Peut-on favoriser le leadership féminin en entreprise ? Selon le dernier rapport HCE, seuls 20 % des répondants pensent que les femmes et les hommes sont égaux dans le monde professionnel. Les inégalités persistent dans le monde du travail. Le sexisme au travail s’illustre notamment par des écarts de salaire, des discriminations, des stéréotypes, mais aussi un accès difficile aux postes à responsabilités.
Alors, c’est quoi le “leadership féminin ?” Comment le promouvoir en entreprise ?
Le plafond de verre est loin d’être brisé
Le rapport du HCE démontre que le monde du travail fait partie des sphères de la société dans lesquelles les femmes auraient vécu le plus de situations sexistes pour 46 % d’entre elles, avec le foyer (49 %) et les transports (57 %). En outre, 80 % des femmes ont déjà eu le sentiment d’avoir été victimes d’inégalités de traitement en raison de leur sexe. Un pourcentage qui atteint 37 % des hommes seulement.
- À profil et poste comparables, les rémunérations des hommes cadres demeurent 7 % supérieures à celles des femmes cadres (étude Apec, 2021).
Aujourd’hui encore, les femmes sont minoritaires au sein des équipes de direction et des échelons managériaux. Le concept du “plafond de verre” part d’un constat. Les femmes se heurtent au quotidien à un plafond invisible lorsqu’elles souhaitent évoluer dans leur parcours professionnel et accéder au sommet de la hiérarchie. Ce concept a été théorisé dans les années 1970 aux États-Unis.
Cette difficile évolution professionnelle est notamment causée par des discriminations de genre, des biais sexistes dans la culture d’entreprise, des freins psychologiques ou le manque de représentation dans des sphères haut placées.
- Les femmes cadres accèdent moins au management que les hommes (35 % des femmes contre 43 % des hommes).
- Lorsqu’elles sont managers, leur poste s’apparente plus souvent à du management de proximité (équipes plus restreintes, moindre responsabilité de budget/chiffre d’affaires).
Les cadres sont peu nombreux à considérer que ces inégalités se sont réduites au cours des 5 dernières années (31 %), en particulier parmi les femmes cadres (14 %). En 2021, les femmes ne représentent que 36 % des cadres dans les entreprises privées, contre 47 % des non-cadres.
En 2022, Orange est devenu le troisième groupe du CAC 40 à être dirigé par une femme, après Engie et Veolia, pour la première fois de son histoire.
La vision genrée des hommes et des femmes dans la sphère professionnelle mais aussi personnelle (répartition des tâches domestiques, perception de la maternité…) est encore tristement d’actualité. Et nombre de femmes éprouvent des difficultés à gravir les échelons.
L’écosystème des start-up n’est pas préservé, au contraire. Bien que les femmes représentent 46,6% des effectifs des start-up du groupe Next 40, leurs parcours sont différents de ceux des hommes. Elles représentent seulement 26,8% des top managers selon Anne-Marie Rocco.
Les chiffres sont également préoccupants au sein des petites structures : seules 12 % de femmes dirigent une PME ou une ETI.
Le leadership féminin, c’est quoi ?
Les femmes sont des humains comme les autres. Puisque chaque humain est différent, il n’y a pas de leadership typiquement au féminin, ou de leadership au masculin.
En revanche, le leadership féminin peut être entendu comme le fait de faciliter l’accès des femmes aux fonctions de leader (pilotage de projets, management des équipes, direction de services…). L’objectif du leadership féminin est d’atteindre l’égalité des genres en luttant contre les inégalités pesant sur le monde du travail et sur les carrières des femmes.
Les enjeux clés du leadership féminin :
- atteindre l’égalité homme femme
- favoriser la diversité et l’inclusion
- améliorer la QVCT (qualité de vie et des conditions de travail) et donc la performance globale
- développer la culture d’entreprise et la marque employeur
Le leadership va de pair avec la confiance en soi et la capacité à s’affirmer en public, notamment avec assertivité. L’affirmation de soi constitue un levier de développement personnel et professionnel.
Qu’est-ce qu’un leader au juste ? Le leadership correspond à la capacité à influencer, à fédérer un groupe et à diriger une équipe vers des objectifs communs, tout en remportant l’adhésion générale. Un(e) bon(ne) leader (ou un leadership équilibré) doit être une personne intègre, respectable, innovante, créative, confiante, bienveillante, charismatique et autonome. Mais, il ou elle doit également posséder certaines soft skills : intelligence émotionnelle, empathie, écoute active, adaptabilité, résilience, aptitude à la résolution de problèmes et à la prise de décision… Un ou une leader n’est donc pas forcément manager.
