Lors du salon SRH 2023, la rédaction a assisté à une conférence portant sur les enjeux de la transformation digitale.
La question posée était la suivante : Comment devenir une RH digitale en conciliant l’expérience collaborateur, la sécurité des données et la sobriété numérique ? Pour y répondre, Véronique Montamat, Directrice Marketing et Prospective RH (SOPRA HR SOFTWARE), Nicolas Hoehne, Directeur SIRH (Samsic) ainsi que Guillaume Dannebey, Directeur de projets SIRH (Onet) nous ont partagé leur expertise sur le sujet.
Etat des lieux de la digitalisation des entreprises
Face à l’évolution rapide des modes de travail, les directions des Ressources Humaines ont dû accélérer leur transformation digitale et répondre à des nouveaux enjeux. Ainsi, pour de nombreuses entreprises, la digitalisation RH impulse de nombreuses opportunités et de nouveaux challenges.
Aujourd’hui, on ne peut pas faire de RH si on n’a pas de système d’information pour nous aider au quotidien.
Selon Véronique Montamat (Directrice Marketing et Prospective RH, SOPRA HR SOFTWARE), la crise sanitaire a donné un véritable coup d’accélérateur à la transformation diigtale puisque les professionnels des RH ont dû continuer à délivrer leurs services tout en utilisant des solutions dématérialisées. Les entreprises ont dû continuer à gérer la paie, les parcours de formation et apprendre à recruter à distance.
Le constat est le suivant : les sociétés équipées de diverses technologies possèdent énormément de systèmes RH à administrer. Le nouvel enjeu des DRH est donc d’être capables de proposer aux collaborateurs une expérience positive et intuitive. Parmi toutes les nouvelles technologies à disposition, comment et où le collaborateur peut-il poser ses congés, ou encore faire une demande de formation ? “De nombreux collaborateurs se sentent perdus face à cette palette de services proposés” estime Véronique Montamat.
Le baromètre mené par Sopra HR et L’Usine Digitale réalisée au mois de novembre 2022 porte sur les projets de digitalisation RH (déployés ou en cours) au sein des entreprises.
Voici le classement qui se dessine :
- La dématérialisation des documents RH représente le 1er projet de transformation digitale pour les entreprises (79 %)
- La mise en place de self-service RH arrive en seconde position des projets les plus déployés (chez 77 % des organisations)
- Les plateformes de formation à distance (70% des sociétés et 94% des très grandes entreprises)
- Les solutions digitales d’écoute (65% des entreprises et 94% des très grandes entreprises). Ces dernières mesurent la satisfaction des salariés et la QVCT. L’objectif est de développer une meilleure connaissance de chaque individu et de leurs ressentis.
- Les solutions digitales RSE (44% des organisations )
- Big data et analytique RH (43% des sociétés) : la big data incarne « l’or noir de l’entreprise ». De grandes quantités de données sont désormais à la portée de chaque organisation. Leur exploitation est indispensable pour y trouver de la richesse et être capable de guider au mieux les stratégies RH.
- Les solutions digitales d’engagement (43%)
- Chatbot RH : 18% des entreprises seulement ont installé un chatbot pour répondre aux questions des salariés, notamment concernant le prélèvement à la source. “ Néanmoins, cette enquête a été réalisée avant la popularisation de Chat GPT qui va certainement bouleverser les usages de nombre de professionnels “ indique Véronique Montamat.
- Utilisation du metavers : 13% des entreprises pensent, ou l’ont déjà déployé,, notamment lors des processus d’onboarding ou de formation.
La pertinence des outils digitaux
Nicolas Hoehne est Directeur SIRH chez Samsic. Pour lui, les salariés incarnent la force de l’organisation. “ Une fois la transformation digitale de l’entreprise effectuée, la question qui s’est posée à nous était la suivante : avons-nous vraiment besoin de tous ces systèmes ? “ En effet, l’écosystème RH de la société est composé de 52 outils interconnectés. Alors, quels sont les enjeux liés à cette transformation digitale ?
Selon le Directeur SIRH, il est crucial que les professionnels se demandent si les technologies dont elles disposent leur permettent réellement de se reconcentrer sur le métier, sur l’humain.
Ces dernières années, la mode était aux reporting et à l’analyse de KPI. Mais si, au final, les professionnels perdent plus de temps qu’ils n’en gagnent, les processus RH doivent être revus. Si on répertorie seulement trois connexions à une application dans le mois, est-ce vraiment nécessaire au regard du coût de l’énergie ou de la maintenance ?
L’humain a un rôle essentiel dans ce processus de transformation digitale : il est celui qui inscrit la donnée au sein de l’outil. Il représente la pièce maîtresse de la réussite de son intégration. Selon lui, il est donc indispensable de prendre en compte tous les prérequis nécessaires à l’installation d’un nouvel outil. » Aujourd’hui, on digitalise tout, mais parfois trop facilement. «
Le challenge à relever ne réside pas dans le fait de digitaliser au maximum pour réduire la masse salariale. Se doter de systèmes d’information doit permettre de pouvoir consacrer son temps sur les 20% de cas de paie nécessitant plus de temps et une expertise humaine.
L’automatisation a été très importante dans notre entreprise. Notre écosystème RH est composé de 52 outils interconnectés. Nous devons répondre à une problématique majeure : la plupart de nos salariés travaillent en distanciel mais ne disposent pas d’outil professionnel. Ils n’ont ni adresse mail, ni téléphone professionnel.
