Quelle procédure appliquer face à un abandon de poste ? Quels sont les droits et les risques face à cette pratique ? Il fait partie des passages obligés de la vie d’une entreprise. En effet, tous les employeurs se retrouvent confrontés, un jour ou l’autre, à l’absentéisme d’un salarié, sans motif légitime. Alors, comment réagir en tant qu’employeur ? Quelles sont les conséquences sur la rémunération des collaborateurs ? Quelle est la différence avec la démission ? … Découvrez les informations essentielles pour vous aider à y voir plus clair.
➡️ Bon à savoir : Depuis la loi du 21 décembre 2022 portant sur les mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail, l’accès aux allocations chômage en cas d’abandon de poste, sans motif légitime, est supprimé. En effet, il peut être assimilé à une présomption de démission. Cette mesure s’applique depuis la parution du décret le mardi 18 avril 2023 au Journal officiel.
Qu’est-ce qu’un abandon de poste ?
Définition
L’abandon de poste fait référence au comportement d’un collaborateur qui quitte son poste de travail au cours de la journée sans avoir prévenu l’employeur et sans justification légitime.
Selon le site officiel de l’administration française : “L’article 4 de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 prévoit qu’un salarié qui abandonne son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par l’employeur peut être considéré comme démissionnaire”. Ce qui signifie qu’ils ne pourront plus ouvrir un droit à l’assurance chômage.
Qu’est-ce-qu’une mise en demeure ? Comment ça marche ? Elle correspond à une demande écrite adressée à une personne de prendre une mesure, de payer une somme d’argent ou de mettre fin à un comportement illégal, sous peine d’autres poursuites ou de sanctions.
L’abandon de poste décrit une situation où l’individu quitte son poste de travail au cours de la journée, sans autorisation de l’employeur, sans l’avoir prévenu, ou s’absente durant un délai prolongé ou répétée sans justificatif. Face à ce risque de désorganisation de son activité, il est important que l’employeur sache quelle procédure engager et quels sont ses droits et obligations selon le type de contrat du collaborateur en question.
Dans certains cas, ces absences injustifiées sont légitimes et ne sont pas considérées comme un abandon de poste. On recense 3 motifs légitimes : la consultation nécessaire d’un médecin justifiée par son état de santé de la personne, le décès d’un proche ou le droit de retrait des collaborateurs.
Le licenciement n’est pas justifié ni légal dans ces cas de figure.
- Le délai minimal laissé au collaborateur pour reprendre son poste est de 15 jours calendaires, à partir de la présentation de la lettre recommandée ou de la lettre remise en main propre contre décharge.
Quels sont les motifs légitimes d’absence ?
Certaines absences sont toutefois légitimes et ne sont pas considérées comme tel :
- Droit de retrait (si l’employé abandonne son poste en cas d’une situation de travail présentant un danger imminent, grave ou mortel, pour la vie ou la santé du salarié) (c.trav.art. L4131-1)
- Décès d’un proche ou absence pour se rendre au chevet d’un proche mourant
- Consultation d’un médecin nécessaire au regard de l’état de santé du collaborateur
Il faut être particulièrement vigilant pour reconnaître une absence justifiée. Tout licenciement qui en découlerait serait en effet considéré comme abusif par les tribunaux et avocats.
D’autres circonstances peuvent également atténuer les conséquences d’un tel acte. Par exemple, une absence injustifiée de quelques jours pour un collaborateur irréprochable depuis des dizaines d’années peut justifier une sanction mais pas forcément un licenciement pour faute professionnelle grave.
S’il se trouve en contrat de type CDD, il aboutit à une rupture de contrat déterminée pour faute grave. Le licenciement concerne les contrats en CDI. L’employeur et le collaborateur doivent effectuer un entretien préalable à ce dernier. Il doit être notifié par lettre recommandée avec accusé de réception entre 2 jours et un mois après l’entretien préalable au licenciement.
Le contrat à durée déterminée (CDD) peut être rompu avant son terme dans les 5 situations suivantes :
- La faute grave suite notamment à un abandon de poste
- La force majeure
- L’inaptitude médicale
- Accord entre l’employeur et l’individu
- Embauche en contrat CDI par un autre employeur
Quel est le nombre d’abandons de postes en France ?
Au premier semestre 2022, 71% des licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé sont motivés par un abandon de poste. Pour la plupart des cas (94%), il s‘agit d’un abandon de poste définitif.
L’abandon de poste concerne donc 123 000 salariés dont 116 000 en CDI, selon la Dares. Les abandons de CDI représentent 5% du total des fins de contrats CDI sur la période et 14% des fins de CDI involontaires donnant potentiellement droit à l’assurance chômage. Au total, 173 000 contrats de travail du secteur privé sont rompus suite à un licenciement pour faute grave ou lourde.
