Lors du Salon HR & Learning Technologies ayant eu lieu les 1er et 2 février derniers à Paris, l’attraction et le développement des talents étaient au coeur des discussions. En ce sens, Florent Balaye, Senior Manager Sales chez LinkedIn et Stéphane Boukris, Président d’Excelsior, ont échangé autour de la stratégie Skill-first. En quoi consiste cette stratégie ? Quels en sont les enjeux ? Comment oeuvrer pour le développement des talents en 2023 ? Comment mieux recruter ? Les éclairages de myRHline.
Le développement des talents face aux difficultés de recrutement
En France, les difficultés de recrutement battent leur plein. Ces dernières ont d’ailleurs été accélérées avec un certain nombre de faits majeurs apparus ces dernières années, tant sur le plan structurel que conjoncturel. En 2020, la crise sanitaire a eu un impact très fort sur la capacité à recruter avec un allongement des processus de recrutement.
Comme le rappelait Florent Balaye sur le salon, 94 % des dirigeants sont confrontés à ces phénomènes à ce jour.
Deuxième tendance constatée – et pas des moindres : un taux de démission inédit. Selon la Dares, au premier trimestre 2022, on recense 520 000 départs de personnes titulaires d’un CDI. Aux Etats-Unis, 48 millions de collaborateurs ont quitté leur job. Et les dirigeants sont inquiets : ils pensent que ce phénomène ne va pas s’arrêter en 2023.
Alors quel est le rôle des compétences, du développement des talents dans tout cela ?
Lorsque l’on recrute, on regarde l’expérience de la personne, son niveau de diplôme. Or, on pense que si le recruteur regarde l’individu dans son entièreté, ses savoirs-faire seront au centre.
« On estime qu’un recruteur qui ajouterait un filtre sur les savoirs-faire du candidat augmenterait de 60 % le nombre de candidats qu’il est susceptible de recevoir », indique Florent Balaye.
Chez LinkedIn, les membres du réseau professionnel ont ajouté pas moins de 286 millions de compétences et 44 % des recruteurs utilisent le filtre relatif aux compétences sur le réseau.
En outre, 50 % des collaborateurs expriment la demande d’acquérir de nouveaux savoirs-faire au sein de l’entreprise à des fins de mobilité ou pour s’enrichir personnellement. Si les collaborateurs viennent à quitter votre entreprise, c’est aussi pour une raison de stagnation professionnelle : il n’y a pas de mobilité interne. Il s’agit donc d’investir le développement des talents et favoriser leur montée en compétence.
La mobilité interne est donc indispensable pour que les collaborateurs aient envie de rester dans votre entreprise et puissent conserver leur employabilité, nourrir leur développement de carrière : il y a là un réel enjeu de rétention des talents.
Développement et recrutement des talents avec Skill-first
Aujourd’hui, il y a seulement 50 % de compétences équivalentes pour exercer le métier de marketeur. Face à l’obsolescence du set de savoirs-faire nécessaires pour exercer ce job, il faut être capable de se renouveler. Selon Stéphane Boukris, Président d’Excelsior, la moitié de nos connaissances professionnelles ne sera plus pertinente d’ici 2 ans.
C’est pourquoi la stratégie Skill-first est au centre du développement des talents. Mais chez Excelsior, comment Skill-first se met en marche ?
Il faut d’abord « vérifier » les hard skills des candidats ainsi que leurs soft skills puis le “match” de la personne avec l’entreprise. Car il s’agit d’une organisation avec une culture d’entreprise très forte qui ne “matche” pas avec tous les profils.
Chez Excelsior, on applique la méthode SWAN : Smart, Working Hard, Ambitious, Nice.
Chercher des candidats ayant un profil SWAN, c’est chercher des talents qui s’investissent dans le développement de leur travail, qui ont de l’ambition “et qui sont sympas, étant donné le temps qu’on passe au travail, c’est important”, rappelle le chef d’entreprise.
Pour recruter, l’intelligence artificielle joue bien-sûr un rôle indéniable. On pense notamment à ChatGPT, accessible à tout un chacun et gratuit, cette intelligence artificielle permet de poser un nombre infini de questions pour des réponses personnalisées et automatisées.
Mais l’utilisation de l’intelligence artificielle ne saurait suffire pour attirer les talents et investir dans le développement de ces derniers.
Face aux limites de l’intelligence artificielle, l’importance des soft skills
Avant de penser au développement des talents – et aux enjeux relatifs à leur besoin en formation -, il s’agit de penser à recruter. Avec la stratégie Skill-first, il s’agit pour les professionnels des ressources humaines de mieux identifier les soft et hard skills. Et si cela doit passer par une série de tests et par l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle, les employeurs ne souhaitent pas embaucher des robots, comme le rappelait Stéphane Boukris. Ils veulent avoir “des temps d’évaluation organisés par les humains.”
“On va devoir chercher des personnes qui ont des skills, mais surtout, de l’humanité (…) Il faut être human first, se concentrer sur les compétences et des qualités que ne fourniront pas les intelligences artificielles », insiste-t-il.
Mais comment identifier les savoirs-faire d’un futur collaborateur ?
Selon le Président d’Excelsior, le diplôme est valable, dans un premier temps, pour intégrer un poste. Ensuite, il s’agira de tester la personne, d’évaluer ses savoirs-faire, d’aller bien au-delà du diplôme. Après, le diplôme devient beaucoup moins pertinent.
Il faudra alors d’évaluer les soft skills – le quotient émotionnel plutôt que le quotient intellectuel. Pour les hard skills, on a d’autres méthodes, explique le Président d’Excelsior, mais il s’agit ici d’évaluer les compétences comportementales, d’autant plus que “nos clients ne veulent plus de robots ! » Et comment oeuvrer dans le développement des talents sans l’humain ?
On peut être prêt à revoir à la baisse le niveau de compétences pour revenir à l’humain.
D’ailleurs, s’appuyer sur les savoirs-faire comportementaux permet de favoriser la diversité des profils selon Florent Balaye. Et c’est ce que Stéphane Boukris constaterait lui aussi. “Et plus important encore : les prises de référence. Même si je passe 60 % de mon temps sur LinkedIn (…) je fais moi-même mon enquête, je ne demande pas au candidat une liste pour la prise de référence”.
“Contrairement aux hard skills qui sont évaluables avec un robot, pour l’humain, il faut un humain. Pour vérifier les soft skills de quelqu’un, j’envoie systématiquement des personnes : quelque chose de très intime vient se créer. Nous, quand on présente un candidat à notre client, on peut dire qu’on l’a vu. Les recruteurs aussi connaissent leurs clients, savent si cela va matcher ou non », explique Stéphane Boukris.
Avant, mes questions aux candidats n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui. Quand je recrutais un commercial, je demandais : quel est ton degré d’achievement, ton quota (…) aujourd’hui, je dis : tu as connu des situations d’échec, comment as-tu rebondi, que peux-tu faire différemment, etc. On peut réorienter nos questions pour savoir véritablement qui est la personne, estimer son intelligence émotionnelle…