En 1982, Bernie Glassman ouvre Greyston Bakery aux États-Unis avec une idée en rupture avec les pratiques de recrutement traditionnelles : donner une chance à tous, sans CV ni entretien. Son principe ? « Premier arrivé, premier servi. » Lorsqu’un poste est vacant, il est attribué au candidat en tête de la liste d’attente, sans autre critère de sélection.
Ce mode de recrutement, baptisé « open hiring », bouleverse les standards établis. Un demi-siècle plus tard, il reste perçu comme novateur. Mais peut-il répondre aux enjeux du recrutement d’aujourd’hui ? En misant sur la motivation et la volonté d’apprentissage plutôt que sur l’expérience, cette approche bouscule les critères de sélection traditionnels et interroge sur son impact réel en entreprise.
Qu’est-ce que l’open hiring ? Définition et fonctionnement
Avec l’open hiring, fini le tri de CV et les entretiens. Dans ce processus de recrutement, seuls quelques critères purement factuels et liés aux exigences du poste comptent. Ni l’âge, ni les diplômes, ni même l’expérience ne sont pris en considération. L’ensemble des candidats est sur un pied d’égalité.
Car en réalité, CV et entretiens, valorisés dans les schémas classiques, ne garantissent pas une compatibilité avec le poste. L’aisance orale ou technologique qu’ils imposent n’est d’ailleurs pas toujours nécessaire à l’exercice du métier.
Pour les recruteurs, le gain de temps est considérable. The Body Shop, adepte de cette méthode au Royaume-Uni, estimait une baisse de 20 à 50% de leurs processus. Sans sourcing, préqualification, ou rencontre avec les candidats, le recrutement est beaucoup plus direct et opérationnel. Le contre-pied de l’actuelle hyper-personnalisation de l’expérience candidat.
Open Hiring : une méthode inclusive
En supprimant certaines étapes, l’open hiring ne déshumanise pas le processus pour autant. Au contraire, il ouvre la porte à des profils souvent écartés.
Candidats en réinsertion, anciens détenus, personnes en situation de handicap ou en reconversion, nombreux sont ceux dont le parcours atypique se heurte aux filtres classiques du recrutement. En éliminant les biais liés au CV ou à l’entretien, l’open hiring leur offre une vraie chance d’accéder à l’emploi.
Cette approche prend tout son sens lorsqu’elle s’appuie sur un écosystème d’accompagnement. Des entreprises collaborent déjà avec France Travail, Wake Up Café, Emmaüs et d’autres structures spécialisées.
L’open hiring est-il fait pour votre entreprise ?
Bien que pertinent, l’open hiring ne se veut pas une réponse rapide à la pénurie de main-d’œuvre. Ni même un simple levier pour lutter contre les discriminations. Mal calibré, il peut engendrer un turn-over élevé, du désengagement et une perte de confiance des équipes. Avant de se lancer, plusieurs facteurs sont à analyser.
La nature des postes à pourvoir
Cette méthode impose de se recentrer sur le cœur du métier : quelles compétences sont réellement nécessaires pour ce poste ?
L’open hiring est principalement utilisé pour des postes de premier échelon, où l’apprentissage se fait sur le terrain (logistique, entretien, production…). Mais certaines fonctions support ou techniques peuvent aussi s’y prêter, à condition d’avoir une formation structurée et des outils internes bien définis.
Un formulaire de candidature étudié
Sur le papier, l’open hiring ressemble à une candidature simplifiée. La différence ? Le candidat a la certitude d’avoir le poste, s’il répond aux critères demandés. Il faut donc les déterminer avec soin, en se focalisant sur la tâche. Ici, l’offre d’emploi n’est pas un outil marketing : elle doit décrire précisément les missions et permettre au candidat d’évaluer ses capacités face aux exigences du poste.
Aux Pays-Bas, la pratique se démocratise et certaines entreprises ont réduit le formulaire de candidature au minimum : missions, horaires, et adresse où déposer son contact.
Une formation rigoureuse
Dans un recrutement classique, la formation facilite l’intégration. Avec l’open hiring, elle devient cruciale.
Les salariés ne disposant d’aucun prérequis, tout doit leur être appris. Cela implique un processus d’intégration plus long et le concours des managers. Ils doivent être informés des enjeux, accompagnés et convaincus du bien-fondé de cette approche. Leur scepticisme ou leur adhésion feront toute la différence dans la réussite de l’onboarding.
Une stratégie RSE qui soutienne la démarche
Enfin, l’open hiring ne doit pas être une opération isolée, mais s’intégrer dans la stratégie RSE de l’entreprise. Davantage qu’un simple recrutement sans CV, il s’agit d’un engagement pour l’inclusion, la diversité et l’équité.
Les entreprises qui réussissent à pérenniser l’open hiring sont celles qui l’intègrent dans une démarche plus globale, en mettant en place de :
- programmes d’accompagnement pour sécuriser le parcours des recrues ;
- partenariats avec des associations locales ;
- indicateurs de suivi pour évaluer l’impact social et économique.
Sans cette cohérence, l’initiative risque de s’essouffler, faute de structuration et de vision à long terme.
Open hiring : le recrutement sans CV, mais pas sans exigence
Loin de réduire les critères d’embauche, l’open hiring supprime les barrières à l’entrée. Il donne une chance aux profils souvent écartés par les filtres classiques du recrutement tout en permettant aux entreprises d’accélérer leur processus.
Avec l’évolution des attentes sociétales et des défis du marché du travail, l’open hiring ouvre la voie à une approche plus inclusive du recrutement. Si cette méthode ne convient pas à toutes les structures, elle soulève néanmoins un débat intéressant : recruter, est-ce choisir le « meilleur » candidat sur CV ou celui qui, avec un bon accompagnement, s’avérera tout aussi performant ?
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