Télétravailler à l’étranger sans être entrepreneur ? C’est possible. D’autant plus que les modes de travail ne cessent d’évoluer. Holiworking permet justement aux salariés des entreprises de voyager, tout en télétravaillant.
Mais qui est cette organisation ? Que propose-t-elle concrètement aux équipes et aux entreprises ? Comment répond-elle aux obligations en matière de législation, de droit social ? Les éclairages de myRHline au travers d’une interview avec Myriam Plouzennec, Chief HR & Business Officer pour cette entreprise depuis près de 3 ans.
Télétravailler à l’étranger : ce que propose Holiworking
Holiworking existe depuis 3 ans. L’entreprise a vu le jour sous l’impulsion de Gaël Brisson, fondateur et toujours entrepreneur dans l’IT. Gaël Brisson est un ancien grand voyageur. Myriam Plouzennec est également une ancienne grande voyageuse.
Elle nous raconte que dans son équipe, Gaël Brisson avait des employés qui souhaitaient vivre leur expérience collaborateur à l’international. Mais lorsqu’il a souhaité concrétiser l’idée de permettre à ses équipes de télétravailler à l’étranger, on s’est vite rendu compte que les risques juridiques, les risques liés à la législation et à l’administration étaient un réel frein au déploiement du projet. Puisque ces risques liés à la législation peuvent coûter cher, il a fallu faire appel à un cabinet d’avocat spécialisé.
L’objectif et la raison d’être de l’organisation selon cette responsable RH ? Que tout employeur puisse permettre d’intégrer à l’expérience employé une expérience internationale de plusieurs mois permettant de réaliser des missions à l’étranger « sans avoir à supporter la charge administrative juridique » et le surcoût lié à ce voyage.
C’est une solution qui va d’ailleurs éviter à l’employé désireux de voyager de suspendre son contrat pour s’envoler vers de nouveaux horizons. Autrement dit, cette initiative est très intéressante lorsque l’on a l’intention de fidéliser les collaborateurs de son équipe.
La condition ? Les employés doivent pouvoir télétravailler : il ne s’agit donc pas de vacances à l’étranger, mais bien de télétravail. Sauf que dans ce contexte, les employés peuvent enrichir leur expérience à travers la connaissance de la culture locale, se challenger, se développer – car c’est aussi un excellent moyen d’œuvrer au développement des compétences de ses équipes – et pourquoi pas, aux soft skills.
On accompagne le volet RH, le cadre contractuel et juridique qui va permettre cette expatriation. On va prendre en charge la surcouche d’assurance adaptée à l’international, le coworking et accompagner l’expérience du collaborateur de façon à ce qu’elle soit le plus immersive, vertueuse et humaine possible pour le territoire qui nous accueille.
La volonté de partir à l’étranger est à l’initiative du travailleur lui-même, ayant l’ambition de travailler en voyageant. Et c’est la clé de voûte d’un encadrement juridique innovant selon cette responsable RH.
Ainsi, pendant une durée de 3 à 12 mois, les employés-voyageurs peuvent exercer leur activité au bout du monde dans les meilleures dispositions. Le règlement est très encadré à ce sujet.
Holiworking propose aux collaborateurs de s’expatrier au sein de 10 pays différents à ce jour : l’île Maurice, le Cap Vert, l’Afrique du sud, le Maroc, mais aussi en Thaïlande, en Indonésie, au Canada, au Costa Rica ou encore au Brésil. L’organisation ambitionne d’ailleurs d’avoir au moins 2 pays supplémentaires à proposer par an.
En France, cette entité dispose à ce jour de 9 employés, avec 10 « holicoachs » dans le monde, dont certains sont à temps partiel, d’autres en prestation de service.
Télétravailler à l’étranger : en quoi Holiworking répond aux enjeux RH de 2023 ?
Myriam Plouzennec est convaincue que le fait de télétravailler à l’étranger apporte un « bénéfice personnel et professionnel, à condition que le collaborateur en ait envie bien sûr et que l’expérience soit réellement immersive« , insiste-t-elle.
