Le groupe majorian a récemment lancé un label QVT Peace and work à destination des hôteliers-restaurateurs. Le but ? Distinguer les politiques de Qualité de Vie au Travail ambitieuses qui ont été développées.
Le groupe majorian est une plateforme de services – notamment dédiée aux Ressources Humaines – à destination des hôteliers restaurateurs. Il détient notamment le réseau “Les Collectionneurs”, créé en 1975 et présidé par Alain Ducasse.
Mais qu’est-ce qui a motivé, à l’origine, la création du label QVT chez le groupe majorian ? Quels sont ses enjeux pour les collaborateurs, les managers ? Quel est le rôle de la fonction RH en ce sens ? Dans cet article, on vous dit tout sur cette nouvelle démarche, avec les éclairages de Sandrine Chourrout, DRH pour l’organisation majorian, sur le déploiement du projet label QVT.
Sur quel constat le label QVT a été créé ?
Naturellement, les difficultés de recrutement ont joué un rôle dans le déploiement du label QVT pour le groupe majorian. Mais ces difficultés existaient déjà avant la crise sanitaire – dans une moindre mesure, mais elles existaient déjà. Le secteur est désormais menacé par la fuite des talents et des compétences. Et pour cause : ce secteur attire de moins en moins les collaborateurs. L’enjeu est donc de travailler l’attractivité de ce coeur d’activité.
Depuis la crise sanitaire, le secteur a explosé du point de vue des salariés qui ont quitté le milieu. C’est aussi un milieu qui n’attire plus comme avant même s’il attire toujours des passionnés, il attire moins en masse. Compte tenu des besoins énormes qu’il y a dans le secteur, on s’est retrouvé avec plus de 200 000 postes vacants avant l’été. Et au mois d’octobre, le ministère du Travail en a annoncé 70 000 post saison.
L’été dernier, beaucoup d’établissements ont d’ailleurs fermé leurs portes.
Il y avait donc un réel besoin en termes de QVT et on se rend compte aujourd’hui chez majorian qu’il faut aussi accompagner les structures qui peinent à faire connaître toutes les bonnes choses qui ont été déployées au niveau de l’accompagnement des salariés notamment. Car il s’agit souvent d’indépendants qui n’appartiennent pas à des grands groupes et qui n’ont pas les moyens de marketer ces belles actions.
Certaines structures ont aussi besoin d’être accompagnées sur une transition sociale nécessaire. Il s’agit d’un « secteur de passionnés » où les propriétaires ont bien souvent développé des initiatives très qualitatives mais n’ont pas l’opportunité ou les moyens d’accompagner les collaborateurs comme il se doit afin que le secteur devienne attractif en termes de gestion humaine. Sandrine Chourrout a notamment rencontré des propriétaires qui ont des choses à faire valoir : parfois, ils logent leurs salariés en province, mais il y a aussi des avantages sociaux et des modes de travail à faire valoir.
Avec le label QVT, le but est que les établissements puissent l’utiliser pour faire connaître le niveau maturité des entreprises au niveau managérial et organisationnel notamment. Le label QVT est une démarche créée dans une logique de progrès, d’amélioration continue et d’accompagnement social des équipes.
Cette démarche a notamment été déployée face au constat de la méconnaissance des leviers pouvant être activés. Car lorsqu’on est chef d’entreprise, on a des compétences en matière d’hospitalité, de restauration, des hard skills spécifiques et un certain leadership mais il y a beaucoup d’autres choses à mettre en place qui sont encore méconnues, comme l’explique la DRH. Et les Ressources Humaines jouent un rôle considérable en ce sens.
Les Ressources Humaines ont été mises en lumière à la suite de la crise sanitaire, parce que c’est quand même sur les RH que tout reposait : la gestion de l’activité partielle, le dynamisme, etc. Mais il faut bien voir que ça, c’est un maillon dans la chaîne de réussite. Il s’agit d’un maillon indispensable, mais tout seul, on ne peut rien faire non plus. Donc c’est vraiment un travail d’équipe. Et je dirais qu’il y a des compétences particulières à avoir en RH, comme dans la technique culinaire, l’hospitalité, la gestion financière, etc.
Quels sont les enjeux du label QVT ?
Selon Sandrine Chourrout, il est absolument nécessaire d’entamer une transition sociale et le label QVT Peace and work s’inscrit dans cette volonté. Il s’agit notamment de tenir compte des besoins des salariés qui ont évolué. Autrement, on risque de “se retrouver sans effectifs, et nous sommes dans un métier de service qui ne fonctionne qu’avec l’humain : c’est lui qui prépare les plats, va servir, etc. Autrement, on va dans la restauration rapide. Mais là, on a une attente particulière et c’est l’humain qui va faire la différence”.
