En expérience client, on utilise le terme moments de vérité, des moments à fort enjeu émotionnel, des moments où faire la différence dans la relation client. Aussi, lorsqu’on veut améliorer l’expérience client, on se pose la question suivante :
Quels sont les moments qui comptent plus que d’autres ?
Eh bien je crois que le départ de l’entreprise, appelé offboarding, est au même titre que l’arrivée dans l’entreprise, onboarding, un moment qui compte.
Bien se séparer compte autant que bien accueillir.
Il est aussi important de soigner l’accueil que le départ d’un collaborateur.
Puisque la GRANDE DES MISSIONS du département RH est de mettre l’humain au cœur de l’entreprise, la façon de dire au revoir au collaborateur sortant n’en serait-elle une démonstration ?
Dans cet article, je vous propose d’aborder sous un autre angle le débarquement, la rupture, le départ du collaborateur. Nous verrons :
- Quel lien majeur entre offboarding et expérience client ?
- Quel principal enjeu pour la RH avec le offboarding ?
- Quelles sont les erreurs à éviter ?
- La notion de contrat moral au-delà du contrat de travail ?
- Quelles pistes pour changer de regard sur les au revoir ?
- Pourquoi soigner le départ d’un collaborateur est vertueux ?
Quel lien majeur entre offboarding et expérience client ?
Dans mon précédent article, j’expliquais comment l’expérience collaborateur a été pensée sur le même modèle que l’expérience client. Les enjeux étant les mêmes: ATTIRER, FIDELISER, ENGAGER.
Lorsqu’on parle d’engagement, on associe volontiers la notion de promoteur, prescripteur, ambassadeur.
Dans les faits, un collaborateur sur le départ peut aussi bien devenir un prescripteur qu’un détracteur. Or, l’entreprise a besoin d’AMBASSADEUR qu’ils soient client ou collaborateur, c’est-à-dire de personnes qui parlent positivement d’elle, la recommandent à d’autres et quelque part contribuent à son rayonnement pour attirer de nouveaux « Clients » internes et externes.
Quel principal enjeu pour la RH avec le offboarding ?
Dans la relation client téléphonique, souvent un message nous dit « cet appel peut-être enregistré à des fins de formation ». Ces entreprises ont compris que l’avis client, la voix client qu’il soit satisfait ou mécontent est importante car il y a de quoi tirer des apprentissages.
Rien ne sert de retenir un collaborateur qui souhaite partir, au mieux vous le retiendrez quelques semaines ou quelques mois. L’enjeu RH principal dans le offboarding c’est de comprendre le MOTIF DE DEPART pour en tirer des enseignements. Comme en expérience client, il s’agit d’améliorer, voir de corriger ce qui ne va pas.
Côté RH et côté collaborateur,
Quel que soit le motif de départ, il est bon de se dire les choses comme elles sont. Cela demande de part et d’autre transparence, confiance et dialogue. (on n’a pas dit que c’était facile)
Non seulement pour comprendre, évoluer et faire progresser l’entreprise, mais aussi parce qu’on se doit bien cela dans ce monde où chacun veut replacer l’humain au cœur de la société, où chacun aspire à plus de transparence, d’honnêteté et d’engagement.
Quelles erreurs éviter lors du offboarding ?
L’humain a un temps de vie.
Tout a un temps de vie, les produits électroménager, les vêtements, les saisons…
Les collaborateurs ont eux aussi un temps de vie au sein de l’entreprise, malheureusement en 2023, force est de constater que ce cycle est de plus en plus court.
Faut-il essayer de retenir un collaborateur qui veut partir ou se séparer au bon moment ?
Côté collaborateur, il y a une multitude de raisons valables à quitter son entreprise (formation, déménagement, opportunité de poste, envie d’évolution mais aussi désalignement moral, conflit managérial) quelque soit la raison pour laquelle on se sépare, en entreprise comme en amour, on a besoin de dialogue.
Côté RH, l’attraction, l’intégration, la fidélisation de talents coûtent du temps et beaucoup d’énergie.
Un collaborateur qui part c’est toujours des soucis mais attention aux erreurs.
- Erreur numéro 1 : le focus remplacement « Il faut… on doit… »
On est parfois plus préoccupé par la logistique que par l’humain : il faut trouver la nouvelle recrue, organiser la passation puis on doit intégrer, transmettre, former.
- Erreur numéro 2 : le temps « A quoi bon investir du temps puisqu’il s’en va ».
C’est vrai c’est de l’invisible mais c’est là que certains sont plus malins : rendre l’invisible visible.
Soigner la séparation c’est :
- de la considération,
- de la bienveillance, (parce qu’on veut le bien pour ce collaborateur, même s’il part ailleurs)
- et de l’investissement tangible dans la culture d’entreprise.
N’est-ce pas un contrat moral au-delà d’un contrat de travail ?
Un contrat de travail, comme un contrat de mariage d’ailleurs, ne sont pas seulement une signature sur un morceau de papier, mais un engagement entre deux parties qui s’apportent mutuellement.
Côté collaborateur,
- On aimerait évoluer, mais évoluer c’est parfois ailleurs que ça se passe. L’entreprise ne peut pas satisfaire tous les besoins d’évolution de ses collaborateurs, inutile de la bouder pour autant. Soit il reste, soit il part mais le collaborateur a la responsabilité d’un engagement moral.
