Le recours aux heures supplémentaires est nécessaire pour beaucoup d’entreprises, que ce soit de manière ponctuelle ou régulière. Mais c’est également un sujet fréquent de litiges et une source d’interrogation pour l’employeur. Comment les mettre en œuvre et les calculer, les majorations de salaire ? Quelle différence entre le repos compensateur et la contrepartie obligatoire en repos ? Quelles exonérations de cotisations pour l’entreprise ? Pour vous aider à sécuriser votre pratique, nous vous proposons de faire un point complet sur ces questions et bien d’autres.
Présentation générale des heures supplémentaires
Définition
Toutes les heures effectuées au-delà de la durée légale de travail hebdomadaire sont des heures supplémentaires (c.trav.art.L3121-28).
L’entreprise doit toutefois veiller à respecter la réglementation applicable à la durée du travail : repos quotidien et hebdomadaire, durée maximale de travail (10h/jour, 48h/semaine et 44h en moyenne sur 12 semaines consécutives).
Quid en cas de durée conventionnelle inférieure à la durée légale de travail ? Les heures effectuées au-delà de la durée conventionnelle mais en deçà de la durée légale du travail ne sont pas des heures supplémentaires et ne sont donc pas majorées (sauf dispositions conventionnelles plus favorables).
Sanctions applicables
Les manquements aux règles encadrant les heures supplémentaires sont sanctionnées par une amende de 3 750 € par salarié concerné par l’infraction (personnes morales) ou 750 € (personnes physiques).
En outre, l’absence de paiement de tout ou partie des heures supplémentaires effectuées peut constituer le délit de travail dissimulé.
Certains manquements peuvent également justifier la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail. Par exemple : le non paiement pendant une période prolongée ou lorsque l’employeur refuse de reconnaître au collaborateur son droit aux heures supplémentaires (cass. soc. 21-5-2002 n° 99-45.890).
Mise en oeuvre des heures supplémentaires
Qui a l’initiative des heures supplémentaires ?
Les heures supplémentaires sont accomplies uniquement à la demande de l’employeur ou avec son accord implicite. Les salariés ne peuvent donc pas en prendre l’initiative et mettre l’entreprise devant le fait accompli.
En outre, à partir du moment où elles sont demandées par l’employeur (et qu’elles respectent les règles légales) elles sont obligatoires. Le salarié ne peut pas les refuser.
Toutefois, la notion d’accord implicite entraîne parfois quelques difficultés d’interprétation, tranchées par la cour de cassation. Constituent ainsi des heures supplémentaires celles :
- Renseignées dans un logiciel de pointage : l’employeur est considéré comme ayant été informé et avoir donné son accord implicite (cass. soc. 8-7-2020 n° 18-23.366)
- Nécessaires pour effectuer les tâches confiées au salarié (cass. soc. 14-11-2018 n° 17-16.959)
- Effectuées régulièrement pendant une longue période , en toute connaissance de cause par l’entreprise et sans opposition de sa part (cass. soc. 19-6-1974 n° 73-40.670)
Question pratique – L’employeur peut-il réduire le volume d’heures supplémentaires effectué par ses collaborateurs ?
Oui, même si l’entreprise recourt aux heures supplémentaires de manière régulière et constante, elle peut décider unilatéralement de les réduire ou les supprimer. Il ne s’agit pas ici d’une modification du contrat de travail et les salariés ne peuvent pas s’y opposer. Une exception toutefois : l’employeur est tenu de respecter les heures supplémentaires minimum qui sont parfois prévues dans le contrat de travail, la convention collective, un accord collectif ou un usage (sauf à dénoncer le texte concerné).
Tous les salariés peuvent-ils faire des heures supplémentaires ?
La réglementation relative aux heures supplémentaires s’applique à tous les salariés, quel que soit :
- Leur mode de rémunération : travailleurs payés au mois, au pourboire, à la tâche, en pourcentage sur le service (personnel de la restauration)…
- Leur catégorie professionnelle : employés, ouvriers, cadres…
Toutefois, en sont exclus les salariés au forfait jours et les cadres dirigeants (qui ne sont pas soumis à la réglementation sur la durée du travail). Les jeunes de moins de 18 ans ne peuvent pas, en principe, effectuer des heures supplémentaires mais des dérogations sont possibles.
Point de vigilance – différence entre supplémentaire et complémentaire
Les salariés à temps partiel ne sont pas concernés par les heures supplémentaires. Ces dernières correspondent en effet uniquement à celles effectuées au-delà de 35h. Si un employé à temps partiel effectue des heures au-delà de son horaire de travail contractuel, il s’agit d’heures complémentaires soumises à des règles différentes.
Comment décompter les heures supplémentaires ?
En principe, les heures supplémentaires se calculent par semaine (art.L3121-29) :
- Du lundi à 0 h au dimanche à 24 h (art.L3121-35)
- Ou selon toute autre période de 7 jours consécutifs prévue par une convention collective, accord d’entreprise ou de branche (art.L3121-32)
D’autres modalités de décompte sont toutefois possibles à titre dérogatoire : entreprises ayant mis en place un aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines ou à l’année, salariés au forfait heures (mensuel ou annuel) et pour certaines professions (travailleurs à domicile, personnel roulant du transport routier).
Pour calculer la durée du travail, et donc le nombre d’heures supplémentaires, il faut prendre en compte celles concernant le travail effectif et assimilées. Sont donc exclus notamment les jours fériés, congés payés et autres absences (sauf dispositions conventionnelles contraires).