Il s’agit donc de devenir compétitif par rapport à cette activité. Certains ont su sortir leur épingle du jeu en ce sens, rappelle la DRH – comme la grande distribution. L’enjeu réside notamment dans la prise de conscience de l’existence des possibilités : majorian a des choses à faire valoir afin de répondre au besoin en recrutement, aux enjeux de fidélisation des talents dans la fonction Ressources Humaines, etc.
D’autant plus à l’heure actuelle où il y a beaucoup de reconversion dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Les collaborateurs migrent vers des univers où, par exemple, ils n’ont pas à travailler le soir.
Il s’agit notamment de repenser les modes d’organisation et aller vers davantage d’individualisation : “C’est le nerf de la guerre pour répondre aux attentes de tout le monde”, explique Sandrine Chourrout. En effet, tous les collaborateurs n’ont pas les mêmes critères, les mêmes attentes en matière d’organisation professionnelle car tous n’ont pas les mêmes modes de vie (certains sont parents, d’autres sont aidants, etc.)
Or, on évoque beaucoup la question du télétravail comme facteur amélioration des problématiques QVCT, notamment dans la presse. Cela contribue à nourrir l’idée que le télétravail est le seul – ou l’un des seuls – mode de travail qui peut réellement répondre aux enjeux liés à la Qualité de Vie au Travail : “Cela surajoute cet idée d’équilibre vie professionnelle vie personnelle où l’on peut baisser les bras dans notre secteur, alors qu’il y a d’autres modes d’organisation possibles”, explique Sandrine Chourrout.
En outre, 76 % des salariés demanderaient davantage de flexibilité dans l’hôtellerie-restauration selon une étude People at Work (2022), conduite sur 17 pays auprès de 35 000 collaborateurs. Il faut aussi montrer quelles peuvent être les choses positives et tester des choses. Et le déploiement du label QVT s’inscrit dans cette volonté.
Les conseils de Sandrine Chourrout aux managers
Sandrine Chourrout conseille aux équipes en charge du management d’essayer de sortir d’un schéma trop autoritaire que l’on peut connaître aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’être “open” selon elle mais “on peut très bien avoir de la liberté dans un espace restreint (…) Il faut impliquer les équipes pour qu’ils voient en quoi leur action impactent sur la réussite d’une notation excellente sur un hôtel, sur la réussite d’un plat avec des clients qui sont heureux (…) chacun doit pouvoir voir en quoi il contribue à tout cela”. Ces actions managériales sont d’ailleurs très importantes pour favoriser l’engagement collaborateur et répondre aux besoins de sens au travail, à l’heure où la quête de sens fait toujours plus parler d’elle au sein des entreprises en France.
En outre, il faut que les managers puissent communiquer davantage avec leurs équipes au quotidien.
Il y a eu des mouvements sur les violences en cuisine (…) il faut lutter contre tout cela. Malheureusement, ces faits viennent prendre le devant de la scène et impactent l’ensemble de la profession. Même si ces faits existent et qu’il ne s’agit pas de les nier, c’est aussi le cas dans d’autres secteurs. Mais dans l’hôtellerie-restauration, il y a aussi cette idée de “brigade”.
Selon elle, cette culture de « brigade » n’existe pas pour rien. Tous ces modes là font aussi partie de l’ADN, de la culture du secteur hôtellerie-restauration. “Mais il ne faut pas confondre exigence, requête managériale et pression. Les managers doivent prendre exemple sur ceux qui ont su embarquer leurs équipes”.
Les managers doivent pouvoir faire confiance, donner de la liberté à leurs équipes dans un subtil équilibre entre liberté des salariés, qualité de vie au travail et exigences managériales.
Malheureusement, l’hôtellerie-restauration est en proie à des stéréotypes qu’il s’agirait de déconstruire pour mettre en avant toutes les belles réussites qu’il peut y avoir dans ce domaine d’activité – d’autant que ces réussites sont fréquentes, rappelle la DRH de l’organisation.
- Sur les critères et modalités du label QVT
Pour obtenir ce label QVT, majorian déploie une enquête approfondie sur 5 critères pour établir un diagnostic, une évaluation pertinente des entreprises en la matière :
- La culture d’entreprise
- La cohésion d’équipe
- Les conditions de travail
- L’équité
- La fierté d’appartenance
Cette enquête anonyme est effectuée auprès de l’ensemble des collaborateurs d’un établissement. Si on obtient une note minimale globale de 3,2/5, on peut obtenir une distinction de bronze. Cela permet notamment de challenger, de motiver les entreprises. 60 % de l’effectif doit avoir répondu pour que les résultats soient véritablement représentatifs. Le questionnaire comprend 34 questions fermées et 3 questions ouvertes. Un questionnaire est également mis à disposition de la direction (15 questions portant sur les mêmes critères, mais qui pourront donner une image de la disparité ou non qu’il peut y avoir sur la vision de l’employeur et des salariés en vue de définir des axes d’amélioration et déployer un plan d’action).
Crédit photo : Sandrine Chourrout Ducournau_(c)Nathalie Carnet.jpg