D’ordinaire, les entreprises n’ont pas forcément l’intention de réembaucher un ancien salarié. D’ailleurs, lorsque ce dernier quitte une entreprise, c’est généralement pour de bon.
Mais depuis quelque temps, on observe que le phénomène des employés boomerang prend de l’ampleur à l’échelle internationale. Où se situe la France à ce sujet ? Le phénomène des employés boomerang va-t-il prendre de l’ampleur ? Est-ce un avantage pour les entreprises ou un risque ? Réembaucher un ancien salarié peut-il être bénéfique d’un point de vue engagement collaborateur et rétention des talents ? Explications dans cet article.
Réembaucher un ancien salarié : zoom sur le salarié boomerang
Une tendance constatée dans les pays anglo-saxons
Le phénomène de grande démission a beaucoup touché le Royaume-Uni et les Etats-Unis, avec pour conséquence une pénurie de talents préoccupante dans certains secteurs. Aujourd’hui, réembaucher un ancien salarié semble être une tendance en vogue. Ces “employés boomerang”, comme on les appelle, peuvent en effet réintégrer les effectifs d’une entreprise après être allé voir ailleurs.
C’est ce que révèle notamment la BBC : “More and more workers are going back to companies they left.” Réembaucher un ancien salarié semble très courant aux Etats-Unis.
Certaines entreprises encourageraient même le phénomène en organisant un réseau d’anciens, sur le même modèle que les associations d’anciens élèves (alumni), dans cette volonté de réembaucher un ancien salarié.
Pour pallier la pénurie de talents, les entreprises n’hésitent pas à puiser dans leurs anciennes ressources dans l’optique de réembaucher. Il s’agit de ces ex-collaborateurs avec lesquels un employeur est resté en bons termes par exemple, et qui ont quitté l’entreprise depuis un moment. Ce qui leur a permis potentiellement d’acquérir de nouvelles compétences entre temps !
Le plus souvent, ces salarié.e.s boomerang ont démissionné car ils ont dû déménager, ont fondé une famille ou encore n’ont pas pu refuser une offre d’emploi surprise leur permettant de se développer professionnellement. Et puis, en dehors de ce contexte particulier, les réseaux sociaux ont aussi contribué à densifier le phénomène en offrant la possibilité aux entreprises de rester en contact avec leurs anciens salarié.e.s (…)
Réembaucher un ancien salarié semble davantage envisageable, surtout avec les effets de la crise sanitaire dans le monde du travail. En effet, après la pandémie, certaines personnes auraient peut-être trop vite démissionné. Avec le recul, ils ne sont plus certains d’avoir fait le bon choix. C’est ce qu’on appelle le phénomène du Great Regret lié à la Great Resignation qui est à l’œuvre au sein des pays anglo-saxons.
Réembaucher un ancien salarié : en France aussi ?
En France, ces phénomènes d’employés boomerang seraient moins connus. Mais ils existent. D’ailleurs, réembaucher un ancien salarié, ce n’est pas si nouveau. Selon Agnès Duroni, CEO de l’entreprise Adevea et experte en stratégie marque employeur, cela aurait “toujours existé au sein des grands groupes comme des PME/ETI”.
En outre, une enquête UKG (avril 2022) rapporte que 60 % des Français qui ont démissionné durant la crise du covid reconnaissent qu’ils se sentaient mieux au sein de leur ancien emploi. Mais paradoxalement, la France serait le pays où le taux de collaborateurs boomerang – où les employeurs viennent réembaucher un ancien salarié – est le plus bas (13 % contre 20 % à l’échelle d’autres pays sondés).
Selon Rémi Malenfant, directeur Expérience client et Innovation RH pour UKG, il est “moins naturel” de réembaucher un collaborateur qui est parti. Et les managers français auraient tendance à considérer que la confiance est rompue lorsqu’un collaborateur s’en va.
C’est ce qu’Agnès Duroni ajoute : “Parfois, c’est la règle édictée par l’entreprise : si quelqu’un est parti, il ne peut en aucun cas revenir.” Dans cette optique, il semble que réembaucher un ancien salarié soit difficile à intégrer dans les codes des tendances RH.
Toutefois, Rémi Malenfant considère que réembaucher un ancien salarié en France pourrait bien prendre de l’ampleur. Agnès Duroni le croit également : “Je pense que dans le futur ces modèles risquent d’évoluer, il y aura de plus en plus de tolérance et d’ouverture face aux départs”.
Si on se base sur la Grande Démission, qui a émergé aux Etats-Unis et s’est répandue au Royaume-Uni, puis en France et en Allemagne, dans une moindre proportion, on peut affirmer qu’on n’est qu’au début de la vague des salariés boomerang chez nous. D’autant que la nostalgie de leur emploi précédent est présente chez les démissionnaires français.