Contreparties pour les salariés : majoration de salaire ou repos compensateur de remplacement
Majoration de la rémunération
Les heures supplémentaires sont obligatoirement rémunérées avec une majoration, selon les taux suivants :
- Accord collectif, de branche ou CCN fixant les taux de majoration : ces derniers ne peuvent pas être inférieurs à 10% (art.L3121-33)
- Absence d’accord collectif (art.L3121-36) :
- 25% pour les 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème heure incluse)
- 50% à partir de la 44ème heure
Ces taux de majoration s’appliquent au taux horaire des heures normales de travail. Il faut prendre en compte les avantages en nature* ainsi que les primes et indemnités dues en contrepartie d’un travail fourni. Par exemple : travail du dimanche, travail de nuit, commissions sur CA et primes de résultat (si elles se rattachent directement à l’activité du salarié).
Ces heures majorées sont payées en même temps que le salaire mensuel et figurent sur la fiche de paie du salarié. En aucun cas l’employeur ne peut les remplacer par le paiement d’une prime ou de toute autre indemnité.
*myRHline vous dis plus dans son article : avantage en nature
Remplacement du paiement des heures supplémentaire par un repos compensateur
L’entreprise peut remplacer le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur. Ce remplacement doit être préalablement prévu :
- Par la convention collective, un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche
- À défaut d’accord collectif : par décision unilatérale de l’employeur, si le CSE ne s’y oppose pas (art.L3121-37)
Le repos compensateur doit avoir une durée équivalente aux heures majorées. Par exemple : remplacement de 2 h majorées à 25% par un repos de 2h30.
L’entreprise doit informer le salarié de ses droits au repos compensateur (par une annexe au bulletin de paie).
À noter que celles ouvrant droit au repos compensateur ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires (art.L3121-30).
Contrepartie obligatoire en repos et contingent annuel
En plus de la rémunération majorée (ou du repos compensateur de remplacement) l’employé bénéficie également d’une contrepartie obligatoire en repos s’il effectue des heures supplémentaires au-delà d’un contingent annuel (art.L3121-30).
Qu’est ce que le contingent annuel ?
Le contingent annuel est un seuil permettant de déclencher la contrepartie obligatoire en repos. Son volume est prévu par convention collective, accord collectif ou de branche. À défaut d’accord, il est fixé à 220 h (art.D3121-24).
Il s’applique dans le cadre de l’année civile, sauf dispositions conventionnelles contraires.
Pour calculer le contingent annuel il faut prendre en compte les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail.
Toutefois certaines heures ne sont pas imputables sur le contingent annuel :
- Celles supplémentaires remplacées intégralement par un repos compensateur
- Celles supplémentaires réalisées pour des travaux urgents “dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage, pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel, aux installations ou aux bâtiments de l’établissement” (art.L3121-30)
- Celles de dérogation permanente à la durée légale du travail
- Celles effectuées pour la journée de solidarité
Modalités de la contrepartie obligatoire en repos
Une convention ou un accord collectif peut prévoir les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repas. A défaut, l’employeur applique les règles suivantes (art.L3121-33, I-3°).
Les heures supplémentaires effectuées au delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos de :
- 50% pour les entreprises de 20 salariés et moins
- 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés
Dès que la contrepartie atteint 7 h, le travailleur peut prendre son repos par demi-journée ou journée entière, dans un délai de 2 mois (art.D3121-18).
Il adresse sa demande à l’employeur au moins 1 semaine à l’avance en précisant les dates et la durée du repos. L’entreprise a 7 jours pour répondre à compter de la réception de la demande. Son éventuel refus doit être motivé par des raisons liées aux impératifs de fonctionnement de l’entreprise. Elle doit alors proposer une autre date à l’employé (comprise dans le délai de 2 mois).
Si l’employeur reçoit plusieurs demandes simultanées, il applique l’ordre de priorité suivant : demandes déjà différées, situation de famille, ancienneté.
L’entreprise à l’obligation d’informer les salariés du nombre d’heures de repos dont ils bénéficient par un document annexé au bulletin de salaire. Il doit également mentionner l’ouverture du droit dès qu’il atteint 7 h et le délai de 2 mois pour le prendre.
Contrepartie non prise et fin de contrat : quelles conséquences ?
Le salarié qui ne demande pas à utiliser le repos acquis n’en perd pas pour autant les droits. L’employeur doit lui demander de prendre ce repos dans un délai maximal d’un an.
Lors de la rupture du contrat, si le collaborateur n’a pas pu bénéficier de sa contrepartie en repos, il perçoit une indemnité (assimilée à un salaire) correspondant à l’ensemble des droits acquis, même s’ils sont inférieurs à 7 h (art.D 3121-23).
Les exonérations sociales et fiscales des heures supplémentaires
Déduction forfaitaire de cotisations patronales
Les entreprises de moins de 20 salariés bénéficient d’une déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires (CSS.art.L241-18). Son montant est de 1,50 € /h supplémentaire.
Elle s’impute sur l’ensemble des cotisations et contributions patronales dues par l’employeur. Cette déduction est cumulable avec d’autres dispositifs d’exonérations de cotisations patronales ( réduction générale de cotisations patronales, zone de revitalisation rurale, zone franche urbaine…) dans la limite du montant de ces cotisations.
Depuis le 1er octobre 2022, les entreprises de 20 à 250 salariés jouissent également d’une déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires (loi sur le pouvoir d’achat du 16 août 2022). Son montant sera fixé prochainement par décret.
Réduction de cotisations salariales
Le salarié bénéficie également d’une réduction de cotisations sur ses heures supplémentaires. Cette réduction est égale à la somme des taux des cotisations de la retraite de base et complémentaire dans la limite de 11,31% (CSS.art.D241-21).
Défiscalisation des heures supplémentaires
Les heures supplémentaires sont exonérées d’impôts dans la limite de 5 000 € net par an. La loi de finances rectificative pour 2022 relève ce plafond à 7 500 € pour les revenus 2022, à déclarer en 2023.
Céline Le Friant