Développer le leadership féminin est possible en montrant l’exemple au niveau du top management de l’entreprise. Les représentations sont essentielles pour permettre aux femmes de se projeter au sein de certaines fonctions sans se brider. La parité du comité de direction ainsi que des autres instances dirigeantes permet de promouvoir l’égalité entre les genres et donc, le leadership féminin.
De plus, la valorisation des soft skills en entreprise est essentielle. Face aux mutations du monde du travail et à l’obsolescence des compétences techniques, s’appuyer sur les soft skills paraît aujourd’hui indispensable. Par exemple, elles sont utiles pour choisir entre deux personnes possédant une expérience et des compétences égales ou même lors du processus de recrutement.
La transformation des mœurs et la suppression des stéréotypes de genre ne se produira pas du jour au lendemain. Toutes les parties prenantes de l’organisation doivent être incluses dans cette démarche pour garantir son succès : la direction, les managers, les professionnels des RH et les collaborateurs. Afin de promouvoir le leadership féminin, il est donc essentiel de sensibiliser en continu les équipes. La formation représente un bon moyen pour lutter contre les stéréotypes et biais discriminatoires inculqués dès le plus jeune âge.
Dans la suite de cet article, nous aborderons le leadership féminin sous le prisme des expériences en matière de leadership propres à 5 différentes femmes :
- Aline Aubertin, présidente de l’association Femmes Ingénieures et directrice générale de l’Institut supérieur d’électronique de Paris (ISEP)
- Solenne Bocquillon-Le Goaziou, fondatrice et PDG de Soft Kids
- Virginie Créance, directrice générale adjointe pour l’animation de Superprod
- Isabelle Crombez, membre du board du réseau PWN Paris, coach professionnelle et cadre dirigeante dans l’industrie automobile
- Murielle Osias, fondatrice du réseau WO|MAN – I Wear My Crown (WOMANIWMC)
Les clés pour favoriser le leadership féminin
Promouvoir le leadership féminin incarne un véritable levier d’amélioration de la QVCT et de l’engagement collaborateur. Pourquoi ? Qu’il s’agisse d’un moyen de valoriser et de donner du sens au travail des salariés, de combler le manque de reconnaissance ou encore de développer votre marque employeur, les sujets liés à l’égalité et la diversité représentent de véritables enjeux RH.
- 1 candidat sur 2 postule à une offre uniquement s’il a une bonne image de l’entreprise (étude HelloWork, 2021)
- L’adéquation entre les valeurs du candidat et celles d’une organisation sont le facteur numéro 1 le motivant à dire oui à une entreprise (baromètre CCLD x myRHline 2023).
Découvrez les conseils de 5 femmes occupant des postes à haute responsabilité et/ou des membres influentes de réseaux professionnels féminins. Ces conseils s’adressent aux entreprises et aux managers pour favoriser le leadership féminin. Leurs expériences ont été recueillies par GetApp.
« Il ne faut pas forcément attendre que l’on nous donne une place. Les femmes doivent continuer à prendre des initiatives » pour Murielle Osias.
- Être attentifs aux aspirations des collaboratrices
Selon Solenne Bocquillon-Le Goaziou : “Il faut avoir des discussions ouvertes et non pas penser à la place de ses collaborateurs. Je me suis déjà retrouvée dans des réunions avec des hommes qui disaient, sous couvert de bienveillance, qu’une employée ne pouvait prétendre à un poste, car elle avait déjà trois enfants, et que cela ferait trop pour elle. Or, ils ne lui ont même pas demandé si c’était le cas alors que c’était peut-être le travail de ses rêves.”
Demander leurs avis et feedbacks aux collaboratrices (en présentiel ou en télétravail) est donc essentiel pour connaître leurs objectifs de carrière et œuvrer en faveur de leur évolution.
- Intégrer l’égalité femmes hommes dans les actions et valeurs de l’entreprise
Au sein de l’organisation dirigée par Virginie Créance, une charte a été élaborée et doit être signée par l’ensemble des salariés. Par ailleurs, elle souligne l’importance pour les professionnels des ressources humaines de suivre certains indicateurs. “Notre direction RH fournit des indicateurs clés de performance de diversité et met en avant des chiffres que nous étudions. Nous suivons l’index parité. Il est important car, au-delà de révéler le nombre de femmes ou d’hommes, il nous indique les écarts de rémunération. Nous calculons également le pourcentage de nouveaux entrants féminins. Une fois que nous identifions des zones d’amélioration, nous envoyons aux managers des rapports afin de mettre en place les actions à mener dans chaque département.”
De plus, la communication en interne ainsi que la formation sont essentielles pour que l’ADN de l’entreprise reflète véritablement les valeurs promues.
