Pourquoi et comment passer à une Skills-Based Organization (SBO) ? Certaines entreprises réinventent leur organisation autour des compétences plutôt que des postes. Cette approche bouleverse les pratiques : recrutement par savoir-faire, mobilité plus fluide, formation en continu. Une transformation qui demande une culture RH agile et une gouvernance adaptée.
Qu’est-ce qu’un stratégie Skills-Based Oganization ? Comment expliquer l’émergence de ce modèle dans les entreprises ? Quels sont les facteurs du succès d’une approche SBO ? Et, à l’inverse, les freins à sa mise en œuvre ? Décryptage dans cet article.
Ce qu’il faut retenir
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Pourquoi l’approche centrée compétences émerge-t-elle ces dernières années ?
Une organisation orientée compétences, ou Skills-Based Organization (SBO), se définit comme une entreprise où la valeur et la mobilité des collaborateurs reposent avant tout sur leurs compétences réelles, plutôt que sur leur intitulé de poste ou leur diplôme.
L’idée n’est pas nouvelle. Mais son adoption s’accélère aujourd’hui, en raison de plusieurs facteurs :
- Volatilité des parcours professionnels : les carrières linéaires deviennent l’exception. Les salariés recherchent davantage d’opportunités de développement personnel et de sens, quitte à changer plus souvent d’employeur.
- Évolutions technologiques rapides : l’IA, l’automatisation ou encore les plateformes numériques modifient en permanence les compétences nécessaires, parfois du jour au lendemain. En parallèle, les écoles et universités peinent à adapter leurs programmes.
- Autonomie croissante dans l’apprentissage : MOOC, micro-certifications, autoformation en ligne… chacun est libre de créer son parcours pédagogique.
- Disparition de savoirs clés : le départ à la retraite des baby-boomers entraîne une perte d’expertise et un transfert de compétences qui ne sont pas toujours anticipés.
- Fin des silos organisationnels : la transversalité et les projets collectifs rendent obsolète une gestion figée des rôles.
Ainsi, les frontières traditionnelles entre métiers, services et hiérarchie s’effacent. Dès lors, le contexte pousse les entreprises à adopter une gestion plus dynamique des savoir-faire.
Quels sont les facteurs clés de succès d’un skills-based organization ?
Cartographie précise et évolutive des compétences
Réussir une transformation vers une skills-based organization se fait en plusieurs étapes. La première repose sur une cartographie précise et évolutive des compétences. Elle doit permettre d’identifier celles :
- déjà existantes dans l’entreprise ;
- émergentes sous l’effet des mutations du marché ;
- présentes mais sous-utilisées ;
- manquantes.
La démarche suppose un niveau de détail élevé et une certaine humilité. Il s’agit de comprendre finement chaque métier, mais aussi reconnaître que certaines compétences historiquement valorisées ne sont plus indispensables.
Cette cartographie des compétences est désormais facilitée par l’essor de plateformes type Talent Marketplace ou de solutions d’IA. Capables de rapprocher automatiquement besoins et ressources, ces dispositifs offrent une visibilité inédite sur les parcours possibles.
Podcast vidéo DestinationRH sur la gestion des compétences
Pilotage RH connecté à la stratégie de l’entreprise
Si technologie et méthodologie comptent, elles ne suffisent pas. Car la réussite d’une SBO repose sur un pilotage RH étroitement connecté à la stratégie de l’entreprise. Sans cela, la mobilité transversale et l’apprentissage continu sont freinés. En effet, l’approche fonctionne lorsque toutes les sphères s’inscrivent dans une dynamique commune. L’implication visible de toutes les strates managériales et une communication régulière crédibilisent la démarche et assurent qu’elle ne reste pas confinée aux RH.
Mesurer l’impact au fur et à mesure
Autre facteur clé ? La capacité à suivre la transformation en temps réel. Il s’agit donc de définir, dès le départ, des indicateurs précis tels que le taux de mobilité interne, de satisfaction, d’adoption. Le but étant d’être en mesure d’ajuster la stratégie au fil de l’eau. Une approche itérative qui renforce la crédibilité du projet avec des bénéfices tangibles auprès des équipes.
Quels sont les freins au passage à une Skills-Based Organization ?
Toute transformation suscite des craintes, et l’approche centrée sur les compétences n’y échappe pas.
La première concerne le risque perçu de baisse de performance. Pourtant, les chiffres racontent une autre histoire. Les SBO enregistrent 49% de chances supplémentaires d’améliorer leurs process pour maximiser l’efficience, 52% de chances d’innover davantage et 57% de mieux anticiper le changement.
Une autre préoccupation est celle d’une perte de statut, notamment pour les collaborateurs habitués à des carrières hiérarchisées. La perspective d’une évaluation plus transversale peut sembler insécurisante. Mais là encore, les bénéfices dépassent les inquiétudes. Les organisations basées compétences offrent 79% de chances supplémentaires de procurer une expérience professionnelle positive, et 98% de chances d’être perçues comme des lieux de croissance et de développement.
En clair, ce qui peut apparaître comme une menace se révèle, chiffres à l’appui, être un accélérateur de performance et d’engagement.
Caractéristiques RH d’une Skills-Based Organization
Alors, concrètement, comme se traduit une Skills-Based Organization dans le quotidien RH ?
Stratégie SBO : Tableau d’observations et résultats
Dimension RH | Observations | Résultats |
Recrutement | Dans une SBO, les offres d’emploi n’imposent plus de diplôme ou d’années d’expérience comme prérequis. Les entretiens privilégient les mises en situation, études de cas et tests de compétences. | Un processus plus objectif, moins dépendant du « culture fit » ou de l’intuition du recruteur. Des recherches (Hunter & Hunter, 1984) montrent que recruter sur les compétences prédit la performance cinq fois mieux que sur l’expérience seule. |
Formation | L’entreprise consacre du temps à l’autoformation et propose des parcours modulaires, personnalisés et pilotés par le salarié. | Une montée en compétences continue, des carrières plus individualisées et une adéquation renforcée entre besoins business et formation. |
Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) | La GEPP prend une dimension plus proactive et transparente. Plutôt que de planifier uniquement des postes à long terme, l’entreprise anticipe les évolutions de compétences nécessaires et ajuste en continu. | Une meilleure capacité à faire évoluer les collaborateurs vers les métiers émergents et à limiter les risques d’obsolescence des compétences. |
Culture agile | La SBO favorise un fonctionnement horizontal : polyvalence, travail en projet, implication collective, hiérarchie allégée. | Selon les études, les entreprises adoptant ce modèle ont 98 % de chances supplémentaires de fidéliser leurs meilleurs talents et d’améliorer leur marque employeur. |
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Vers la fin du « plafond de papier » ?
On parle de « plafond de papier » pour désigner la primauté des diplômes sur l’expérience ou l’autoapprentissage. La montée en puissance des organisations basées sur les compétences sonne peut-être la fin de cette ère.
Pour les RH, il ne s’agit plus seulement de gérer des postes, mais de révéler et de faire vivre les compétences. C’est à cette condition que l’entreprise pourra rester compétitive, et que les collaborateurs trouveront un véritable terrain d’épanouissement professionnel.
Source(s) documentaire(s) :
- Publications Boston Consulting Group, 2023 & 2025
- Publication Paul Courtaud pour Neobrain, 2025
- Un nouveau modèle d’organisation du travail, Deloitte 2022