La santé psychologique au travail ainsi que le rapport qu’ont les salariés au travail ont été fortement impactés depuis le début de la crise sanitaire. L’enquête, réalisée par OpinionWay pour Empreinte Humaine, a été menée du 27 janvier au 11 février 2022 auprès d’un panel représentatif de 2001 salariés. Les résultats étaient présentés lors de la conférence de presse du mercredi 9 mars 2022.
Où en est la santé psychologique au travail depuis la pandémie ?
Détresse psychologique : définition
La détresse psychologique inclut à la fois des symptômes de dépression et d’épuisement. Elle se traduit par une perte d’énergie et une fatigue intense. Elle se manifeste également par de l’agressivité et de l’hostilité. Si ce facteur de risque s’installe, il peut provoquer des problèmes de santé ou des troubles mentaux et psychosomatiques tels que la dépression sévère, l’hypertension artérielle, des addictions ou même conduire à des AVC.
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Après deux années de pandémie, le niveau de santé psychologique au travail s’est encore dégradé. Le nombre de salariés en détresse psychologique a augmenté de 3 points depuis octobre dernier, les arrêts de travail pour dépression se multiplient.
Quelques chiffres à retenir :
- 41% des salariés se trouvent en situation de détresse psychologique modérée
- 13% d’entre eux sont en détresse psychologique élevée
- 1/2 salarié remarque que son entourage professionnel est plus agressif depuis la crise sanitaire
- 1/4 salarié déclare être agressif pour tout et rien
Au Canada, le taux de salariés en détresse psychologique modérée est comparable. En revanche, le taux de salariés en détresse psychologique élevée est deux fois plus important en France qu’au Canada. Ces résultats peuvent s’expliquer par la culture de prévention en entreprise face aux risques impactant la santé psychologique au travail, plus développée et efficace au Canada qu’en France.
Populations les plus exposées aux risques psychosociaux : la dégradation de la santé psychologique au travail
Les moins de 29 ans :
Depuis la fin de la crise sanitaire, la population des moins de 29 ans est la plus exposée aux risques sur la santé psychologique au travail. En effet, 54% d’entre eux sont en détresse psychologique, soit une augmentation de 13 points supplémentaires. Les explications probables sont tout d’abord, la difficulté qu’ils éprouvent à s’intégrer dans les entreprises, auprès des autres collaborateurs notamment (processus d’onboarding). Ensuite, le manque de repères au sein de l’organisation, et de codes liés à leur apprentissage durant leur période de formation en télétravail sont insuffisants.
Les femmes :
La dégradation de la santé psychologique au travail touche également fortement les femmes. 47,5% des femmes salariées sont en détresse psychologique, ce qui représente 3,5 points supplémentaires par rapport à la dernière enquête. Les femmes endossent généralement le poids des contraintes familiales, en résulte une forte charge mentale qui altère leur santé psychologique au travail. De plus, elles vivent un manque de reconnaissance exacerbé par une accession aux promotions compliquée. Ce sont pourtant elles qui ont fait le plus de compromis pendant la crise sanitaire pour gérer leurs responsabilités familiales et professionnelles. Enfin, les femmes sont surreprésentées parmi les professions les moins qualifiées et les moins rémunérées.
Les managers :
44% des managers sont en situation de détresse psychologique (+6 points), et 38% sont en situation de burnout, dont 16% en burnout sévère. Ces chiffres concernant la santé psychologique au travail des managers s’expliquent par la difficulté de gestion des collaborateurs sur le terrain, et une difficulté de coordination de la charge de travail supplémentaire.
La santé psychologique au travail dans la fonction RH
Fonction RH : la plus exposée aux problèmes de santé psychologique au travail
La fonction des ressources humaines est la plus exposée aux problèmes de santé psychologique au travail. En effet, 64% des professionnels des ressources humaines se trouvent en situation de détresse psychologique.
La crise du Covid-19 a donc lourdement impacté la santé psychologique au travail et particulièrement des professionnels des ressources humaines. Ils doivent gérer la confrontation avec le collectif au quotidien : conflits en entreprise, gestion de l’isolement et de la détresse psychologique des salariés ainsi que leur propre état psychologique.
