Les enjeux de la gestion des connaissances et des savoirs
Une entreprise recherche la performance globale, ce qui signifie la performance collective. Mais cet objectif n’est pas toujours aisé à atteindre. En effet, le développement collectif des compétences et l’implication des acteurs s’appuient au niveau de l’Institution sur des politiques et des organisations adaptées mais ne se mettent réellement en œuvre et apportent les résultats escomptés que si le Corps Social, c’est-à-dire chaque individu, accepte et s’engage dans ce développement collectif.
Or, dans un monde globalisé où tout est interdépendant et où le changement est permanent, disposer en permanence des compétences nécessaires pour atteindre les objectifs de performance visés est devenu plus qu’une nécessité un enjeu crucial de management et d’organisation :
- Comment éviter la déperdition des savoirs et capitaliser sur les connaissances acquises lors de la conduite de projets ?
- Comment utiliser ces connaissances individuelles et construire une intelligence collective ?
- Comment développer une culture d’entreprise favorisant le partage des connaissances et stimulant ainsi l’apprentissage continu ?
La mise en place d’outils de réseaux sociaux d’entreprise comme solution?
La révolution engendrée par le Web 2.0 facilite le partage de l’information et des connaissances en offrant des outils tels que les forums, blogs et wiki qui transforment les temps de partage d’expertise et d’expérience jusque-là informels en temps capturés et capitalisés.
Ainsi l’intérêt pour une DRH de mettre en place des réseaux sociaux d’entreprise est largement partagé.
Dans un contexte économique mondialisé comme le nôtre, l’entreprise doit en permanence innover. Et au-delà de la compétitivité, de la performance et de la qualité, l’entreprise doit intégrer de nouveaux enjeux tels que la gestion de son image (la e-réputation) ou l’intégration des préoccupations éthiques et sa déclinaison en critères de responsabilité sociale (RSE). Ces enjeux amènent à une évolution de l’économie dans laquelle le développement collectif des compétences et l’intelligence collective sont des leviers pour permettre à l’entreprise de faire mieux et plus vite que ses concurrents et les réseaux sociaux d’entreprise sont des outils favorisant le décloisonnement et ainsi la coopération et le partage des connaissances.
Alors, les réseaux sociaux d’entreprise sont-ils la solution au service de la DRH pour répondre aux défis actuels des entreprises ?
Dans les faits, ce n’est pas si simple. En effet, si dans la sphère privée Internet a explosé avec plus d’un milliard d’internautes, 200 millions de personnes sur Facebook et plus de 100 millions de blogs recensés à l’heure actuelle, il serait un leurre de croire que ces nouveaux usages, même s’ils sont portés par une génération Y qui baigne dans cette culture, sont transposables sans aucune difficulté au sein de l’entreprise.
L’entreprise est en effet par excellence le royaume des jeux de pouvoir. Or l’information peut être considérée comme un pouvoir. Dans une organisation reposant sur une culture basée sur l’expertise, la possession de la connaissance peut être synonyme de pouvoir. Dans cet environnement, non seulement les individus réfrènent à partager leurs connaissances mais craignent également de demander de l’information car cela pourrait être interprété comme un manque de savoirs et d’expertise et donc de compétences.
Mais il ne suffit pas de déployer une batterie de wiki ou de forums dans une entreprise pour permettre le partage des connaissances et le développement des compétences collectives. Il s’agit avant tout de transformer les usages et pratiques d’un mode basé sur le culte de l’opacité et de l’individualisme à un mode axé sur la transparence et la transversalité, d’un environnement où l’expertise prédomine et la connaissance est vue comme un pouvoir à préserver à un environnement où l’innovation est une affaire de tous et la participation de chacun primordiale, d’une culture basée sur la méfiance et la peur de partager et de demander l’information à une culture basée sur l’ouverture et l’incitation à la curiosité et la recherche d’informations et de connaissances.
Les réseaux sociaux d’entreprise : un projet de transformation au service de la performance à mener par la DRH
La mise en place d’outils de réseaux sociaux ne peut à elle seule transformer les pratiques et atteindre les objectifs de partage des informations et de développements des connaissances. Ce déploiement d’outils doit être envisagé comme un véritable projet de transformation de l’entreprise.
Le rôle du DRH est ainsi de créer les conditions favorables pour mettre en œuvre cette transformation. Cela passe d’abord par une évolution des modes d’organisation et de management :
- L’organisation : une organisation basée sur des structures par projets dans lesquelles les collaborateurs travaillent en réseaux et de manière transverse pour la réalisation des projets et favorise ainsi le décloisonnement des structures et le partage de l’information
- Le management : la mise en place d’un autre fonctionnement organisationnel visant de nouveaux comportements collectifs doit s’appuyer en premier lieu sur les managers qui doivent impulser à leurs équipes de nouvelles valeurs de partage et de coopération
Pour ancrer ces nouvelles pratiques et permettre un véritable partage des savoirs au service du développement des compétences et de la performance collective, la DRH doit mettre en place des processus RH en adéquation avec cette transformation. En particulier, des incitations passant par le système d’évaluation et donc le système de rémunération et de carrière sont des leviers aux mains des DRH. C’est l’occasion également de revoir les fiches de rôles et mission des acteurs de l’entreprise en inscrivant un rôle de référent sur un domaine et les activités qui cela implique. Surtout que le collaborateur est un acteur rationnel qui agit et prend ses décisions en fonction de son intérêt. Sans intérêt à partager ses connaissances, le collaborateur ne modifiera pas ses usages et pratiques rapidement.
En conclusion, si les outils du Web 2.0 permettent de fluidifier et accélérer le partage des informations, la dynamique de coopération et de développement collectif repose elle sur une transformation de la culture de l’entreprise. La DRH doit donc utiliser ces nouveaux outils à disposition pour faire bouger les processus, les acteurs et la culture. Le DRH 2.0 n’est pas le DRH qui utilise des outils du réseau social mais celui qui orchestre la transformation 2.0. Et pour cela, la DRH doit donner l’exemple en lançant des communautés de pratiques RH et en instaurant un système incitatif de partage et transfert des savoirs.
Katya GERAUD
BeHR