De même, elle se dit convaincue que cette démarche vient fortement booster la marque employeur de l’entreprise. Proposer à ses équipes de poursuivre leur activité dans un autre pays, c’est augmenter ses chances de capter, d‘attirer de nouveaux talents lorsque l’on a un besoin en recrutement. D’ailleurs, « le signal envoyé sur les offres d’emploi aux globe-trotteurs est très impactant », selon notre interviewée.
Pour autant, les travailleurs qui souhaitent « s’expatrier » ne sont pas aussi nombreux que cela. « On évalue à la louche les salariés qui vont entamer cette démarche, à 1 %. Mais les étoiles brillent dans les yeux de tout le monde du fait d’avoir ce discours et cette proposition », explique Myriam. Et cela montre d’ailleurs à l’employé que l’employeur est bien placé pour construire un projet qui s’inscrit dans le respect de l’équilibre vie professionnelle vie personnelle. Et on le sait, améliorer le work-life balance fait partie des préoccupations grandissantes des travailleurs et travailleuses en 2023.
D’ailleurs, certaines personnes rêvent secrètement de partir pour se développer à l’international mais n’osent pas en parler à leur employeur. Il s’agit précisément de déconstruire cela.
Ainsi, cette solution pourrait bien favoriser non seulement l’engagement collaborateur mais aussi la « rétention des talents » – notamment des alternants.
Car selon notre interviewée, plusieurs employeurs font appel à cette solution pour cela. Les alternants sont formés, performants dans l’exercice de leur emploi, mais au moment de signer le CDI, ils peuvent effectuer un virage à 360° pour partir faire le tour du monde.
Cette démarche pourrait donc retenir la personne dans le salariat si elle a un projet lié au voyage. Là, elle peut partir tout en conservant son statut.
Côté recrutement, ce sont surtout les consultants et les métiers de l’IT où il y a beaucoup de candidats à l’emploi qui partent faire le tour du monde ou changer de lieu de résidence et qui ne souhaitent pas être salariés car ils ne peuvent pas cocher la case de leur envie de voyage.
Chez Holiworking, les ex-alternants aujourd’hui en CDI sont aussi « venus pour cette expérience-là », rappelle la responsable RH en évoquant l’exemple d’une collaboratrice partie au Mexique après son embauche et ayant réalisé un « super job ». Mais c’est aussi le cas des premiers holiworkers qui ont eu l’occasion de télétravailler dans d’autres pays selon elle (plus de 20 en 2022, aujourd’hui une centaine).
Selon notre interviewée, il y aurait de fausses croyances liées au désamour du salariat : des études auraient montré que durant la dernière année d’école, les jeunes ont autant envie d’être salarié et dans les mêmes proportions qu’il y a 30 ans mais il y a beaucoup plus d’auto entrepreneurs qu’avant car on observe un changement de paradigme sur le rapport au travail avec des exigences nouvelles (parcours professionnels qui les nourrissent, etc.) Il convient donc pour les entreprises de s’adapter au changement.
« On a quelqu’un qui s’en va au mois de mai pour la première fois, dans une boîte d’IT qui soutenait une association à Madagascar depuis quelques années oeuvrant dans l’éducation et proposait aux collaborateurs 2 semaines de congé solidarité pour ceux qui voulaient avoir moins d’opérationnel donc on s’est rapproché de cette association et on a construit avec eux (…) », raconte la responsable RH.
Selon elle, il s’agit d’un excellent moyen de lier télétravail et mécénat de compétences (le bénévolat des travailleurs est toujours rémunéré par leur société, notamment dans le cadre d’une démarche RSE). Les employés font 50 % de télétravail et 50 % de mécénat de compétences.
Télétravailler à l’étranger avec Holiworking, comment ça se passe ?
Holiworking propose aux télétravailleurs un écosystème local pour une expérience enrichissante, et cela passe par un quotidien professionnel qui comprend un coworking avec d’autres fonctions, d’autres personnalités, nationalités. Rappelons qu’il est notamment possible de s’investir dans des associations au niveau local.
Dans chaque pays, un « holicoach » (une personne native du pays) vient accompagner la personne, dès sa signature du contrat et dès que l’employeur « donne le go ». Il est aussi possible de rechercher des écoles pour les enfants selon Myriam.
