Lors de l’Open Education Night 2024, la table ronde « Skills-based organisation : en route vers une économie de la compétence ? » a réuni Patrick Benammar du groupe Renault et Ilhem Alleaume de L’Oréal. Tous deux ont exploré les enjeux de la transition vers un modèle d’entreprise orienté compétences.
Dans un contexte où les organisations doivent faire face à des mutations rapides — technologiques, écologiques, sociétales — les intervenants ont ainsi souligné, entre autres, l’importance de faire évoluer les stratégies RH et learning. Et ce, aussi bien d’un point de vue interne qu’externe.
Les compétences, clés de la résilience des entreprises
Anticiper les compétences : enjeu de la transformation
Nouvelles technologies. Enjeux environnementaux. Mutations sociétales. Face aux transformations multiples et rapides de notre environnement professionnel, les organisations, tous secteurs confondus, doivent désormais appréhender la compétence comme un levier stratégique de transition.
En effet, selon Patrick Benammar, toutes les entreprises sont confrontées à des changements profonds et souvent irréversibles, qu’elles peuvent gérer par le biais d’une approche proactive de la compétence avec un grand c. Notamment en se concentrant sur le développement des savoirs et savoir-faire nécessaires à la performance sur le long terme.
Une réalité qui implique de déployer des stratégies permettant d’identifier les compétences clés émergentes et d’anticiper les besoins futurs. Et ce, même si les emplois de demain ne sont pas encore clairement définis.
Le sujet des compétences n’est pas vraiment inédit. Néanmoins, le phénomène d’accélération des transformations vient le remettre en lumière puisque la compétitivité des entreprises et le développement de nouvelles compétences sont étroitement liés. Or, ce qui est difficile aujourd’hui, c’est que certains métiers n’existent pas vraiment. De fait, les fonctions RH et learning marchent un peu dans l’inconnu, en essayant de deviner ce que sera le monde du travail de demain.
Ainsi, ce nouveau paradigme appelle une certaine souplesse organisationnelle. Mais surtout une véritable capacité d’adaptation dans la définition des postes et des compétences associées.
La cartographie des compétences en faveur de l’employabilité
Un des éléments clés dans la transition vers une organisation orientée compétences est la mise en place d’un dispositif d’observation et de structuration de ces dernières. Cet outil permettant d’obtenir une vue d’ensemble des métiers en évolution, sur le déclin ou à transformer.
En ce sens, le VP Learning & Development du groupe Renault a d’ailleurs insisté sur l’importance d’impliquer plusieurs acteurs dans ce processus. Notamment les RH, managers et experts métiers afin qu’ils collaborent dans la définition d’une vision partagée des compétences à acquérir et à développer.
L’enjeu étant à la fois de maximiser l’employabilité des collaborateurs et de répondre aux besoins organisationnels croissants, Patrick Benammar a aussi rappelé que l’approche par les compétences consiste à repenser les parcours professionnels pour identifier les perspectives de mobilité interne. Ceci en prenant l’exemple d’un salarié au poste de comptable qui, grâce à ses capacités analytiques et son sens du détail, pourrait tout à fait évoluer vers un poste en lien avec la logistique de l’information.
Une gestion des compétences qui dépasse les frontières de l’entreprise
Enfin, pour Patrick Benammar, la compétence doit s’affranchir des frontières de l’entreprise elle-même. Les grandes organisations, mais aussi les TPE/PME, ayant un rôle sociétal à jouer en collaborant avec des partenaires extérieurs pour soutenir l’employabilité à l’échelle du territoire.
Un angle RSE à la main des entreprises pour renforcer leur responsabilité sociale d’une part, et participer à l’adaptation des compétences face aux nouvelles dynamiques du marché de l’emploi d’autre part. Cela peut, par exemple, passer par :
- des partenariats avec des centres de formation ;
- des actions pour encourager l’inclusion professionnelle ;
- le développement de filières de métiers émergents, etc.
Le prisme de la compétence : vers plus d’efficience learning
Des rituels d’apprentissage pour accompagner la montée en compétences
Évoquant l’accélération des mutations qui touchent les entreprises à tous les niveaux, Ilhem Alleaume — Directrice du développement des talents et des compétences chez L’Oréal — considère elle aussi qu’il est essentiel d’anticiper les transformations, telles que celles engendrées par l’intelligence artificielle ou la transition écologique, pour limiter le phénomène de « learning fatigue » dû à la surcharge d’informations.
