Une question occupe aujourd’hui de plus en plus de place dans l’environnement des ressources humaines : les RH vont-ils devenir des coachs de carrière ?
Pour y répondre, nous avons recueilli l’éclairage de Nicolas Ferrant-Landrein, consultant en développement professionnel et recrutement pour le Groupe Orange.
Quels sont les enjeux de l’accompagnement des carrières pour les organisations ?
Alors que ce n’était pas le cas auparavant, aujourd’hui les collaborateurs n’hésitent plus à exprimer leur envie d’évoluer ou, parfois, de changer de métier. Ceci pour une raison que nous connaissons tous : la recherche de sens au travail et d’employabilité.
D’ailleurs, c’est une réalité pour beaucoup d’entreprises. D’un côté, les salariés sont de moins en moins statiques et les carrières linéaires n’existent plus. Tandis que les organisations font face à de véritables problématiques d’attraction et de fidélisation.
En pratique, l’accompagnement de carrière vient répondre aux enjeux relatifs à :
- l’attractivité dans le sens où dès le recrutement le candidat sait qu’il pourra explorer plusieurs vies professionnelles au sein de la même entreprise ;
- la valorisation du marché de l’emploi interne via la mobilité professionnelle, horizontale/verticale ou géographique ;
- l’augmentation de la performance RH grâce à des collaborateurs plus compétitifs ;
- la rétention des talents, y compris lors de réorganisations ;
- l’offboarding, le cas échéant, avec des (ex)collaborateurs qui deviennent prescripteurs.
Il s’agit donc d’une démarche RH qui, à première vue, semble porter sur la résolution de « problématiques » individuelles, mais qui, dans les faits, s’inscrit comme un levier de performance collective.
Quelles sont les missions d’un consultant en développement professionnel ?
La cellule de développement professionnel d’Orange reçoit les salariés lorsque ceux-ci s’interrogent sur leur plan de carrière. L’objectif est d’accompagner ces collaborateurs et de les conduire à faire le point sur leurs compétences, leur parcours, leurs envies, etc.
Parfois, certains viennent en ayant déjà une idée en tête. Dans d’autres cas, les perspectives sont plus floues. La mission du consultant en développement professionnel est d’abord d’évaluer la maturité de leur réflexion. Puis d’apporter les outils qui permettront aux salariés d’éclaircir et de construire leur projet professionnel.
Pour cela, on va notamment les aider à retracer les éléments clés de leur parcours professionnel. C’est-à-dire à prendre le temps de mettre un petit coup d’œil dans le rétroviseur.
Qu’est-ce qu’ils ont aimé faire au cours de leur carrière ? Est-ce qu’il y a des compétences qu’ils peuvent développer ? Si oui, lesquelles ? De quelle manière ? Est-ce qu’ils visent certains métiers ? Quelles sont les priorités du moment ?
Pour être très concret, l’enjeu est de soutenir les collaborateurs engagés dans cette voie pour leur faire prendre conscience de ce qui est réaliste et réalisable, ou non. Mais aussi de les mener à réfléchir sur leurs compétences et talents mobilisables au profit d’un autre poste. Et enfin de leur apporter une méthodologie sur des actions plus opérationnelles liées à leur projet comme préparer un pitch, un entretien, une candidature en vue d’une mobilité, etc.
Comment un RH peut-il adopter cette posture de coach ?
On parle beaucoup de l’évolution du métier de RH depuis quelques années. Par le prisme des HRBP par exemple. Dans ce cas, c’est en réalité un job très différent puisqu’il s’agit avant tout de faire en sorte d’aligner la strate RH au business.
De manière générale, la vision d’un collaborateur des RH est encore très technico-administrative. Il ne s’attend pas à avoir un interlocuteur qui va interroger, susciter la prise de conscience, fédérer une prise de hauteur sur le parcours professionnel. Et d’un point de vue plus global, se positionner comme facilitateur de carrière au sein de l’organisation.
Le coaching est un métier bien spécifique. Cette posture n’est donc pas naturelle pour les RH qui, pour l’adopter, doivent eux-mêmes passer par des formations et/ou des certifications. En communication, en psychologie organisationnelle ou en développement personnel, par exemple.
Comment les collaborateurs accèdent-ils au coaching de carrière chez Orange ?
Les salariés peuvent être dirigés vers la cellule de développement professionnel via le manager ou un DRH. À l’issue d’un entretien professionnel ou d’un entretien annuel, par exemple.
Mais tout est fait pour qu’ils viennent d’eux-mêmes, quand ils en ressentent le besoin. Car, en définitive, c’est le seul prérequis : le collaborateur concerné doit avoir envie de s’investir dans cette démarche. C’est essentiel pour qu’il soit véritablement acteur de la construction de son projet professionnel.
Pour schématiser le procédé, nous réalisons un premier échange pour jauger la maturité du projet. De là, nous élaborons la forme d’accompagnement la plus adaptée, avec mise à disposition d’outils sécurisés, etc.
Ensuite, les collaborateurs sont complètement autonomes et libres de s’organiser. Le consultant dispose uniquement d’une visibilité sur la temporalité du projet, mais pas sur le contenu ou les ateliers réalisés. À la fin, ce sont également les salariés qui décident de partager, ou non, la synthèse de leur travail au consultant.
En moyenne, un consultant en développement professionnel accompagne près de 300 salariés par semestre chez Orange. Il y a donc une véritable demande à ce sujet.
Pourquoi la fonction RH doit-elle s’approprier le coaching de carrière ?
À l’ère de l’individualisation des trajectoires de carrière, le coaching s’inscrit comme un volet pertinent de la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Il valorise à la fois l’image de la fonction RH qui, pour le coup, prend toute sa dimension humaine, et la culture d’entreprise.
De manière très objective, le collaborateur qui commence à se poser des questions sur son avenir professionnel est aussi un collaborateur qui risque de partir. Tout l’enjeu du coaching de carrière est finalement d’accompagner les ambitions pour, quand c’est possible, faire coïncider les aspirations professionnelles de chacun aux besoins stratégiques de l’entreprise.
Néanmoins, pour que cette approche fonctionne, il est nécessaire que les RH eux-mêmes soient alignés avec ce nouveau rôle. En ce sens, l’entreprise doit leur permettre de se former et fournir des outils de support pertinents. Il en est de même pour les managers qui, de toute façon, doivent déjà composer avec des équipes de plus en plus mobiles.