- Orienter les salariées vers des programmes favorisant l’évolution professionnelle
Si le nombre de candidates est restreint pour accéder à certaines fonctions supérieures, “c’est à l’entreprise de créer un vivier de femmes pour des postes à responsabilités”, estime Isabelle Crombez. “Il faut avoir la volonté et le réflexe de chercher des talents féminins dans ses effectifs, sans pour autant les favoriser et en veillant à garder la notion de compétences.” La gestion des parcours professionnels dans l’entreprise est cruciale pour anticiper les évolutions de carrière.
- La formation et la sensibilisation des équipes à la prévention des biais sexistes
L’égalité hommes femmes ne pourra être atteinte que lorsque tous les salariés, femmes et hommes, auront dépassé ces biais sexistes inculqués dès le plus jeune âge. C’est pourquoi la lecture de cette problématique doit se faire en ce sens. Grâce à une stratégie de communication et de sensibilisation, la qualité de vie au travail sera en mesure d’être améliorée pour tous.
5 conseils pour briser le plafond de verre
Voici également les 5 conseils de ces femmes leaders pour briser le plafond de verre au quotidien :
Conseil numéro 1 : Avoir un rôle actif
Le leadership, féminin ou masculin, demande à l’humain d’être proactif ! Toute culture d’entreprise prend le risque d’entraver la progression des femmes vers des postes à responsabilités, à cause de biais sexistes intégrés inconsciemment – ou consciemment.
Les femmes sont encouragées dès l’enfance à être studieuses, beaucoup font leur travail discrètement. Néanmoins, cela ne garantit aucune reconnaissance ou progression. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre de la distance sur la situation afin de s’affirmer, devenir proactive et ne pas hésiter à prendre des initiatives pour évoluer.
Face au plafond de verre, on peut utiliser des stratégies de contournement et se dire que si on n’y arrive pas par la grande porte, on peut y parvenir en empruntant la fenêtre ou la cheminée.
Conseil numéro 2 : Oser demander de l’aide et des feedbacks
Demander de l’aide permet d’atteindre ses objectifs plus rapidement. Demander une opinion, un retour ou un conseil peut faire changer sa perspective et débloquer une situation problématique.
Demander constamment un apprentissage est essentiel. On peut demander à son manager de l’aide. Il peut donner des indications et détecter ce qu’il manque pour y arriver. Cela donne plus de force pour atteindre son but.
Conseil numéro 3 : reconnaître ses qualités et les promouvoir
Incarner et promouvoir le leadership féminin demande de la confiance en soi. Pour développer sa confiance en soi, il est indispensable de savoir reconnaître ses qualités et se mettre en valeur. Les femmes auraient tendance à ne pas suffisamment se valoriser, voire à être davantage sujettes au syndrome de l’imposteur. En effet, dans “Le syndrome d’imposture : pourquoi les femmes manquent-elles tant de confiance en elles ?” Élisabeth Cadoche et Anne de Montarlot constatent que ce phénomène toucherait plutôt les femmes et que, d’après une étude publiée en 2018 par l’Université Cornell, elles sous-estiment plus leurs performances.
Il faut aider les femmes à valoriser ce qu’elles font. J’en ai vu beaucoup dans ma carrière qui faisaient plein de choses mais qui ne mettaient pas en avant les projets qu’elles ont fait en se disant que cela faisait partie de leur travail. Moi, j’incite les femmes à provoquer des rendez-vous avec leurs managers, à se poser pour faire un bilan et à mettre en avant leurs compétences ainsi que ce qu’elles ont accompli.
Pour mettre toutes les chances de son côté, savoir se mettre en valeur est plus qu’un droit, c’est un devoir !
Conseil numéro 4 en faveur du leadership féminin : s’inspirer de modèles et trouver des allié(e)s
Le manque de soutien peut ralentir la progression des femmes. Aux prémices de sa carrière, Solenne Bocquillon-Le Goaziou a misé sur une coalition avec des collègues du même âge. Elle ajoute : “On s’entraidait, on se faisait des débriefs après chaque réunion, on s’évaluait, on cherchait des axes d’amélioration… Ce qui est important, c’est d’essayer de trouver des alliés. Dans mon cas, il s’agissait d’alliés générationnels, car il n’y avait pas d’autres femmes dans mon équipe.”
“Le fait d’avoir des réseaux en entreprise mais aussi à l’extérieur aide à construire la résilience” affirme Murielle Osias.
Selon Aline Aubertin : “Bien s’entourer est important. Ensemble, on est plus fortes. On peut se donner des conseils, comprendre que l’on n’est pas seule, que la situation que l’on vit est certes anormale mais connue et que l’on peut s’entraider.”
De même, Solenne Bocquillon-Le Goaziou insiste sur l’importance d’avoir un modèle accessible : “ Dès l’instant où on a des modèles, on se dit que si elles peuvent le faire, je le peux.”