À ce titre, elle a évoqué la nécessité de mettre en place des rituels de formation continue. Ceci dans le but de créer des moments d’apprentissage ancrés dans la culture d’entreprise. Ces derniers favorisant alors l’intégration progressive et structurée des nouvelles compétences.
Outre ces routines pédagogiques, Ilhem Alleaume a également souligné l’importance de diversifier les formats et modalités d’apprentissage :
Dans un contexte où tout va toujours plus vite, c’est à l’entreprise de mettre en œuvre les conditions qui vont faciliter l’intégration rapide des compétences clés auprès des collaborateurs apprenants. Pour cela, il est important que les temps d’apprentissage soient réguliers, mesurés et différenciés. Si je prends l’exemple de la formation à l’IA, il est bien entendu possible de s’appuyer sur des modules e-learning. Toutefois, rien n’empêche de proposer aussi des sessions pédagogiques en présentiel qui vont également favoriser un ancrage mémoriel très important.
Un langage commun autour des compétences
Pour faciliter cette transition vers une organisation orientée compétences, Ilhem Alleaume a, par ailleurs, souligné l’intérêt de développer un langage commun. Le principe étant alors de créer une base partagée, claire et compréhensible par tous : collaborateurs, managers et direction.
Chez l’Oréal, par exemple, l’utilisation du terme « skills » illustre cette approche. Un choix qui n’a pas été fait au hasard puisqu’il répond à un besoin de simplification et de rationalisation. Le langage commun permet ainsi à l’entreprise de prioriser ses investissements en formation et d’identifier les compétences à développer. Et ce, qu’elles soient techniques ou comportementales (soft skills).
Ce langage commun s’inscrit aussi comme un levier facilitant la mobilité interne. Grâce aux référentiels skills, les collaborateurs peuvent mieux se projeter dans leur carrière, réinventer leur parcours professionnel et être acteurs de la transformation. De leur côté, les managers identifient plus facilement les besoins en compétences de l’organisation. Cela leur évite de chercher des profils rares ou très spécifiques sur le marché pour miser plutôt sur le développement interne et l’évolution des talents existants.
Des entreprises apprenantes connectées à leur environnement
En ce qui concerne l’employabilité, Ilhem Alleaume a rejoint les propos de Patrick Benammar en mettant en lumière l’importance de concevoir les entreprises comme des écosystèmes perméables. C’est-à-dire où le learning dépasse les frontières organisationnelles et impacte la société de manière plus globale. L’enjeu est double puisqu’il s’agit de participer à l’épanouissement et à la montée en compétences des collaborateurs. Ceci tout en s’engageant pour des causes qui vont au-delà de l’organisation.
En pratique, cela peut se traduire par des actions comme les hackathons solidaires ou le mécénat de compétences, où les salariés mettent leurs savoir-faire au service de projets associatifs.
Cette démarche vient ainsi renforcer le lien entre l’entreprise et son environnement. Une ouverture sur l’extérieur essentielle pour favoriser la diffusion des savoirs et savoir-faire hors des murs des entreprises. Mais également construire et diffuser une vision de l’entreprise apprenante, où chaque individu peut développer son employabilité en contribuant à la montée en compétences des individus présents dans l’écosystème qui l’entoure.
L’organisation orientée compétences s’impose comme une approche efficiente face aux mutations technologiques, écologiques et sociétales qui redéfinissent sans cesse le paysage professionnel.
Comme l’ont montré les interventions de Patrick Benammar et Ilhem Alleaume, l’enjeu va donc bien au-delà de l’entreprise. Il s’inscrit dans un cadre plus large : celui de la société et de son évolution.
Points clés à retenir :
- Anticiper les compétences est crucial pour répondre aux transformations rapides et garantir la compétitivité.
- Structurer les compétences par des dispositifs d’apprentissage réguliers et un langage commun facilite l’employabilité et la mobilité interne.
- L’ouverture sur l’extérieur et les actions sociétales renforcent le rôle des entreprises en tant qu’écosystèmes apprenants.
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