De plus, ils font face à plusieurs risques juridiques, avec notamment l’obligation de prévention, l’application des protocoles sanitaires ou la gestion du télétravail hybride à pérenniser. Ils subissent une perte de repères considérable et doivent s’adapter aux changements successifs et aux règles imposées par les mesures sanitaires.
Le constat est fort : la fonction RH ne dispose pas suffisamment de ressources dédiées à la santé psychologique au travail, comme l’instauration d’un comité de veille, ou la présence de professionnels dédiés aux problématiques psychosociales en interne (psychologues, médecins du travail ou conseillers en interne).
Qu’en est-il de l’évolution de la rémunération au sein de la fonction RH ? Découvrez notre article dédié au sujet : salaire RH.
“Cette étude a eu lieu au moment de la vague Omicron et du renforcement de certaines mesures comme le télétravail. Les niveaux de détresse psychologique sont toujours très élevés. La chronicité de cet état engendrant nécessairement des conséquences en termes de santé : burn out, dépression, arrêts maladie, relations dégradées dans l’entreprise, turn over et intention de démission…” Christophe Nguyen, Président d’Empreinte Humaine, psychologue du travail et des organisations
Le burn out professionnel : conséquence de la dégradation de la santé psychologique au travail
Aujourd’hui, 6 millions de salariés, soit un tiers, sont en situation de burn out modéré, 13% d’entre eux sont en burn out sévère. Les taux de burn out sont trois fois plus élevés qu’avant la période de crise sanitaire.
- 63% des professionnels des ressources humaines sont en situation de burn out dont 34% des professionnels des ressources humaines en burn out sévère
- 40% de la population RH a l’intention de rechercher activement un autre emploi après la crise sanitaire
- 36% des télétravailleurs sont en situation de burn out dont 13% en burn out sévère
- 38% des managers sont en situation de burn out dont 16% en burn out sévère
La perte de sens et de l’aspect collectif du métier, la confusion entre l’espace de travail et la maison, ainsi que la charge de travail élevée font partie des raisons qui engendrent une situation de burn out et la dégradation de la santé psychologique au travail. De telles situations pourraient entraîner d’importants turnover, c’est-à-dire un renouvellement des effectifs au sein des entreprises.
Au-delà de l’aspect professionnel, la fatigue pandémique a également un impact sur la santé psychologique au travail.
- 2/3 des salariés sont fatigués de la couverture médiatique du Covid-19
- 55% des salariés sont fatigués de devoir suivre les recommandations et réglementations liées au Covid-19
La crise sanitaire n’étant pas tout à fait terminée, on peut se demander quel sera l’impact de la crise géopolitique actuelle sur la santé psychologique au travail.
Santé psychologique au travail : les actions de prévention au sein des entreprises
Le regard des salariés sur les actions de prévention des entreprises
Les entreprises françaises ont encore du chemin à faire concernant la prévention de la santé psychologique au travail. Malgré l’ampleur des impacts de la crise sanitaire sur la santé psychologique au travail, seulement 1/4 d’entre eux estime que la direction générale réagit assez rapidement et met en place des actions concrètes.
À retenir :
- 30 % des salariés considèrent leur comité de direction concrètement engagé sur le sujet de santé psychologique au travail
- 1 salarié sur 2 affirme qu’il n’existe pas de référent sur le sujet au sein de l’entreprise
- 1 salarié sur 2 sait détecter chez lui les signaux de la détresse psychologique
- 40% des salariés savent ce qu’il faut faire pour être en bonne santé psychologique au travail, mais 40% d’entre eux ne parviennent pas à appliquer les méthodes au quotidien
Top 3 des actions QVT préférées des collaborateurs
L’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle : une priorité pour de plus en plus de salariés depuis la crise sanitaire.