Selon lui, le second enjeu lié à cette transformation digitale concerne la facilité qu’ont les salariés à se connecter sur les outils digitaux. “ La qualité de leur expérience est cruciale. Mais s’ils doivent entrer plusieurs différents mots de passe, leur expérience peut en pâtir.”
De son côté, Guillaume Dannebey est Directeur de projets SIRH chez Onet. Il affirme que l’entreprise à également eu tendance à adresser chaque besoin avec un outil digital spécifique. Il explique : “ Nous disposons aussi de plusieurs dizaines d’outils. Être doté d’outils robustes est indispensable pour nous, puisque nous comptons 60 000 collaborateurs. “
Il estime que la transformation digitale permet aux professionnels des ressources humaines d’adresser de multiples besoins. Cependant, Onet a rapidement été confrontée à une problématique concernant l’administration de ces systèmes.
Lorsque vous avez un besoin émergent, posez-vous la question de la pertinence qu’il y a à se doter d’un outil.
Le directeur de projets SIRH d’Onet explique qu’il ne faut pas raisonner en se disant simplement qu’un problème amène un outil. L’homogénéisation des pratiques doit être interrogée afin d’éviter d’avoir à gérer un portefeuille d’applications trop vastes. L’enjeu : s’assurer de la pertinence de chacune de ces technologies.
L’enjeu des professionnels des ressources humaines porte sur la rationalisation du système d’information : écouter le métier et le convaincre qu’un certain nombres de process peut être réalisé manuellement.
Les professionnels RH doivent réussir à l’expliquer au management et aux équipes afin qu’elles maîtrisent les outils. Les professionnels des ressources humaines représentent donc une passerelle entre les métiers et l’informatique.
La vision globale du système d’information et la capacité à se mettre à la place des utilisateurs est primordiale pour réussir l’intégration d’un outil et répondre aux enjeux d’innovation de la transformation digitale.
Quels sont les enjeux de la transformation digitale ?
En tant que société qui maîtrise et gère des données RH, quels sont les enjeux RH de demain liés à la transformation digitale ?
Les enjeux liés à la digitalisation RH sont multiples :
- Impact écologique
- Sobriété numérique
- Cybersécurité
“ Notre priorité, c’est de sortir la paie en temps et en heure ”, affirme Nicolas Hoehne, Directeur SIRH, Samsic.
Qui dit transformation digitale, dit cybersécurité. En termes de cybersécurité, il a expliqué que l’entreprise formait la DSI (Direction des Systèmes d’Information) aux problématiques et aux enjeux actuels. “ Et depuis 2 ans, nous sommes dotés d’un outil API avec un système de cryptage des données, imposé également chez nos prestataires. “
De plus, ils ont missionné une société pour les attaquer. L’attaque n’a pas réussi grâce aux pare-feux mis en place. Cependant, une mission de hameçonnage a été lancée sur 4000 collaborateurs. Il a fallu moins d’une minute pour que plus de 150 personnes révèlent leurs identifiants et mots de passe. “ Il n’est donc pas uniquement question de technologie, responsabiliser l’humain est essentiel. “
Alors, comment répondre à cet enjeu crucial lié à la transformation digitale ?
Nous avons commencé par faire une cartographie de nos systèmes afin de savoir où partaient nos données. Par exemple, est-ce vraiment nécessaire que les noms et prénoms de chaque personne soient transmis au service de comptabilité ? Désormais, ces données sont complètement anonymisées.
L’entreprise a également travaillé sur la pertinence de l’envoi de certaines données. Selon lui, l’accompagnement au changement est nécessaire. Il est indispensable de remettre en cause sa façon de travailler et la politique RH permet justement d’accompagner cette transformation digitale, ainsi que ses objectifs.
Guillaume Dannebey, Directeur de projets SIRH chez Onet affirme que les entreprises ne doivent pas se brider face à la dématérialisation. Aujourd’hui, beaucoup de démarches sont déjà digitalisées et les salariés ne sont plus forcément freinés par cette idée. Certains font encore face à une problématique d’accès à l’informatique mais en général, le taux d’adhésion est très élevé.
“ L’accompagnement au changement est essentiel pour répondre à l’enjeu de l’impact environnemental. La sobriété numérique passe par la sobriété des process. “ En effet, les data centers pèsent lourd dans la consommation mondiale d’électricité.
Finalement, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de papier qu’un processus est sobre. Pour répondre à cet enjeu, nous avons repensé notre processus de validation de remboursement d’abonnement aux transports. Avant, le collaborateur envoyait une photo de son justificatif à son manager, qui le transmettait ensuite au service paie. Mais, pourquoi le manager devrait-il le valider ? Désormais, l’envoi se fait directement au service paie.
Un autre défi de taille de la transformation digitale correspond à l’expérience collaborateur. “ Si pour modifier un RIB, le collaborateur doit attendre 3 jours et 4 contre signatures, il aura une image de l’entreprise, certes digitale, mais pas efficiente.”
Ainsi, la sobriété des process et la démarche RSE doivent passer par des actions concrètes. “ Si vous digitalisez vos bulletins de paie mais que vous intégrez le logo de votre entreprise en Full HD : votre bulletin ne sera pas vertueux en termes de sobriété “ affirme t-il.
C’est pourquoi il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence de la stratégie de numérisation ainsi que sur les délais de conservation des documents.
Enfin, en termes de cybersécurité, il explique que les 60 000 salariés ne disposent pas de téléphone professionnel. Donc, ils utilisent des applications avec des données sensibles sur leurs téléphones personnels. Onet procède donc à un contrôle interne pour garantir la sécurité des données. “ Le RGPD représente un enjeu qu’il faut intégrer aux process, notamment aux process d’embauche. “