Que se passe-t-il une fois que les salariés en CDI abandonnent leur poste ? Au cours des trois mois suivants, 55% d’entre eux s’inscrivent à Pôle emploi et 37% retrouvent au moins une fois un nouvel emploi. Parmi eux, 30% retrouvent un CDI. À noter que ce taux est égal à celui observé pour les employés mettant fin à leur CDI par rupture conventionnelle.
Enfin, 43% des personnes abandonnant leur CDI ouvrent des droits à l’assurance chômage dans les trois mois suivants au premier semestre 2022.
Le rapport de la Dares indique que les secteurs du commerce et du transport et entreposage sont plus touchés par ce phénomène d’abandon de poste en CDI.
Source : Dares
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Abandon de poste : combien de temps sans salaire ?
Une absence de rémunération…
Combien de temps sans salaire pour un abandon de poste ? Le salarié qui abandonne son poste, peu importe qu’il se trouve en contrats CDI ou CDD, ne respecte pas ses obligations contractuelles. Sans motif légitime, il ne perçoit donc plus son salaire. Son contrat est suspendu. (Découvrez l’article de la rédaction : mention RGPD contrat de travail)
En outre, il ne peut bénéficier d’aucune allocation chômage tant qu’il reste lié à sa société par un contrat de travail. Il doit donc attendre, sans aucune source de revenus, qu’un éventuel licenciement soit initié. À cela s’ajoute l’impossibilité pour le collaborateur d’être embauché chez un nouvel employeur tant qu’il reste contractuellement lié au premier.
…jusqu’au licenciement initié par l’employeur ?
Quelle conséquence pour un abandon de poste ? Dans le cas d’un abandon de poste, l’employeur n’a pas l’obligation de licencier le salarié, mais il peut le mettre en demeure de reprendre son travail. Il peut aussi lui demander de justifier son absence. Le service public précise que l’employeur n’a pas l’obligation de délivrer l’attestation destinée à Pôle emploi tant que le contrat de travail est en cours.
Et en cas d’absence de retour du salarié, comment ça marche ? Ou de justification d’absence ? L’employeur peut alors déclencher une procédure disciplinaire. Ces absences peuvent donner lieu à une sanction disciplinaire, à le licencier pour cause réelle et sérieuse (pouvant ouvrir droit aux indemnités de licenciement) ou à un licenciement pour faute grave. Ce dernier le prive de son indemnité de licenciement et de préavis. Il ne percevra que ses indemnités de congés payés.
Bon à savoir : l’employeur ne peut pas considérer les absences prolongées et injustifiées comme une démission.
Quelle est la procédure en cas de licenciement pour abandon de poste ?
Selon le gouvernement, l’abandon de poste est considéré et présumé comme une démission du salarié si celui-ci ne reprend pas le travail, “après avoir été mis en demeure par son employeur de justifier son absence et de reprendre son poste dans un certain délai”. Pour rappel, le délai minimal accordé au salarié pour reprendre son poste est de 15 jours calendaires.
Le salarié doit répondre à sa mise en demeure pour ne pas que son absence soit considérée comme une démission. Mais la présomption de démission ne s’applique pas dans les cas où le salarié fait valoir des motifs légitimes.
Mais alors, quelle est la procédure à suivre en cas de licenciement pour abandon de poste ?
Selon la Dares, au premier semestre 2022, les abandons de poste représentaient le premier motif (71%) de licenciement pour faute grave ou lourde, loin devant les autres causes disciplinaires (27%).
En l’absence de retour du salarié au travail ou de justification d’absence, l’employeur peut déclencher une procédure disciplinaire. Ces absences non justifiées peuvent entraîner :
- une sanction disciplinaire,
- un licenciement pour cause réelle et sérieuse (avec une possible ouverture droit aux indemnités de licenciement),
- un licenciement pour faute grave sans indemnités de licenciement (absence désorganisant l’entreprise ou abandon délibéré du poste alors que l’employeur a mis en garde contre un départ prématuré).
En effet, le salarié peut être indemnisé par Pôle emploi en cas de licenciement. Ce n’est pas le cas s’il est considéré comme démissionnaire comme le prévoit la loi.
Jusqu’à présent, ces salariés qui ne venaient plus travailler sans justification finissaient en général par être licenciés pour faute par leur employeur. Ils pouvaient alors bénéficier de l’assurance-chômage.
Abandon de poste ou démission ?
Même si l’abandon de poste et la démission aboutissent à la rupture du contrat de travail, ces 2 dispositifs ont un formalisme et des conséquences très différents.
La démission répond à des critères précis. La jurisprudence évoque que la personne doit exprimer sa volonté de manière claire et non équivoque pour être considérée en tant que tel. Ce qui n’est pas le cas si elle se contente de ne pas se rendre au bureau.
⚠️ La loi du 21 décembre 2022 assimile l’abandon de poste à une présomption de démission. Ainsi, l’accès aux allocations chômage sera supprimé en cas d’abandon de poste sans motif légitime. Les mesures de ce projet de loi s’appliquent depuis le décret paru au Journal officiel, le mardi 18 avril.
