Le Parlement européen a récemment fait le choix d’adopter la transparence des salaires. Les entreprises de l’Union européenne devront fournir des informations qui permettront aux collaborateurs de mieux comparer les rémunérations. Un moyen de se rendre compte des écarts de salaire femmes-hommes et de lutter contre les discriminations.
Mais concrètement, où en est le projet, dont le sujet semble encore tabou en France ? Qu’en pensent les Français et quel sera l’impact sur les entreprises ?
Éclairages.
Quand le Parlement européen fait le choix de la transparence
Dernièrement, le Parlement européen a adopté une directive visant à garantir la transparence des salaires dans les entreprises. Il a aussi prévu des amendes en cas de discriminations liées au salaire.
En effet, les femmes gagnent en moyenne 13 % de moins que les hommes pour le même travail, rappelle un communiqué de presse du Parlement.
Concrètement, le Parlement européen souhaite la fin du secret salarial : les travailleurs auront ainsi le droit d’obtenir des informations sur les salaires perçus dans leur entreprise.
Aucune clause contractuelle ne pourra empêcher les travailleurs de communiquer des informations sur leur salaire ou de demander des informations sur la même catégorie de rémunération de travailleurs ou sur d’autres catégories.
Et ce n’est pas tout. La charge de la preuve en matière de justice n’incombera pas à l’employé mais à l’employeur : « Si un travailleur estime que le principe de l’égalité de rémunération n’a pas été appliqué et porte l’affaire devant les tribunaux, la législation nationale devra contraindre l’employeur à prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination. »
Aussi, les entreprises devront prendre certaines mesures si l’écart de rémunération entre les genres est d’au moins 5 % (évaluation conjointe des salaires avec les représentants des collaborateurs). « Les États membres devront mettre en place des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives, telles que des amendes, pour les employeurs qui enfreignent les règles. » Un employé ayant subi un préjudice peut avoir droit à une indemnisation.
Et de façon inédite, de nouvelles dispositions ont été inclues dans le champ d’application de ces règles : la discrimination intersectionnelle et les droits des personnes non binaires.
Transparence des salaires : qu’en pensent les Français ?
La transparence des salaires peut être un avantage en matière d’attraction candidat et de marque employeur. C’est ce que soutient le DRH de l’éditeur de logiciels Lucca, Charles de Fréminville. En effet, la société Lucca serait souvent citée en exemple sur le sujet, après 20 ans d’expérience en la matière.
Par ailleurs, un sondage Glassdoor réalisé par OnePoll (2022) indique que 7 salariés sur 10 pensent que la transparence salariale serait profitable aux entreprises. Elle pourrait d’ailleurs contribuer à la satisfaction des collaborateurs.
Pour autant, nous savons que cette question demeure taboue en France. « Historiquement, les entreprises françaises sont réticentes à dévoiler publiquement leurs grilles de salaire, contrairement aux pays anglo-saxons », explique Glassdoor dans le cadre des résultats de son étude.
Mais en octobre 2022, un mouvement a fait son apparition sur le célèbre réseau social Twitter. Le hashtag #BalanceTonSalaire a fait le tour du réseau social à la fin de l’année 2022. À cette occasion, quelque milliers de salariés ont publié leur fiche de paie en ligne.
En France, certaines entreprises ont déjà opté pour la transparence des salaires, comme Thermador qui noterait un meilleur taux d’engagement collaborateur.
Cette politique de transparence salariale est d’ailleurs l’une des composantes de la culture d’entreprise d’Alan : « Les salaires sont à la fois simples à comprendre et publics chez Alan (…) Parce que le niveau de chacun est une donnée ouverte à tous les Alaners, ils peuvent connaître le niveau de leurs collègues, et cela aide l’équipe à ajuster le niveau des nouvelles recrues. » Alan soutient d’ailleurs qu’il s’agit d’un bon moyen de « garantir un système équitable et d’éviter de (longues) négociations salariales à la fin du processus d’embauche. »
Transparence des salaires : des avantages… et des inconvénients
On l’aura compris, la transparence des salaires peut avoir un certain nombre d’avantages.
Pour résumer, citons-en quelques uns :
- Une meilleure attractivité de l’entreprise) (un argument supplémentaire pour attirer et recruter les talents) ;
- Une rémunération régulée dès l’embauche d’un nouveau talent ;
- L’amélioration du climat social (plus de confiance, de motivation au travail) ;
- Un moyen de lutter contre les discriminations.
Mais ce n’est pas pour autant que la transparence des salaires fait l’unanimité. Et pour cause : elle a aussi ses inconvénients. Le sujet demeure relativement tabou en France et la confidentialité restant de mise. Rompre avec cette habitude n’est pas une mince affaire, bien que les pratiques semblent évoluer peu à peu.
Il y a toujours eu un problème avec la publicité des salaires en France. Les résistances sont fortes. Beaucoup n’ont pas intérêt à la publication de ces données.
En outre, instaurer une politique de transparence salariale pourrait bien représenter une charge de travail supplémentaire pour les professionnels des ressources humaines.
Mais ce n’est pas tout : une telle démarche peut totalement bouleverser le fonctionnement et la culture de l’entreprise. Après avoir créé son agence, Céline Angelini a choisi d’adopter cette transparence des salaires et d’instaurer une grille dédiée après 12 ans d’existence : « Quand on a commencé, personne n’était d’accord. D’ailleurs, des démissions ont été enregistrées dans la foulée. On touche là au cœur de l’entreprise. Certains se sont sentis lésés. »
Ce qui est certain, c’est qu’au nom de la parité, au nom de l’égalité, les initiatives en matière de transparence salariale se veulent évoluer, impulsés par la toute nouvelle ambition de l’Union européenne.
Kira Marie Peter-Hansen, membre de la commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL), a en ce sens déclaré: « Cette législation indique clairement que nous n’acceptons aucune forme de discrimination salariale fondée sur le genre dans l’UE. Historiquement, le travail des femmes a toujours été sous-évalué et sous-payé. Avec cette directive, nous faisons un pas important vers l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. »