication et une tendance compulsive à travailler élevées, avec une faible satisfaction.
Dans son ouvrage dédié à la QVCT intitulé « Risques psychosociaux et Qualité de Vie au Travail », Alain Auger décrivait ainsi cette addiction, le workaholisme :
Les workaholiques se différencient par l’implication au travail liée à la contrainte qu’ils ressentent sous forme de pression et donc une nécessité de rester toujours connecté à leur activité professionnelle. Ils perdent ainsi tout intérêt à ce qui ne touche pas la sphère professionnelle ; ils sont compulsifs, peu performants et toujours impatients par rapport aux rituels de l’entreprise et donc souvent en conflit dans le cadre de leur travail et de leurs missions…
Pour résumer, retenons que le workaholisme ou l’addiction au travail repose sur une dépendance pathologique au travail. Il faut pouvoir faire la différence entre un travailleur qui se dit passionné, qui se montre investi, avec un travailleur compulsif capable de foncer bille en tête jusqu’à l’épuisement, jusqu’au burn-out.
Notons par ailleurs que l’émergence des nouveaux modes de travail et le développement des nouvelles technologies ne facilite pas forcément les choses, notamment d’un point de vue droit à la déconnexion en télétravail pour le workaholic !
Les risques de l’addiction au travail pour une organisation
Imaginez un manager accro à son travail. Imaginez un manager qui ne compte pas ses heures au bureau et ne parvient pas à déconnecter chez lui. Quel exemple enverrait-il à son équipe – ne serait-ce que sur cette problématique qu’est le droit à la déconnexion, elle-même liée à l’équilibre des temps de vie dont on parle tant ?
Tout cela représente un risque pour l’ensemble des équipes et pour l’organisation. Des risques de dépression, de burn-out et d’autres risques psychosociaux pouvant impacter non seulement le worakholic, mais aussi (par effet boule de neige ?) l’ensemble des (autres) collaborateurs qui pourraient bien avoir eux aussi tendance à s’épuiser à la tâche. (Arrêt de travail pour dépression : découvrez la durée moyenne.)
Le salarié souffrant d’addiction au travail encourt évidemment de grands risques psychosociaux et physiques. Le risque d’isolement social (même au niveau de la famille) est d’ailleurs très fort pour le workaholic. Même au coeur de son travail. Car un salarié très accro à son travail peut avoir de mauvaises relations avec le reste de l’équipe avec les conséquences que cela implique au niveau de l’entreprise. Il n’est pas aligné avec le temps des autres, leur rythme. Il a du mal à lâcher du leste et préfère prendre les rênes. Il peut d’ailleurs se montrer agressif. Une personne accro à son travail est très sujette à un risque d’un syndrome d’épuisement professionnel (burn-out). Un travailleur workaholic s’expose aussi à des risques pour sa santé physique (ex : pathologies cardiovasculaires), d’autant plus qu’il a tendance à négliger sa santé en ne se rendant pas à des rendez-vous médicaux par exemple.
Les signaux (faibles) d’un salarié accro à son travail
Comme tout, il existe des signes avant-coureurs ou des signaux faibles permettant de repérer les comportements de quelqu’un qui souffre d’addiction au travail. Rappelons, là encore, qu’il faut bien établir la différence entre le travailleur investi, consciencieux et passionné, et le travailleur accro, surinvesti et insatisfait.
Voici une liste de signaux plus ou moins faibles auxquels vous pouvez être attentif – vous et votre équipe – en entreprise :
- Cette personne a du mal à poser ses jours de congés
- Elle est moins productive, fait des erreurs d’inattention
- Elle présente des troubles du sommeil et/ou la manifestation d’une fatigue chronique
- Elle semble dans le déni, ou ne pas réaliser que son rythme de travail est anormal
- Elle lance beaucoup de projets en même temps et ne parvient pas à gérer l’ensemble
- Elle passe beaucoup plus de temps que la moyenne au bureau
- Elle ne se sent peu ou pas satisfaite de ce qu’elle produit
- L’équilibre vie professionnelle vie personnelle semble inexistant
- Cette personne peine à s’intégrer complètement à l’équipe
Dans tous les cas, l’emploi exercé par le collaborateur ou la collaboratrice en question occupe une place bien trop importante. Et cette liste de « signes » ou de comportements-symptômes est non-exhaustive.
D’autres signaux existent, et bien entendu, vous n’êtes pas habilité à « diagnostiquer » votre collaborateur. Mais repérer ces signaux permettra d’envisager des pistes d’action pour pallier cette problématique.
Comment aider un collaborateur accro et prévenir le workaholism ?
Une fois que vous vous serez intéressé à ces signaux, vous pouvez également vous aider du test WART (Work Addiction Risk Test) s’intéressant à 5 éléments : le caractère compulsif, le besoin de contrôle, des relations sociales dégradées, une estime de soi altérée ou encore la résistance à la délégation de tâches. Il existe deux autres tests en ce sens (WorkBatt, BWAS).
Le médecin du travail peut s’avérer une aide précieuse pour aider le collaborateur ou la collaboratrice souffrant d’addiction au travail.
Prévenir l’addiction au travail ne s’improvise pas. Cette prévention va de pair avec celle des risques psychosociaux (RPS) en entreprise. En ce sens, il faut pouvoir encadrer l’utilisation des outils technologiques en encourageant une réflexion sur l’équilibre des temps de vie et le droit à la déconnexion pour préserver le bien-être des salariés. De même, il s’agit de faire connaître les RPS aux salariés afin que chacun puisse s’observer soi-même et faire attention aux autres. Pourquoi ne pas faire intervenir un consultant spécialise de la QVCT et des RPS par exemple ?
Il est essentiel de pouvoir donner aux managers les outils nécessaires à la lutte contre le workaholism. Le manager occupe un rôle clé dans la détection des signaux faibles de surinvestissement au travail ou d’addiction. Ces figures d’autorité ont d’ailleurs, rappelons-le, un rôle d’exemplarité et sont garants d’une bonne culture d’entreprise. Pour autant, ces populations sont aussi à risque. Il faut donc oeuvrer à l’accompagnement du manager. Et ne pas hésiter à faire remonter les cas inquiétants au service des Ressources Humaines.