Cette dernière nous explique également le processus d’intégration.
L’accueil des personnes qui viennent télétravailler à l’étranger a lieu à l’aéroport : cela commence par un café, un repas, un brief de la culture locale, sur les questions de sécurité, de vigilance… Le holicoach vient préparer, intégrer l’employé. Ce dernier se trouve dans une posture de découverte et de rencontre du tissu local. Il ne s’agit pas de nourrir l’idée selon laquelle le Français viendrait en « terrain conquis ». L’objectif : « sortir de l’expérience de tourisme de consommation de base ».
Comment adresser cela juridiquement ?
“Si on essaie de faire entrer la demande de télétravail à l’international dans les cases de la mobilité internationale classique (détachement ou expatriation), il y a toujours un problème d’équité, de protection sociale, de devoir de sécurité, de fiscalité… », insiste Myriam. C’est pourquoi il faut s’assurer que toutes les obligations légales soient respectées.
Le but étant notamment de dégager de la charge mentale à l’employeur au sujet du droit social. Au niveau économique, aucun coût n’est prévu pour l’employeur. « Le coût du salarié à l’instant T, c’est le coût du salarié lorsqu’il sera en expatriation. Tout est fait pour que ce soit super light pour l’employeur », indique Myriam. Il s’agit de pallier les risques financiers, fiscaux, législatifs.
Pour éviter les risques en matière de législation en France, la solution adresse, via un avenant de mobilité internationale pour convenance personnelle, un triptyque juridique entre l’entreprise, l’employeur et l’employé.
Il s’agit d’abord d’analyser les spécificités de la société, du contrat de travail, des besoins et des exigences de l’organisation et du souhait exprimé par le salarié.
Ainsi, l’entité soumet à l’organisation un modèle d’avenant au contrat susmentionné, un contrat de service comprenant un mandat de paie Holiworking-Holicompany, un modèle de bulletin de salaire pour le cabinet ou le service paie. Il s’agira de conclure, avec toutes les parties, le contrat de prestation de services et de signer l’avenant au contrat avec le collaborateur qui souhaite s’expatrier.
Ensuite, il faudra préparer le holiworker avec une « holiteam » qui le suivra rigoureusement pour tout ce qui a trait aux obligations administratives (passeport, visa, etc.), notamment en matière de sécurité et de santé (vaccin, souscription santé, prévoyance, etc.)
« L’expérience Holiworking est contractuelle sur des mois pleins pour simplifier l’établissement des fiches de paye françaises », indique le site de l’entreprise. Cette dernière vient valider avec l’employé ses dates de départ/de retour ainsi que les congés à poser « car son temps de trajet n’est pas un temps travaillé ».
Dans le pays d’accueil, la solution est chargée d’assurer la rémunération et la protection sociale du salarié de l’organisation cliente ainsi que son accompagnement, son intégration. Mais la solution assure aussi le cadre d’exécution en distanciel du contrat de travail de l’employé de l’organisation cliente avec « la mise à disposition d’un coworking ». Enfin, la solution assure aux entreprises de suivre les conditions de travail et la poursuite de la mission professionnelle, notamment via un entretien trimestriel pour faire le point et suivre l’expérience de l’employé.
Pour conclure, une citation de Myriam Plouzennec :
Il n’est pas vrai que la fidélité à l’entreprise est perdue, il faut avoir une autonomie dans son travail (…) Je ne promeus pas le télétravail en tant que RH car ce mode de travail correspond à certaines organisations, certains profils mais ce n’est pas pour tout le monde. Toutefois, ce nouveau mode de travail existe et peut être utilisé pour construire une expérience employé enrichissante. Il serait donc dommage de ne pas s’en saisir ponctuellement pour ce genre de choses. Je constate tous les jours qu’il faut que les employeurs envoient un message fort et libèrent l’expression des vœux relatifs au work-life balance car les salariés ont des rêves sur lesquels ils s’assoient jusqu’au moment où on les perd.
Et si télétravailler à l’étranger faisait partie des pratiques orientées vers le “futur du travail” ?