- Le jour où on sent qu’on n’est plus la bonne personne au bon endroit, il est temps de tirer sa révérence. C’est un signe de loyauté que de partir et d’assumer que là où on est on n’est plus heureux et que rester n’apportera rien de bon à soi comme à l’entreprise.
Côté RH,
Préférez-vous quelqu’un qui part et assume ce choix, ou :
- Quelqu’un qui reste pour les mauvaises raisons.
Je suis bien payé, personne m’emmerde, je fais ce que je veux.
- Quelqu’un qui reste mais a démissionné dans sa tête ?
J’ai plus envie de m’investir, je vais faire le strict minimum à présent.
- Quelqu’un qui reste mais devient la personne toxique et négative, qui ne cesse de se plaindre que rien ne va.
Tu as vu ils ont … Non mais je rêve il a…. Passe-moi ce dossier….
Quelles pistes pour changer de regard sur les au revoir
Si se séparer vaut mieux que tout gâcher, la question est : comment on se sépare ?
LES REMERCIEMENTS
Quelque soit les événements ou les cailloux restés bloqués dans la chaussure, il y a toujours une marque de reconnaissance à saluer (implication, qualité personnelle, réussite d’un projet, résultats).
LES ENCOURAGEMENTS
L’encourager pour la suite de ce qu’il va accomplir.
Qui sait si demain il ne deviendra pas fournisseur, prestataire, consultant pour votre entreprise.
LES SOUVENIRS
Lui demander quel meilleur souvenir il gardera de son expérience chez vous.
Lorsque vous faîtes la liste de tout ce qui a été positif et ce qui l’a moins été, dans la majorité des cas, le positif l’emporte (Qu’on ait fait un stage ou qu’on soit resté 2 ou 5 ans, sinon on ne serait pas resté 2 ou 5 ans).
Si tout n’a pas été parfait, la séparation avec l’entreprise est à l’image de la séparation amoureuse, les différends ne doivent en rien tout effacer.
L’INVITATION
Quand une personne quitte l’entreprise, on pense en premier à son remplacement et on sous-estime l’effet salarié boomerang. Or un collaborateur qui part en bon terme, à qui on ose dire « Si tu veux revenir la porte sera toujours ouverte » se sent reconnu, valorisé et libre de revenir.
Nous ne sommes pas des bêtes enfin ! Nous ne sommes que des humains ! Qu’y-a-t-il à perdre à dire cela à un collaborateur sur le départ ? Ne pensez-vous pas qu’il y a davantage à y gagner ?
Dans mon livre, je reviens sur mon expérience au Club Med. Je décris notamment quelques anecdotes qui ne sont pas liées à l’environnement paradisiaque mais à la culture d’entreprise. J’y évoque, entre autres, mon départ. Après 5 ans d’ancienneté, j’ai fait le choix de partir alors que des opportunités m’étaient proposées. Je me souviens des mots qui sont restés gravés dans ma mémoire :
« Merci pour ce qu’on a partagé et ce que tu as donné à l’entreprise. Tu pars ailleurs et on veut que tu sois capable de revenir nous voir si tu le veux ».
Je crois que quand on se sent libre de partir, on se sent libre de revenir.
(Ce qui rappelle la liberté de circulation : le droit pour tout individu de se déplacer librement dans un pays, de quitter celui-ci et d’y revenir)
Pourquoi soigner le départ d’un collaborateur est vertueux ?
- Créer un réseau d’alumni
- Avoir des ambassadeurs prescripteurs qui parlent de vous positivement
- Penser à l’effet boomerang, ils peuvent revenir dans quelques années
- Penser à l’effet Client, ils peuvent devenir des clients de demain
- Renforcer l’image de votre culture d’entreprise
- Montrer à ceux qui restent que l’entreprise sait se montrer reconnaissante et respectueuse.
Pour conclure, j’aimerais vous dire que lorsqu’un collaborateur s’en va,
Vous avez le droit de lui demander quel est le meilleur souvenir qu’il garde.
Vous avez le droit de lui dire que s’il part, il pourra revenir.
Vous avez le droit de lui faire un compliment sur ses qualités personnelles.
Vous avez le droit de lui dire que vous le regretterez au sein de l’équipe.
Est-ce une question de gêne, de pudeur, d’ego, d’amertume ? Vous êtes un ETRE humain pas un faire humain, montrez-le simplement.
Les enfants partent du nid familial pour aller voir ailleurs mais gardent toujours l’émotion de la maison familiale, c’est ce qu’on appelle également en expérience client l’EMPREINTE EMOTIONNELLE, c’est-à-dire le souvenir que nous gardons d’une personne, d’un service, d’un lieu ou de son entreprise.
Les collaborateurs fonctionnent à l’identique, il est bon qu’ils aillent se nourrir ailleurs, grandir ailleurs, voir si l’herbe est plus verte ailleurs…
L’expérience client devient belle parce qu’on rencontre des personnes de qualité.
L’expérience collaborateur devient belle parce qu’on rencontre des personnes de qualité également.
Efforçons-nous d’être ces personnes de qualité.