Plutôt que de créer toujours plus de modules, les RH doivent apprendre à valoriser l’existant. Ce changement de posture vers la curation pédagogique permet une réponse plus rapide et plus adaptée aux besoins des apprenants.
Microlearning, blended learning, coaching numérique… Le métier de responsable formation a connu, ces dernières années, une transformation accélérée. Les formats se diversifient, les plateformes se multiplient, et l’intelligence artificielle contribue à amplifier le volume des ressources disponibles.
Dans cet environnement foisonnant, la question n’est plus tant de créer davantage, mais bien de mieux structurer ce qui existe déjà. Comment aider les apprenants à s’orienter dans une offre pléthorique ? Comment maintenir la cohérence d’un parcours tout en répondant à des besoins individualisés ?
Dans cette perspective, la curation de contenus s’impose comme une réponse pragmatique aux enjeux actuels de la formation en entreprise.
Curation ou création : deux approches complémentaires
La curation pédagogique consiste à identifier, sélectionner et structurer des ressources existantes. Ceci afin de les articuler autour d’un objectif d’apprentissage précis. À la différence de la veille, elle implique une véritable analyse du fond et de la forme. En effet : l’ensemble du parcours doit être cohérent, et chaque module avoir une valeur ajoutée.
En complément des productions sur mesure, cette approche permet aux responsables formation de gagner en agilité, tout en s’adaptant à la diversité des profils apprenants. Et puisque les contenus sont déjà disponibles et éprouvés, la curation offre aussi un point d’entrée utile face à la surcharge cognitive.
Clarifier les usages pour mieux décider
En matière de formation, les pratiques ne s’opposent pas : elles se complètent. Entre création et curation, tout l’enjeu réside dans la capacité à faire le bon choix, au bon moment. Six grands critères peuvent guider cette décision :
Critère clé | Création de contenu pédagogique | Curation de contenu pédagogique |
Origine de l’expertise | Le savoir est spécifique à l’entreprise (culture, process, posture managériale). | Le sujet est traité largement dans l’écosystème |
Contexte projet pédagogique | Il y a du temps, des ressources et un enjeu stratégique clair. | Le délai est court, les moyens limités, mais le besoin est immédiat. |
Capital existant | Aucun contenu interne à disposition. Tout est à construire. | Des supports internes ou externes existent déjà : il faut structurer. |
Durée de vie du contenu d’apprentissage | Le contenu est stable (socle, référentiel, intégration). | Le sujet évolue régulièrement (veille, IA, innovation, réglementation) |
Public apprenant visé | Juniors ou nouvelles recrues : besoin d’un parcours guidé. | Public autonome : appétence pour la découverte ou l’autoformation. |
Alignement culturel ou pédagogique | L’entreprise souhaite transmettre un cadre, un message, une posture forte. | L’enjeu est l’ouverture, l’enrichissement des points de vue. |
Bonnes pratiques pour une démarche de curation pédagogique et structurée
Inscrire la curation dans la stratégie globale
Pour être efficace, la curation ne peut pas être une démarche isolée. Elle doit s’ancrer dans une stratégie pédagogique globale, avec des objectifs définis et un public cible identifié. Contrairement à la veille, qui reste exploratoire, la curation suppose un regard subjectif : sélectionner, éditorialiser et partager les contenus les plus pertinents pour ses apprenants. C’est ce cadre qui garantit la cohérence des choix et leur valeur ajoutée.
Opter pour une approche collaborative
En impliquant les collaborateurs dans la sélection ou le partage de contenus, la curation devient un levier d’apprentissage collaboratif. Ce fonctionnement ancre davantage la mémorisation et valorise l’expertise terrain. L’intégration de mécaniques comme les commentaires ou les likes favorise l’engagement. Et lorsque ces fonctionnalités sont absentes des outils, elles peuvent être remplacées par des témoignages ou des retours d’expérience.
Pour les responsables formation, ces contributions sont aussi un moyen de détecter les experts internes à activer sur d’autres projets.
Personnaliser les contenus pour renforcer l’engagement apprenant
Inspirés par leurs usages personnels – For You Page sur les réseaux sociaux, recommandations sur Netflix – les apprenants attendent aujourd’hui des parcours sur mesure.
Si les plateformes de formation ne permettent pas encore toutes une individualisation poussée, des solutions alternatives existent. Adapter les contenus passe aussi par des solutions concrètes : proposer un choix de parcours e-learning selon le temps disponible, intégrer un diagnostic en amont, ou encore recommander des ressources pour « aller plus loin ».
Choisir les bons formats pour servir les bons contenus
Quiz, podcasts, vidéos, canaux de discussion ou murs collaboratifs… les formats de curation ne manquent pas. Mais le choix des supports doit avant tout faciliter l’attention, la compréhension et la mémorisation.
Les formats ne doivent pas seulement plaire aux collaborateurs en formation, ils doivent surtout obéir à une logique d’efficacité. Autrement dit, mettre la forme au service du fond, et le fond au service de l’apprenant.
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Écueils à éviter : pour une curation utile… et utilisée
Si la curation est souvent perçue comme un gain de temps, elle peut rapidement se transformer en accumulation peu lisible. Multiplier les liens, les vidéos ou les documents sans hiérarchie ni contextualisation peut produire l’effet inverse de celui recherché : saturer l’attention et décourager l’apprentissage.
Autre risque fréquent : négliger la qualité du contenu. Un article daté par exemple, peut nuire à la crédibilité du parcours.
Enfin, il est essentiel de garder un lien constant avec le terrain. Un module de curation bien conçu sur le papier peut échouer s’il n’intègre pas la réalité quotidienne des apprenants. La proximité, la clarté et l’utilité perçue restent les trois piliers d’une curation pertinente.
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Une nouvelle posture pour les responsables formation
De concepteur à facilitateur, le rôle du responsable formation s’élargit. Cette évolution appelle des compétences variées : capacités de veille, esprit de synthèse, culture digitale… mais aussi une posture éditoriale pour sélectionner et diffuser les bons contenus aux bons publics.
En parallèle, cela implique un travail en transversalité avec les équipes métiers et les RH. En effet, la formation ne se joue plus uniquement sur une plateforme : elle s’actualise au rythme des besoins de l’entreprise. C’est justement cette agilité que la curation vient soutenir.
Dans un environnement saturé d’informations, la curation n’est pas une tendance, mais une nécessité. Pour les responsables formation, c’est une opportunité : sortir de la logique de production à tout prix, pour se positionner comme chef d’orchestre de l’apprentissage, capable de rendre attractif et activable le savoir déjà disponible.