Et si réembaucher un ancien salarié était le symptôme d’une bonne culture d’entreprise ?
C’est ce que nous donne à penser Julie Récalde, qui a quitté la société Mazars au sein de laquelle elle avait débuté en 2010 en tant que chargée d’audit financier. Forte de ses aspirations humanitaires, elle quitte Mazars en 2013. Elle y retournera 8 ans plus tard, en 2021. Julie serait revenue surtout pour ses collègues. Mais aussi l’ambiance et “l’incroyable diversité” de ses missions : “En bref, pour la culture d’entreprise, tout ce que l’on ne peut pas vraiment déceler grâce aux entretiens.” (Julie, pour Welcome To The Jungle, février 2022)
L’entreprise Mazars était prête à réembaucher un ancien salarié si celui-ci en valait la peine. C’est le cas de Julie, qui semble ici très en phase avec la culture de cette organisation.
Réembaucher un ancien salarié ne s’improvise pas
Les DO et les DON’T avant de réembaucher un ancien salarié
Cela semble évident, mais vous n’allez pas réembaucher un ancien salarié parce que vous aviez eu avec ce dernier un “bon feeling”. Vous devez étudier les avantages et les inconvénients – s’il y en a – de cette réintégration.
Il peut être intéressant de réembaucher un ancien salarié dès lors que celui-ci est déjà familiarisé avec la culture de cette dernière. Vous passerez potentiellement moins de temps à les former et les acculturer à votre structure. En revanche, réintégrer un ex-collaborateur nécessite tout de même de faire un point sur les évolutions vécues par votre entreprise – sur le plan pratique, mais aussi au niveau de la culture d’entreprise.
Vous pouvez alors envisager de programmer une interview avec l’employé boomerang afin de vous assurer que vous êtes sur la même longueur d’ondes avant de le réembaucher. Il s’agira pour vous de faire le point sur vos attentes précises, vos besoins. Il s’agira pour le collaborateur d’exprimer les siens, ainsi que ses facteurs motivationnels et d’épanouissement pour favoriser son bien-être et sa performance.
Attention : il ne s’agit pas de réembaucher un ancien salarié uniquement pour combler un poste vacant. Surtout s’il est question d’un poste important en termes de productivité générale dans l’équipe. Il est en effet possible que réembaucher un ancien salarié soit une mauvaise idée dans ce cas. Cet employé boomerang ne sera pas nécessairement la bonne personne à recruter.
En outre, évaluez la pertinence du poste que vous souhaiteriez ouvrir à cet ex-collaborateur. Est-il réellement nécessaire ?
Vous l’aurez compris : réembaucher un ancien salarié n’est pas une affaire à prendre à la légère et ne s’improvise pas. Il s’agit de se poser les bonnes questions et de limiter les biais affectifs dans un processus de décision aussi important que le recrutement d’un nouvel arrivant. Car même s’il s’agit d’un ex-collaborateur, de l’eau a coulé sous les ponts. L’employé boomerang doit saisir les (nouveaux) enjeux liés à l’activité de votre entreprise. C’est aussi vrai pour l’employeur qui doit saisir les (nouvelles) attentes de l’ex-futur collaborateur. Enfin, réembaucher un ancien salarié ne dispense pas de mettre en place un processus de onboarding !
Comment s’assurer que le salarié boomerang ne va pas partir dans 6 mois ?
Julie Récalde ne serait pas la seule employée boomerang au sein de son entreprise. D’autres employés ont également fait leur grand retour. Et chez les professionnels des Ressources Humaines, le fait de réembaucher un ancien salarié semble avoir été plutôt bien accueilli, malgré quelques réserves justifiées. Si Julie considère avoir bénéficié d’un processus de recrutement “allégé”, elle a quand même dû passer deux entretiens. On lui a demandé : “Qu’est-ce qui nous assure que tu ne vas pas à nouveau claquer la porte dans 6 mois ?” Julie a répondu qu’elle avait vécu l’expérience qu’elle avait voulu vivre et qu’elle s’était rendue compte l’avoir idéalisée. En réalité, elle aimait toujours son métier.
Réembaucher un ancien salarié était un pari risqué. Mais pour Mazars, pari gagné : 8 ans plus tard, Julie semble toujours aussi épanouie au travail après avoir occupé différents postes. “On pourrait me croire instable, mais c’est tout l’inverse. Je suis très heureuse dans cette entreprise qui m’offre la flexibilité nécessaire pour m’épanouir”, confie-t-elle à Welcome To The Jungle. Il semble que la flexibilité soit une source considérable d’engagement.
Pour Agnès Duroni, les employés boomerang ne devraient pas être vus comme une menace pour l’entreprise. Ces “allers-retours” pourraient même être bénéfiques en termes de rétention des talents.