L’entretien annuel fait-il encore sens au sein des organisations ? C’est la question posée à Manon Macé, responsable RH de l’entreprise Voltalis qui compte aujourd’hui un peu plus de 250 collaborateurs et s’inscrit dans une dynamique de forte croissance.
L’entretien annuel a-t-il encore du sens ?
L’entretien annuel constitue un moment privilégié pour le collaborateur et le manager. L’objectif est de faire le point sur l’année écoulée, sur ce qu’il s’est passé, sur les objectifs traités depuis le précédent entretien ou l’arrivée en poste. Outre l’organisation de l’année à venir, c’est également l’échange qui permet d’évoquer l’employabilité du collaborateur, l’évolution possible, ses forces, ses axes d’amélioration, etc.
C’est un outil de management, je dirais même de management de la performance. Dès lors, la question du sens de l’entretien annuel ne se pose pas vraiment. Chez Voltalis, il est d’ailleurs bien perçu.
En revanche, c’est un fait : les campagnes d’entretien prennent du temps. Organisation, préparation des entretiens, des questionnaires, définition des objectifs, des compétences, etc. C’est principalement pour cette raison qu’il faut parfois convaincre les managers de jouer le jeu.
Pour cela, il peut être bon de rappeler l’objectif de l’entretien annuel : prendre le pouls de l’équipe. Mais aussi faire prendre conscience aux managers que s’ils ont la sensation de perdre du temps à un moment donné, en réalité, ils en gagnent sur le long terme.
C’est un peu ça la problématique majeure lorsqu’arrive l’échéance de l’entretien annuel. Même quand l’outil a du sens pour la plupart des équipes de management, les campagnes suscitent bien souvent un sentiment d’urgence à l’origine des « Je ne peux pas », « Je n’ai pas le temps », « Je ne vais pas m’en sortir » remontés aux équipes RH qui accompagnent les équipes managériales dans une logique de co-construction.
Selon moi, cette dernière constitue d’ailleurs la clé pour redonner du sens à l’entretien annuel lorsque les managers n’y croient pas, ou plus, se posent des questions, etc. L’idée de co-construire a en effet toute son importance : il ne faut pas que les questionnaires, la définition des objectifs…descendent de la RH. Au contraire, les outils doivent parler aux managers qui doivent choisir les questions, en fonction des enjeux du terrain.
À défaut, il y a un risque qu’ils se retrouvent finalement devant une trame qui ne signifie rien pour eux et qu’ils ne s’impliquent pas autant qu’ils le devraient lors de leurs rencontres avec les collaborateurs.
Au-delà de cette approche « pédagogique », la digitalisation permet aussi de marketer un peu le processus en interne. Aujourd’hui, différents outils permettent de centraliser les informations, de retrouver l’historique des entretiens annuels. Ils apportent une véritable dimension collaborative au process, et donc de la valeur. Ce qui facilite l’exercice pour tous : collaborateurs, managers, RH.
Comment la création de trames fonctionne-t-elle chez Voltalis ?
En moyenne, nous utilisons une quinzaine de questions, dont des questions ouvertes. De même, on retrouve beaucoup d’échelles. Avec, dans tous les cas, des sections de commentaire. Ceci afin de laisser toute la place à nos collaborateurs de s’exprimer assez librement.
Je trouve que c’est assez intéressant de conserver cette part de « liberté d’expression », car en réalité on peut toujours interpréter un résultat de plusieurs façons possibles. Et, de ce fait, faire dire ce qu’on veut.
De même, ce n’est pas toujours simple pour un collaborateur de se positionner : quelle est vraiment la nuance entre « à peu près d’accord » et « satisfait » ? C’est important pour le management, les RH et l’employeur de comprendre pourquoi le collaborateur donne une réponse plutôt qu’une autre.
Les résultats sont la base de l’échange d’un entretien. C’est pourquoi nous communiquons beaucoup sur cette notion de prendre le temps de préparer des commentaires, de s’exprimer, lors du lancement des campagnes.
Ainsi, lorsque l’entretien physique est organisé, les parties peuvent traiter, échanger, valider tous les items abordés. Avant de se mettre d’accord sur ce qui ressort de l’échange.
À l’issue, les contenus des commentaires et les réponses ouvertes sont exploités par la RH. Nous nous appuyons notamment sur ces données pour faire émerger des idées, par exemple, ou faire un suivi au cas par cas lorsque nécessaire.
Comment les collaborateurs perçoivent-ils l’entretien annuel, évaluation ou temps d’échange ?
Majoritairement, il est perçu comme un temps d’échange. Je pense que c’est surtout dû au fait que les managers le perçoivent aussi de cette manière.
En effet, la perception des équipes dépend aussi beaucoup de la façon dont l’employeur communique sur le sujet. D’un point de vue marketing RH, annoncer la campagne d’évaluation annuelle ou annoncer la campagne d’entretiens annuels est très différent.
En tant que RH, je prends ma part d’insister beaucoup là-dessus en rappelant à tous de bien préparer les échanges. Ceci afin qu’il s’agisse d’un moment où chacun se sent libre de s’exprimer sur ses envies, ses besoins, ses objectifs. Et ce, sans avoir l’impression d’être uniquement évalué.
Face aux problématiques de recrutement et de fidélisation des entreprises, l’entretien annuel — dans sa formule actuelle — est-il suffisant ?
Je ne crois pas aux règles absolues. À mon sens, l’entretien annuel est certainement suffisant et pertinent. Il n’empêche que la question se pose de plus en plus de prévoir ce type d’entretien deux fois par an.
Notre société dans son ensemble évolue de plus en plus vite. En l’espace de 6 mois, beaucoup de choses peuvent changer. Au sein de l’organisation, cela signifie aussi que des objectifs fixés en début d’année n’ont peut-être plus la même valeur, ni même lieu d’être quelques mois plus tard.
Soit parce qu’ils sont déjà atteints ou, à l’inverse, qu’on se rend compte qu’ils étaient inatteignables. À l’échelle individuelle, les choses peuvent aussi changer et c’est à prendre en compte.
Est-ce que ça demande une charge de travail encore plus importante ? Probablement pas, dans la mesure où un second format peut être plus court et focalisé sur des points précis.
Certains de nos managers ont mis le sujet sur la table et nous en discutons. Pour l’instant, il y a plus de pour que de contre donc on se dit qu’il faudrait peut-être le mettre en place. Preuve que les équipes croient encore à l’utilité de l’entretien annuel.
Vous pouvez retrouver l’intervention de Manon Macé lors du webinar : Redonner du sens à l’entretien annuel quand les managers ne croient plus en son utilité