- Le salaire et les primes : importance du pouvoir d’achat, notamment depuis l’inflation due à la crise sanitaire, et à la crise ukrainienne
- De bonnes relations entre collègues : car celles-ci se sont dégradées avec les conséquences de la crise et la distanciation sociale
- La reconnaissance au travail (autre que salaire)
Passer des moments en famille, faire du sport, avoir des loisirs : les attentes en matière de QVT et santé psychologique au travail évoluent chez les salariés. La crise sanitaire leur a permis de se (ré)investir davantage dans leur vie personnelle. Beaucoup y ont pris goût et ne désirent plus forcément prioriser le travail.
Flop 3 des actions décriées chez les salariés
- Les programmes de nutrition
- Les massages
- Les séances de relaxation ou yoga
Aucune étude ne montre réellement l’impact de telles actions sur la santé psychologique au travail et l’amélioration du bien-être des salariés. Certes, les salariés y prennent du plaisir, mais ils ne considèrent pas ces 3 actions assez efficaces ou adaptées par rapport aux enjeux de santé psychologique au travail.
Le rapport au travail : point de vue français sur la santé psychologique au travail
Selon les travaux de Lucie Davoine et Dominique Méda (Place et sens du travail en Europe: une singularité française?. 2008. hal-00276220) :
- En 1999 : “ Dans votre vie, le travail est-il important ?” 70% des français répondaient qu’il était (très) important.
- En 2022, c’est le cas pour 19% des français. Cette diminution spectaculaire de 51 points s’explique par une priorisation des sphères privées et de la santé psychologique au travail, liée à la pandémie.
- En 1999 : 75% des français estimaient que pour développer pleinement leurs capacités, il fallait avoir un travail
- En 2022 : 40% des répondants (-35 points) sont d’accord avec cette affirmation
Comme observé précédemment, les français ne sacralisent plus autant la sphère professionnelle. C’est pourquoi 47% des français en 2022, contre 26,8% en 2002, donnent de l’importance au critère de conciliation vie professionnelle / vie familiale lors du choix du travail.
Santé psychologique au travail : leurs attentes vis-à-vis du travail
Être utile à la société
La crise sanitaire présupposait une prise de conscience vis-à-vis de l’utilité de certaines professions (notamment des domaines de la santé et de l’écologie) et de l’importance de la santé psychologique au travail. Toutefois, l’évolution du rapport des français à l’utilité de leur travail dans la société est extrêmement faible.
- En 1997 : 18% des français considéraient l’utilité du travail à la société (très) importante
- En 2005 : 21,2% des français
- En 2022 : 22% des français, donc seulement 0,8 points supplémentaires
La sécurité de l’emploi
La crise sanitaire n’a pas développé le besoin de sécurité de l’emploi des français, comme on aurait pu l’imaginer. En effet, la pandémie a justement contraint à une interrogation sur la santé psychologique au travail et les conditions de travail de certains salariés afin de les remettre en cause. Ce phénomène a entraîné de nombreuses reconversions professionnelles, notamment dans les domaines de la restauration, hôtellerie ou de la santé et s’illustre par le mouvement de “Grande Démission” aux Etats-Unis.
- En 2002 : 43,2% des français estiment très important la sécurité de l’emploi
- En 2022 : 29% des français
Les possibilités de promotions
L’importance accordée aux possibilités de promotions a diminué depuis la crise sanitaire. Vivre dans une période d’incertitude chronique, où il est difficile de se projeter sur le long-terme, explique certainement le fait que les perspectives de promotion ne sont pas une priorité, contrairement à la santé psychologique au travail.
- En 2002 : 83% des français accordent de l’importance aux possibilités de promotions
- En 2022 : 59% des français
Le choix des prises d’initiatives
Prendre des initiatives demeure toujours relativement important chez les français, même si le pourcentage est en baisse de 22,5 points.
- En 2002 : 87,5% des français estiment que les prises d’initiatives sont importantes
- En 2022 : 65% des français
Parmi ces résultats marquants, il existe peu de différences de genre, ou générationnelles. La question de la santé psychologique au travail est une priorité.
Laurène BOUSSÉ