Avec le « papy-boom », la question n’est plus de savoir si les entreprises vont perdre une part précieuse de leurs savoir-faire… mais quand. La population active vieillit et la transmission des compétences devient urgente. Mentorat, AFEST, mécénat de compétences : comment éviter que l’expérience des seniors ne parte à la retraite en même temps qu’eux ?
Le départ à la retraite, un angle mort de la transmission
Le transfert de compétences est bien connu des professionnels RH. Il accompagne les changements de poste, les mobilités internes ou encore les congés maternité. Pourtant, lorsqu’un collaborateur part à la retraite, la démarche est souvent improvisée, voire absente. Et c’est précisément ce qui pose problème.
Depuis la fin des années 1990, le taux d’activité des plus de 55 ans a quasiment doublé. La disparition progressive des préretraites, les réformes du système et l’augmentation de la participation féminine expliquent en partie cette évolution. Mais cette progression annonce aussi une chose : une vague massive de départs à la retraite est à venir. Et avec elle, un risque accru de rupture dans la chaîne de compétences.
Des attentes et des enjeux à tous les niveaux
Pour l’entreprise : anticiper plutôt que subir
La perte de compétences clés n’est pas seulement un enjeu RH : elle peut ralentir toute l’activité. Les métiers techniques, les fonctions en tension ou les postes rares sont les premiers concernés. Surtout si les savoirs sont peu documentés ou détenus par peu de personnes. Et l’enjeu est d’autant plus fort pour les entreprises où la pyramide des âges connaît un déséquilibre ! La transmission devient alors une assurance organisationnelle : elle sécurise les processus et limite les effets de rupture.
Pour le senior : valoriser l’expérience
Pour le collaborateur proche de la retraite, transmettre ses savoirs est une forme de reconnaissance. Plus que jamais, il est nécessaire qu’il se sente valorisé plutôt que « dépossédé » de compétences, souvent acquises grâce à de nombreuses années d’expérience. Ce passage de relais doit donc être accompagné, dans des conditions respectueuses. Cela suppose :
- du temps dédié à la transmission ;
- une cadre structurant mais souple ;
- une éventuelle montée en compétences sur le tutorat.
Pour le successeur : faciliter la montée en compétences
Quant à l’apprenant, il ou elle doit pouvoir s’approprier ces savoirs dans un cadre rassurant. Plutôt qu’un compte-à-rebours, la passation doit être pensée comme une trajectoire. Il faut pouvoir bénéficier d’un environnement où l’apprentissage peut se faire sans pression excessive. Pour le salarié qui assurera bientôt « la relève », toutes les mesures facilitatrices à l’initiative de l’entreprise l’aideront à adopter une attitude proactive.
Ce qui fait la différence dans la transmission des savoirs
Une culture du partage des savoirs
La réussite d’une démarche de transmission repose avant tout sur une culture d’entreprise qui valorise le partage. Lorsqu’il existe une telle dynamique, tous les collaborateurs sont encouragés à faire circuler le savoir. On ne pense alors plus la passation comme une segmentation des tâches sur une période donnée. Elle devient une coopération effective entre anciens et nouveaux.
L’identification les collaborateurs et la cartographie de leurs compétences
Si l’on peut compter sur la bonne volonté de certains salariés avant leur départ en retraite, mieux vaut tout de même adopter une démarche proactive et rechercher les détenteurs de compétences clés, rares, peu partagées, construites par l’expérience. Une fois identifiés, ces collaborateurs sont à associer à la réflexion, d’abord par souci de considération mais aussi parce que ce sont eux qui connaissent les subtilités du poste, les réseaux internes, les savoir-faire de prudence… Tous ces « petits trucs » qui ne sont pas écrits dans les procédures.
L’organisation doit recueillir leur expérience dans un cadre structuré (entretien professionnel, bilan de compétences) et la mettre en perspective avec ses besoins futurs. Attention donc, à croiser terrain et stratégie, pour rendre la transmission véritablement fructueuse.
Une réflexion globale
Le transfert de compétences ne peut pas se limiter à quelques initiatives individuelles. Il doit s’inscrire dans une stratégie plus large de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). D’une part pour anticiper les départs à la retraite, mais aussi pour suivre l’évolution des métiers. Et pour cela, les RH peuvent mener deux diagnostics complémentaires :
- Quantitatif : analyser les départs à venir, évaluer les besoins en remplaçants et en compétences ;
- Qualitatif : repérer les métiers en mutation, ceux en tension, ceux qui disparaissent.
Opter pour la bonne méthode de transmission
Le transfert de compétences prend de nombreuses formes. Selon les contextes, l’entreprise peut envisager :
- Le mentorat : transmission longue durée, relation de confiance.
- L’AFEST : apprentissage en situation de travail, idéal pour les gestes techniques.
- Le mécénat de compétences senior : réinjecter l’expérience dans de nouveaux projets.
- La documentation : tutoriels, manuels, vidéos, audios… pour formaliser et capitaliser.
- Le compagnonnage : immersion dans le quotidien, particulièrement utile pour les métiers sans formation dédiée.
Pour valoriser le rôle du senior, l’entreprise peut aussi prévoir une décharge d’activité, un intitulé spécifique ou une gratification, afin de faire de cette mission une étape professionnelle à part entière.
Source(s) documentaire(s) :
- Projections de population active : le nombre d’actifs diminuerait à partir de 2040, chiffres Insee
- Travail des seniors, où en êtes-vous dans votre entreprise ? Guide Anact