Alors, la présomption de démission, qu’est-ce-que c’est ? Cela correspond au fait qu’un salarié quitte son poste volontairement et ne le reprend pas après y avoir été mis en demeure. Il bénéficie d’un recours et peut contester cette présomption en saisissant le conseil des prud’hommes, qui devra statuer dans un délai d’un mois.
Pour qu’un abandon de poste soit considéré comme une démission, les règles du code du Travail doivent être respectées. Parmi ces règles, les organisations devront envoyer une mise en demeure aux collaborateurs et leur demander une justification. Elles auront également un devoir d’information. C’est-à-dire qu’elles devront informer les salariés qu’ils s’exposent à une démission présumée sans justification. Demander au collaborateur de justifier son absence ou bien prendre la température auprès de ses collègues peut aider l’organisation à en savoir plus sur la cause de l’absentéisme (maladie, QVCT, mode de management, manque de reconnaissance ou encore de perspectives d’évolution de carrière).
Un salarié qui souhaite démissionner peut mettre fin à son contrat de CDI de sa propre initiative et sans aucune justification. Même si son contrat de travail est suspendu. Les cas dans lesquels la démission est admise :
- Dans le cadre d’une rupture volontaire du contrat de travail
- Pendant la période d’essai sans motif particulier
- En cas de départ volontaire à la retraite
- Dans le cadre d’une résiliation judiciaire
- D’une prise d’acte
Le salarié démissionnaire doit néanmoins respecter une procédure. En effet, il doit exprimer de façon claire sa volonté. Attention, en cas d’ambiguïté, le conseil de prud’hommes est en mesure de requalifier la démission en licenciement injustifié. Par ailleurs, celle-ci ne peut pas être abusive. C’est-à-dire qu’elle ne doit pas être prise avec “l’intention de nuire à l’employeur”.
Enfin, le collaborateur doit respecter le délai de préavis prévu, bien que l’employeur puisse l’en dispenser. Si la démission a lieu pendant la grossesse, pour élever un enfant, ou à la fin d’un congé pour création d’entreprise, le préavis ne doit pas être effectué. Par conséquent, le salarié démissionnaire ne perçoit pas l’allocation de retour à l’emploi (ARE). Sauf dans le cas où elle est reconnue comme légitime par Pôle emploi.
Quant aux contrats CDD ou intérim, des dispositions spécifiques de rupture anticipée du contrat de travail sont prévues.
- En cas de démission, l’employeur doit remettre à l’employé son certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte ainsi que “les dispositifs de participation, d’intéressement, plans d’épargne salariale, état récapitulatif de l’ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées.”
Quels sont les droits et devoirs de l’entreprise ?
Le gouvernement a supprimé l’accès aux allocations chômage en cas d’abandon de poste, sans motif légitime. Ainsi, ce dernier est assimilé à une présomption de démission si l’absence n’est pas justifiée par des motifs légitimes. Cette mesure s’applique depuis la publication du décret au Journal officiel (18 avril 2023).
Dans l’un des cas impliquant un motif légitime, tout abandon de poste entraînant un licenciement pourrait être considéré comme abusif par un avocat devant un tribunal. L’employeur devra verser une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, des dommages et intérêts.
Il faut également faire la différence avec une prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié. Ces deux situations nécessitent de respecter des procédures différentes. Effectivement, le salarié prend acte de la rupture de son contrat, s’il reproche des manquements graves à ses obligations contractuelles. Celles-ci peuvent être en raison des salaires non payés, de discriminations ou de harcèlement. Si celle-ci est justifiée et jugée légitime par le conseil de prud’hommes, on parle donc de licenciement abusif.
De plus, l’entreprise devra récolter des preuves de l’abandon de poste et donc reprendre contact avec la personne concernée. Elle peut également essayer d’en savoir plus sur les raisons l’ayant motivé à s’absenter, notamment en se renseignant auprès des collègues. Les motifs peuvent être divers : maladie, Qualité de Vie et des Conditions de Travail, mode de management, problèmes relevant de la sphère personnelle, perte de sens, conflit éthique…
Si malgré les tentatives de prises de contact, la personne ne donne aucune réponse et reste injoignable, la société peut envoyer une lettre recommandée de mise en demeure demandant le motif de l’absence injustifiée.
Hormis en cas de motifs légitimes cités ci-dessus, la société peut ensuite engager un licenciement pour faute grave. Comment mettre en place une procédure de licenciement ? Selon l’article L1332-4 du code du travail, l’employeur doit la lancer au plus tard 2 mois après le constat de l’abandon de poste. Dans le cas d’une faute grave, le salarié est privé de son indemnité de licenciement et de préavis.. L’employeur doit effectuer un entretien préalable avec le collaborateur et l’informer par lettre recommandée.
La procédure implique de convoquer l’individu licencié, d’organiser un entretien et de notifier la décision dans une lettre de licenciement. Enfin, la société peut réclamer des dommages et intérêts en saisissant le conseil des prud’hommes et en justifiant le préjudice financier causé.
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